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Edito : La science va-t-elle vaincre le handicap ?

En juillet 2011, un Japonais de 49 ans, Seiji Ushida, paralysé depuis 27 ans à la suite d'un accident de moto, avait pu grimper en haut du Mont Saint-Michel et réaliser ainsi le rêve de sa vie grâce à un exosquelette de dernière génération, fabriqué par Cybery, le HLA ou "Hybrid Assistive Limb" (membre assisté hybride). Ce remarquable dispositif de seulement 23 kg possède trois heures d'autonomie et permet de démultiplier les efforts musculaires de son porteur grâce à un complexe ensemble de capteurs et de micro-moteurs.

Fin 2011, des scientifiques de l'université de Caroline du Nord ont expérimenté avec succès sur des singes, un implant qui leur a permis, après seulement quelques semaines d'apprentissage, de contrôler directement  par la pensée de manière très précise un bras virtuel.

Il y a quelques semaines, des chercheurs de l'Université de Chicago sont parvenus à restaurer, à l'aide d'une neuroprothèse directement connectée sur le cortex, 80 % de la mobilité des mains de plusieurs singes paralysés.

Le mois dernier un anglais de 42 ans, Andrew Glenie, paralysé depuis 19 ans, a expérimenté avec succès un exosquelette bionique qui lui permet de marcher. D'un coût de 120 000 euros, ces jambes robotisés sont constituées de capteurs et de micro-moteurs qui permettent la station debout et la marche pour les personnes paralysées des membres inférieurs.

Début mai, toujours en Grande-Bretagne, Claire Lomas, une anglaise de 32 ans, paralysée, a réussi à boucler pour la première fois, en 16 jours, le marathon de Londres à l'aide de jambes bioniques grâce auxquelles elle a pu rester debout et marcher pendant 42 kilomètres.

Il y a quelques jours, une équipe américaine dirigée par le Professeur Leigh Hochberg du Massachusetts General Hospital de Boston, a annoncé qu'elle avait testé avec succès, au terme de six ans de recherche, un dispositif robotisé directement commandé par la pensée. Ce bras robotique piloté à l'aide d'un micro-réseau d'électrodes implanté dans son cerveau, a permis à Cathy Hutchinson, tétraplégique depuis quatorze ans à la suite d'un accident vasculaire cérébral, de se saisir d'une tasse café puis de la porter à ses lèvres pour la boire !

Ce système d'assistance robotique aux personnes handicapées repose sur la fameuse interface homme-machine "BrainGate" qui récupère les signaux électriques produit par le cortex et les traduit en instructions numériques transmises au robot. Après un apprentissage rapide, Cathy Hutchinson est parvenue à réaliser de manière coordonnée les mouvements qu'elle souhaitait exécuter.

Pour le Professeur Leigh Hochberg, il ne s'agit que d'une étape et il se dit persuadé qu'il sera possible avant 10 ans de restaurer dans un grand nombre de cas la mobilité des personnes paralysées en connectant directement sur leur cerveau, via des interfaces adéquates, des neuroprothèses robotisées (Voir article de Nature).

Autre avancée impressionnante, après une journée complète d'intervention à l'hôpital John Radcliffe d'Oxford, début mai, Chris James, aveugle depuis 20 ans, a recouvré en partie la vue grâce à un œil bionique connecté à son nerf optique. Cet œil artificiel peut transmettre suffisamment d'informations au cerveau pour que celui-ci puisse reconstruire des formes et images simples. Ce dispositif comprend pour l'instant 1.500 diodes photosensibles et des microélectrodes pour transmettre l'information au cerveau. A terme, cet œil bionique pourrait rendre en partie la vue à plus de 25 000 britanniques atteints de rétinite pigmentaire, une maladie qui entraîne la destruction irréversible des cellules photo-réceptrices présentes au fond de l'œil.

De leur côté, des scientifiques de l'Université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie) se préparent également à tester deux versions d'un œil bionique conçu pour les patients souffrant de certaines affections de la rétine. La première version intègrera une centaine d'électrodes et sera expérimentée l'an prochain. Elle devrait permettre aux personnes ayant la rétine endommagée de voir grossièrement les gros objets : bâtiments, voitures, arbres et de se déplacer de manière autonome. La deuxième version contiendra plus de 1 000 électrodes et aura pour but la lecture des gros caractères sur les affiches et la reconnaissance des silhouettes et des visages.

Parallèlement à ces avancées extraordinaires dans les domaines bioniques et robotiques, des chirurgiens américains de Saint Louis (Missouri), dirigés par Susan Mackinnon ont réussi une première mondiale en redonnant à un patient tétraplégique l'usage de ses mains. Pour parvenir à ce résultat, les chirurgiens ont interconnecté les nerfs de l'avant-bras du patient. Après une rééducation de huit mois, celui-ci a pu se remettre à écrire et à manger seul (Voir article). Ce résultat est d'autant plus surprenant que le patient a 71 ans et que, chez les patients âgés, la régénération cellulaire des tissus nerveux se fait généralement moins bien.

En août 2010, une autre équipe américaine dirigée par Oswald Steward (Université de Californie) avait réussi à régénérer des fibres nerveuses de la moelle épinière de rats en les restaurant, par l'inhibition d'une enzyme PTEN, impliquée dans le contrôle de la prolifération cellulaire et le mécanisme de régénération des cellules nerveuses.

Enfin, il faut rappeler les remarquables travaux d'Alain Privat et des chercheurs français de l’Inserm, du CNRS et de l’UPMC qui ont annoncé en juillet 2009 la découverte d'un mécanisme permettant, dans certaines conditions, de régénérer les connexions axonales entre neurones. Ce mécanisme utilise la thérapie génique et les ARN2 interférents pour bloquer le mécanisme cicatriciel des astrocytes qui empêche la repousse des axones. Cette nouvelle voie est considérée comme très prometteuse et devrait permettre à terme de réparer, au moins en partie, des lésions aujourd'hui encore incurables de la moelle épinière.

Ces avancées décisives à la fois dans le domaine de la recherche fondamentale en neurobiologie et dans les secteurs de la cybernétique, de la bionique et de la robotique devraient déboucher, d'ici une dizaine d'années, sur de nouveaux et puissants outils thérapeutiques combinant approches chirurgicales, neurobiologiques et neuroniques. Il deviendra alors possible d'améliorer considérablement l'autonomie des personnes lourdement handicapées, qu'il s'agisse d'un handicap moteur ou sensoriel, comme la cécité et même, dans certains cas, de restaurer les fonctions lésées par l'âge ou la maladie. On mesure mieux les enjeux de cette prise en charge et de cette réinsertion sociale quand on sait qu'il y a environ 30.000 personnes paraplégiques ou tétraplégiques en France mais près de trois millions de personnes lourdement handicapées par l'âge ou la maladie, selon l'Insee.

Mais cette médecine de pointe aura un coût important et il est nécessaire de réfléchir dès aujourd'hui aux réformes qui permettront à notre système de santé et de protection sociale de prendre en charge ces progrès, en tenant compte du gain collectif considérable qui résultera de la restauration de l'autonomie, et de la possibilité de reprendre un emploi et de retrouver un sentiment d'utilité dans la société pour des centaines de milliers de personnes. Souhaitons que notre pays, en pointe dans ces recherches, maintienne son excellence scientifique et technologique dans ce domaine si porteur d'espoirs pour chacun d'entre nous.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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