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Edito : Le rythme de l’élévation de l’espérance de vie s’accélère

C’est une véritable somme que vient de publier l’Organisation Mondiale de la Santé le 19 mai dernier. Cette vaste étude, intitulée « statistiques sanitaires mondiales » montre que l’espérance de vie moyenne dans le monde a progressé de cinq ans depuis 2000 et dépasse à présent les 70 ans. En outre, le rythme de l’élévation de cette espérance de vie mondiale est plus rapide depuis plus d’un demi-siècle. L’espérance de vie était en 2015 de 73,8 années pour les filles et de 69,1 ans pour les garçons (71,4 en moyenne). Fait remarquable, pour la première fois, celle-ci passe sous la barre des 6 millions de décès annuels d'enfants de moins de 5 ans. Deux fois moins d'enfants sont donc morts en bas âge en 2015 qu'en 1990 (12,7 millions) (Voir OMS).

Cette progression globale très forte de l’espérance de vie au niveau mondial inverse la tendance à la baisse de l’espérance de vie provoquée par l’épidémie de sida en Afrique au cours des deux dernières décennies du siècle dernier. L’OMS rappelle les nombreux défis qui restent à relever pour améliorer la santé des habitants de la planète et leur permettre de vivre plus longtemps. Chaque année, 1,7 milliard de personnes ont besoin de traitements pour des maladies tropicales négligées. On compte par ailleurs deux millions de personnes par an infectées par le VIH, 9,6 millions de nouveaux cas de tuberculose et 214 millions de cas de paludisme.

S’agissant des principales causes de décès, l’OMS rappelle que l’ensemble des maladies infectieuses reste au premier rang, avec environ 17 millions de morts par an, suivies par les maladies cardio-vasculaires et cérébrales (15 millions de morts par an) et par le cancer (8 millions de morts par an).

Les derniers rapports de l'OMS nous apprennent que les maladies non transmissibles ont été responsables de 68 % des décès dans le monde en 2012, contre 60 % en 2000. Les quatre principales maladies non transmissibles sont les maladies cardio-vasculaires, les cancers, le diabète et les pneumopathies chroniques. Les maladies transmissibles (y compris les problèmes nutritionnels) sont responsables pour leur part de 23 % des décès dans le monde, contre 31 % au début de ce siècle.

Sans verser dans un triomphalisme déplacé, , il est tout de même bon de rappeler que les progrès de la science et de la médecine, conjugués à une meilleure coordination mondiale des politiques nationales et internationales et à des initiatives privées tout à fait remarquables, comme celles mises en œuvre par la fondation de Bill Gates, ont permis un recul sans précédent dans l’histoire de l’Humanité des grandes épidémies qui menacent notre espèce depuis la nuit des temps.

Dans le domaine de la tuberculose par exemple, la mortalité mondiale a diminué de moitié au cours des 25 dernières années. Néanmoins, 1,5 million de personnes sont mortes de la tuberculose en 2014 et la plupart de ces décès auraient pu être évités, selon le rapport 2015 de l’Organisation mondiale de la Santé sur la lutte contre la tuberculose dans le monde, Global Tuberculosis Report 2015.

Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) visant la réduction de la tuberculose, ont été atteints au niveau mondial dans 16 des 22 pays ayant une forte charge de morbidité et totalisant 80 % de l’ensemble des cas. À l’échelle mondiale, l’incidence de la tuberculose a diminué de 18 % depuis l'an 2000. « Grâce aux progrès obtenus au cours des 15 dernières années, 43 millions de vies ont pu être sauvées » rappelle le Docteur Mario Raviglione, directeur du programme mondial chargé de la maladie au sein de l’OMS. Comme le souligne Margaret Chan, Directeur général de l’OMS, « Le rapport montre que la lutte antituberculeuse a eu un impact énorme en termes de vies sauvées et de patients guéris ». 

Autre évolution remarquable, la diminution des cas de paludisme, une maladie infectieuse provoquée par des parasites du genre Plasmodium et transmise, comme on le sait, par les moustiques anophèles femelles. C’est que le continent africain concentre 88 % des cas de paludisme et 90 % des décès liés à cette maladie. 

