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Edito : La sagesse de nos démocraties régresse...

Depuis plus de 25 siècles, il est grand dommage que l'Homme ait, philosophiquement, si peu évolué. La sagesse devrait pouvoir prendre de la patine comme le temps en donne à nos monuments, et pourtant, chaque être humain qui vient au monde, et cela fait partie de sa liberté fondamentale, se comporte comme si l'univers était né avec lui. Ainsi, si les connaissances sont cumulatives, ce qui nous permet d'affirmer que l'humanité est de plus en plus savante, génération après génération, par contre, il n'en est pas de même avec la sagesse. Cette distorsion de plus en plus sensible entre la somme de nos connaissances et la sagesse, pose à l'Homme un problème de plus en plus difficile à résoudre. Nous avons conçu des machines qui sont capables de résoudre des milliards d'opérations par seconde. Alors que depuis des dizaines de milliers d'années, l'Homme n'avait pu se déplacer plus rapidement que le cheval qui le portait, il aura suffi de moins d'un siècle pour qu'il fasse plus rapidement maintenant le tour du monde que le temps qu'il fallait à nos aïeux du 19ème siècle pour traverser une Province de France. Alors qu'il y a cinq siècles seulement, l'Homme croyait que sa nourriture était transformée en sang par le foie avant que William Harvey, en 1628, ne démontre le principe de la circulation sanguine, nous sommes à la veille, à l'aide de nanorobots, d'aller détruire, dans nos propres organismes, toutes les molécules nocives et de remplacer toutes les cellules malades ou vieillissantes. La nature elle-même n'ayant plus la capacité de nourrir, naturellement, les dix milliards d'êtres humains que notre planète abritera dans 50 ans, l'Homme va pouvoir, par sa connaissance de la génétique, demander à l'ensemble des êtres organisés (depuis l'amibe jusqu'à l'être le plus complexe) de totalement se mobiliser pour donner à chaque être humain suffisamment de protéines, de glucides, de lipides, mais aussi d'oxygène et d'énergie pour pouvoir vivre. Plus encore, l'Homme qui depuis des siècles et des siècles était obligé de durement travailler pour vivre sinon simplement survivre, a déjà vu la machine souvent le remplacer dans ses tâches physiques répétitives avant même de se substituer à lui dans les oeuvres intellectuelles communes. Nous savons, mais en avons-nous bien conscience, que la somme des connaissances de l'Humanité, à moins d'un accident majeur, doublera tous les dix ans. Ce qui signifie, qu'entre 2000 et 2010, l'Homme aura acquis, depuis l'an 2000, autant de connaissances supplémentaires que l'ensemble de l'Humanité n'en avait acquises depuis l'origine de l'Homme jusqu'à l'aube du 21ème siècle. Quel bonheur pour l'Humanité si la sagesse de l'Homme doublait, elle aussi, tous les dix ans ! Or, malheureusement, il n'en est rien...La sagesse, telle que l'ont imaginée, il y a 25 siècles, nos grands philosophes antiques, a permis à Athènes, de concevoir la Démocratie. Quand la sagesse invite les Peuples à rejeter l'esclavage, à reconnaître les Droits de l'Homme ou incite à la formation, alors les Démocraties se grandissent. Par contre, quand des Démocraties oublient la sagesse en déclarant des guerres à d'autres peuples, comme le fit la ligue de Délos, ce comportement brutal, toujours sanctionné par l'Histoire, fait reculer l'idée de Démocratie dont sont épris tous les Hommes de liberté de notre Monde. Dans notre monde moderne où tout s'accélère, ce différentiel, de plus en plus important entre la stagnation sinon la régression de la sagesse de nos Démocraties et l'évolution rapide de nos connaissances, commence à poser un très sérieux problème. Toutes les Démocraties du Monde, c'est-à-dire les Peuples les plus épris de liberté, et ayant le plus grand sens des responsabilités, devraient, sans retard, se mettre d'accord pour accepter que ce qui dépasse la volonté d'un Peuple n'est certes pas la volonté divine (trop souvent, et trop malheureusement invoquée ces temps-ci !), mais bien la somme des volontés de tous les autres Peuples du Monde. Au même titre que l'intelligence de groupe fait des progrès extraordinaires depuis quelques siècles, si nous la comparons à l'intelligence (philosophique) individuelle, il en est de même pour nos Démocraties. Un peuple seul, aussi grand soit-il, aussi instruit soit-il, ne peut, en solitaire, être plus sage, plus intelligent, que la somme de tous les autres Peuples du Monde. Acceptons, sans tarder, ce principe de bon sens. Sinon, nous prenons le risque de voir de nouvelles organisations sociétales, issues des technologies, nous proposer de nouvelles approches de la vie et que l'Homme pourrait, pour son plus grand malheur, accepter, tant il est écoeuré par la bêtise actuelle et du niveau zéro atteint par certaines de nos Démocraties.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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