Depuis 2000, le taux des nouveaux cas de paludisme a chuté de 37 %, et celui de la mortalité de 60 %. En quinze ans, ce sont quelque 6,2 millions de vies épargnées, selon un rapport conjoint de l'OMS et l'UNICEF. Le paludisme régresse à la fois grâce à la prévention, aux traitements, et la lutte contre cette maladie. Résultats : le projet d'inverser la courbe du paludisme en 2015, inscrit dans les objectifs du millénaire pour le développement de l'ONU, a été atteint.

Quelques pays continuent cependant à concentrer le plus grand nombre de cas, principalement en Afrique subsaharienne, où l'on enregistre 80 % des cas et 78 % des décès. De nombreux pays sont toutefois sur le point d'éliminer le paludisme. En 2014, treize nouveaux pays ont fait état de zéro cas et six pays ont connu moins de dix cas.

Le paludisme tue principalement les enfants : ceux de moins de cinq ans représentent les deux tiers des décès, rappelle le rapport. Mais il souligne aussi que grâce au financement de la lutte, multiplié par vingt depuis 2000, le taux de mortalité infantile a baissé de 65 %, ce qui représente 5,8 millions de vies épargnées. Aujourd'hui, 68 % des enfants de moins de 5 ans en Afrique subsaharienne dorment sous des moustiquaires - ils étaient moins de 2 % en 2000.

Si cette évolution très positive se poursuit au même rythme, l’objectif principal du nouveau plan de lutte 2016-2030 adopté par l’OMS, à savoir éradiquer la maladie dans au moins dix pays dans les cinq ans à venir, pourrait être largement dépassé. L’OMS estime en effet que 21 pays sont potentiellement en mesure d’atteindre cet objectif d’ici à 2020, dont six pays africains : l’Algérie, le Cap Vert, le Swaziland, le Botswana, l’Afrique du Sud et les Comores.

Sur le front du sida, des résultats sont également très encourageants. L'Onusida, programme des Nations Unies de lutte contre le VIH, a en effet enregistré une baisse historique du nombre de décès liés au sida dans le monde, en 2013 (dernière année connue), avec près de 1,5 million de personnes mortes de la maladie, soit 12 % de moins qu'en 2012 et 35 % de moins qu'en 2005. Quant au nombre de nouvelles infections au VIH, il est en diminution constante et est passé de 2,2 millions en 2012 à 2,1 millions en 2013. Cette diminution des nouveaux cas de sida est encore plus impressionnante dans la durée puisqu’elle est de 27,6 % dans le monde depuis 2005.

Une autre avancée décisive a été obtenue dans la lutte contre la poliomyélite  dont le nombre de cas a diminué de plus de 99 % depuis 1988 dans le monde, passant de 350 000 à 406 cas notifiés en 2013. Depuis début mai, l’ensemble des pays doit proposer un nouveau vaccin oral contre la poliomyélite. Pour cela, pas moins de 300 millions de doses devraient être distribuées. « Nous sommes plus proches que jamais de mettre fin à la polio dans le monde entier, ce qui est la raison pour laquelle nous sommes en mesure de procéder à ce remplacement synchronisé », a expliqué le directeur de l’éradication de la poliomyélite, Michel Zaffran. De fait, seuls le Pakistan et l’Afghanistan sont encore endémiques, même si quelques cas ont été recensés en Ukraine fin 2015. Mais dans les autres pays, la vaccination reste cruciale afin d’éliminer la circulation du poliovirus sauvage et éviter son retour.

Actuellement, un vaccin oral trivalent est utilisé, c’est-à-dire qu’il contient les trois types de poliovirus existants. Il s’agit d’un produit contenant une forme atténuée du poliovirus, qui se réplique dans l’intestin pendant une courte période.

A présent, l’OMS souhaite passer à un nouveau vaccin oral dit bivalent. Il ne contiendra que les souches de type 1 et 3 qui sont toujours en circulation. Au cours des 10 dernières années, la vaccination antipoliomyélitique a permis d’éviter plus de 5 millions de paralysies.

Il faut également rappeler la diminution considérable du nombre de cas de rougeole depuis le début de ce siècle. On estime en effet que, depuis 2000, le nombre de cas de rougeole dans le monde a baissé de 73 %, passant de 853 480 à 226 722. Quant au nombre de décès évités grâce à la vaccination contre cette maladie, il est estimé à 13,8 millions. Cependant, l’élimination complète de la rougeole reste un objectif difficile à atteindre car elle suppose une couverture vaccinale de 90 %, alors qu’elle n’est que de 84 % dans le monde. Elle est de l’ordre de 75 % en Afrique et en Asie.

S’agissant des maladies diarrhéiques, elles tuent deux fois moins d’enfants en bas âge aujourd’hui qu’au début de ce siècle, même si elles restent la deuxième cause de mortalité chez les enfants bas âge avec 760 000 décès par an. Heureusement, il existe depuis 2006 deux vaccins efficaces contre les rotavirus responsables de ces maladies et des essais cliniques conduits en Afrique ont clairement montré que l’utilisation généralisée de ces vaccins permettrait de réduire de 60 à 90 %, selon les pays, le nombre d’hospitalisations d’enfants de moins d’un an. À terme, la mise en place de cette vaccination contre le rotavirus dans tous les pays touchés par ces maladies diarrhéiques devrait permettre d’éviter 180 000 décès par an et plus de 6 millions de consultations. Mais il est important de souligner que le vaccin à lui seul ne peut pas tout et que la diminution massive de ces maladies diarrhéiques passera également par une amélioration sensible des conditions d’hygiène : accès à l’eau potable et assainissement notamment.

Dans un rapport publié en septembre 2014, l’UNICEF soulignait qu’entre 1990 et 2013, le nombre de décès de nouveau-nés a chuté de 49 %, passant de 90 à 46 pour 1000 naissances vivantes (de 12,7 millions à 6,3 millions de morts). La baisse de la mortalité infantile est plus rapide aujourd’hui qu’elle ne l’a été au cours des vingt dernières années, note encore le rapport 2014 « Niveaux et tendances de la mortalité infantile ».

Cette baisse a été multipliée par trois, notamment en Afrique de l’Est et en Afrique australe. « Nous constatons une progression spectaculaire dans la réduction de la mortalité chez les enfants et ces données prouvent qu’une réussite est possible même pour les pays qui manquent de ressources », a déclaré Mickey Chopra, chef de la division des programmes internationaux de santé de l’Unicef.

Cette évolution très encourageante a été confirmée par l’OMS qui a annoncé, en septembre 2015, que les taux de mortalité de l’enfant ont baissé de plus de moitié par rapport à 1990. Le nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans est passé de 12,7 millions par an en 1990 à 5,9 millions en 2015. C’est la première année où ce chiffre passe en-dessous de la barre des 6 millions.

Parmi les principaux facteurs qui expliquent cette diminution historique de la mortalité infantile et ce recul des grandes épidémies, il faut inlassablement rappeler le rôle majeur de la vaccination, dont l'efficacité ne cesse de s'accroître au niveau mondial, à la fois grâce à une meilleure couverture vaccinale et à l'arrivée de nouveaux vaccins (Hépatites, Paludisme, Dengue, Méningite, diarrhée, Ebola…).

L'UNICEF a raison de rappeler que la vaccination sauve entre deux et trois millions de vies par an dans le monde et il y a quelques jours, une équipe hollandaise a réalisé une analyse historique des causes spécifiques de mortalité infantile et des jeunes adultes (jusqu’à 20 ans) entre 1903 et 2012 aux Pays-Bas, couplée aux évolutions de la couverture vaccinale. Les résultats sont sans appel : avant la mise en place de la vaccination contre la diphtérie (1953), la mortalité attribuée à cette maladie était constante, autour de 1,4 %. Après la mise en place de la vaccination systématique, elle décline très rapidement pour parvenir aux alentours de 0 %. La même évolution est constatée pour la mortalité par coqueluche et tétanos (1954), qui passe très vite de 3,8 % et 0,1 % à près de 0 %. La mortalité par polio (1957), rubéole et oreillons (1987) suit les mêmes courbes de déclin (Voir The Lancet).

La qualité méthodologique de cette étude va à l'encontre de la thèse selon laquelle la disparition des maladies infantiles ne devrait rien aux vaccinations et serait due seulement à l’amélioration des conditions de vie. Ce travail scientifique très sérieux montre au contraire qu’environ 9 000 décès d’enfants et jeunes adultes de moins de 20 ans, nés avant 1992, ont été évités aux Pays-Bas par la vaccination de masse.

Rappelons qu’au niveau mondial, comme le rappelle le Professeur Pierre Aubry (Centre René Labusquière, Université de Bordeaux), le nombre total des décès évités entre 2011 et 2020 par les vaccinations, en supposant l'absence de vaccination comme scénario de comparaison, serait de 24,6 à 25,8 millions, dont 14,1 millions pour la rougeole et de 5,3 à 6 millions pour l'hépatite à virus B.

Cette évolution mondiale très encourageante, marquée par un recul durable et sensible des grandes épidémies, conforte l’OMS dans sa volonté de réduire de 40 % le nombre de décès prématurés, avant l’âge de 70 ans, d’ici à 2030, conformément aux 13 objectifs définis en 2015 par le nouveau programme de développement durable par l'assemblée générale des Nations Unies.

Parmi ces objectifs, citons la fin des épidémies de sida, de tuberculose et de paludisme et la diminution par trois de la mortalité maternelle (l'objectif est de parvenir en dessous de 70/100 000 naissances, contre 216/100 000 en 2016).

A la lumière de cette évolution tout à fait remarquable, marquée à la fois par une diminution sans précédent de la mortalité infantile et une augmentation historique de l’espérance de vie et par une amélioration incontestable de la situation sanitaire mondiale, on ne peut qu’être optimiste pour l’avenir, même si des défis sociaux, médicaux et sanitaires à relever restent évidemment immenses au niveau mondial.

Au cours de la prochaine génération, la généralisation de la télémédecine et de la santé connectée devrait permettre, combinée à l’accélération des progrès scientifiques et médicaux, de rendre accessible à tous les habitants de notre planète une offre de santé leur permettant enfin d’être correctement soignés et débarrassés de la plupart des grandes épidémies qui terrorisent l’Humanité depuis des millénaires. Souhaitons qu’en ces temps d’incertitudes économiques et de défiance de plus en plus grande vis-à-vis de l’idée de progrès, nous soyons capables de poursuivre cet effort collectif qui relève à la fois d’un impératif social et moral, en faveur de la santé et du bien-être pour tous les hommes.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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  • J.T.

    10/06/2016

    Pour valables que soient ces réussites médicales..., la vie étant un TOUT qui doit se révéler tenable et harmonieuse à tous les égards, il faut voir les modes de vie qui en résulteront derrière si les naissances ne conduisent pas à des éducations plus globales et spirituelles, tenant compte de la responsabilité d'auto-gestion personnelle d'avec celle de la planète.

    Hors les modes de vie concentrationnaires en ville n'ont pas la prétention de cette qualité d'auto-gestion, dont celle de prises en charge passives et en bougeant le moins, les pieds à vie sous un bureau, sinon à ne se bouger plus que pour "manies-fesses-tait", les corps remplis de silicones ou gonflés artificiellement par dopage et musculations excessives, pour faire croire être bien portants... !§!

    Cela conduit à des obsessions comportementales, les niveaux physiques pas assez bougés en atmosphère saine...!

    Les taux de maladies citadines explosent, comme l'obésité, les cancers, les maladies cardio-vasculaires ! Alors, quelle est la valeur d'une telle société parcellaire qui ne tient pas compte de tout d'un bout à l'autre de la chaîne des responsabilités individuelles et collectives ?

    Vivre plus vieux n'est valable que si toute l'éducation et les modes de vies tendent à plus d'auto-gestion saine, fine, et donc à plus de sagesse vécue, retournée...! On en est loin, presque à l'inverse en valorisant de fausses réussites matérielles sensées combler les vides...

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