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Edito : Les robots d'intervention et de combat vont changer la nature des conflits

Dans une de nos récentes lettres, nous évoquions l'arrivée des robots dans le domaine de la sécurité

(Voir la rubrique Robotique de notre lettre 357).

Ces robots "Robowatch", équipés de GPS et de caméras, et truffés de capteurs, détecteurs en tout genre (mouvement, produits chimiques, chaleur...) peuvent déjà être utilisés dans diverses situations et missions de surveillance et sont très efficaces en raison de leur compacité, de leur rapidité et de leur autonomie. Mais il ne s'agit pas pour autant de robots de combat et leur rôle se borne, pour l'instant, à détecter et à signaler des intrusions.

Ces robots de combat et d'appui militaires, baptisés UVG (Unmanned Ground Véhicle ou véhicule terrestre sans pilote) commencent cependant à être expérimentés sur le terrain. L'armée américaine teste notamment l'un de ces véhicules robotisé dénommé "La Mule". Ce véhicule pèse 2 tonnes et, grâce à ses six énormes roues indépendantes, il peut circuler sur n'importe quel terrain. Lorsqu'il faut aller vite, il actionne son moteur diesel. S'il vaut mieux avancer lentement et en silence, c'est le moteur électrique qui fonctionne. La Mule est le premier véhicule robotique au service de l'armée américaine, capable de se déplacer toute seule, sans pilote ni télécommande. Elle est surmontée d'une grosse tête ronde translucide, bourrée de caméras, de micros, de capteurs, de radars, de sonars et de lasers.

Sa première mission sera d'accompagner les fantassins en opérations et de porter leurs paquetages - d'où son nom. Plus exactement, elle suivra un mini-émetteur logé dans la veste de l'un des soldats de son unité. Équipée d'une benne, elle pourra transporter des centaines de kilos d'armes, de vivres et de matériel. Les GI qui doivent parfois porter sur leur dos plus de 40 kg d'équipement seront ainsi plus agiles. Elle servira également de groupe électrogène, de purificateur d'eau et de détecteur de mines ou d'armes chimiques.

La production en série pourrait commencer dès 2012, pour un déploiement sur le terrain à partir de 2014. Le Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency), l'agence de recherche scientifique du Pentagone, a confié les différentes parties du programme à plusieurs consortiums, réunissant des laboratoires publics, des universités, des grands fabricants d'armements et des petites start-up d'informatique et de robotique.

La Corée du sud a également décidé de développer un ambitieux programme de robots militaires. Dans un premier temps, les robots militaires auront deux rôles distincts. D'ici 2011, l'ADD (Agency for Defense Development) se chargera du système de mobilité du robot et de l'intégration de la technologie, tandis que l'ETRI (Electronics and Telecommunications Research Institute) développera la commande à distance et la sécurité de la technologie.

La Corée travaille sur deux types de robots, l'un est sur roues et l'autre sur pattes. La créature à huit pattes peut transporter des charges de 200 kg, et celle à six roues ou six pattes peut transporter des charges de 100 kg. Ces robots devraient êtres capables de porter au moins autant que leur poids et seront équipés de caméras de surveillance mais aussi d'une mitrailleuse afin de détruire les objets dangereux comme par exemple des mines. Le ministère de la défense a officiellement déclaré que la décision entre le robot à pattes et celui à roues sera prise à la fin de l'année prochaine. Le robot sera commandé à distance et connecté à un réseau de communication, qui permettra à une centaine de robots de s'échanger des informations.

L'arrivée d'UVG pleinement « autonomes », vers 2020, va d'abord bouleverser les règles de surveillance et de reconnaissance des zones de combat. Grâce à ses batteries de capteurs, un robot patrouillant inlassablement autour d'une zone sera plus efficace qu'une armée de sentinelles. Rien ne lui échappera. De même, un robot envoyé en éclaireur en territoire hostile pourra collecter des masses gigantesques d'informations sur les positions ennemies et les transmettre en direct à sa base arrière.

Enfin, à horizon 2025, l'armée américaine espère posséder, en sus des UVG autonomes, de véritables robots guerriers capables de prendre part aux combats. Il s'agira d'une gamme de blindés rapides de 2 à 10 tonnes. Il est déjà prévu de les équiper de fusils à longue portée, de mitrailleuses, de lance-grenades et de missiles à guidage électronique. Ils ne seront pas programmés pour une mission précise. Ils devront être capables de patrouiller dans une zone hostile et d'analyser des situations complexes.

S'ils repèrent une unité ennemie, ils se placeront eux-mêmes en embuscade et transmettront les informations au QG. Là, des officiers décideront de la suite des événements. Si les robots reçoivent l'ordre d'attaquer, ils se chargeront eux-mêmes de sélectionner les cibles prioritaires et déclencheront les tirs. Selon M. Omead Amidi, ingénieur en robotique de l'université de Carnegie-Mellon, cette division du travail est logique : « Dans vingt ans, les hommes resteront meilleurs que les robots pour reconnaître les formes et les objets. En revanche, les robots seront meilleurs que les hommes pour viser juste. »

Ce n'est pas un hasard si la montée en puissance de ces robots d'appui et de combats s'effectue alors que les conflits conventionnels, entre états et armées régulières, cèdent de plus en plus la place à la lutte antiguérilla et antiterroriste. Les américains ont compris depuis le désastreuse expédition en Somalie qu'il ne suffisait pas, dans une situation de guérilla urbaine, d'être plus puissant militairement, pour éviter de coûteuses pertes en vies humaines.

Cette prise de conscience est renforcée quotidiennement par la guerre en Irak dans laquelle les armes et moyens conventionnels montrent chaque jour cruellement leurs limites. Dans de tels conflits, les avantages de ces robots appui, d'observation et de combats pourraient s'avérer décisifs. Ces robots pourront s'infiltrer partout pour observer et transmettre aux combattants humains une foule d'informations précieuses qui leur évitera d'exposer inutilement leur vie. Ils pourront également, couplés avec la nouvelle génération de détecteurs chimiques ultra-sensibles, détecter les plus infimes quantités d'explosifs ou de gaz toxique. Jamais stressés ou fatigués, ces robots de combat pourront fonctionner nuit et jour sans se reposer, ou rester cachés sous des gravats pendant des semaines, puis repartir au quart de tour.

Cela signifie-t-il qu'à terme nous verrons des armées uniquement composées de robots partant seuls au combat, tandis que les humains resteraient tranquillement à l'arrière. Probablement pas car dans certaines situations de guerre, l'expérience et l'intelligence humaines resteront irremplaçables et ces robots auront pour mission d'accroître considérablement l'efficacité des combattants, et de les rendre beaucoup moins vulnérables mais ils ne pourront jamais totalement remplacer la présence de guerriers humains sur les théâtres d'opération militaires.

En fait, le combattant de 2025 sera au centre d'un réseau numérique de combat constitué de plusieurs niveaux et types de robots. Il disposera, pour lui même, d'un exosquelette motorisé qui décuplera sa force, sa rapidité et son autonomie de déplacement. Mais il aura également à sa disposition toute une panoplie de robots, du microrobot à lancer (Throwbot) qui pourra être jeté comme une grenade par la fenêtre d'une maison tenue par l'ennemi, à la "Mule" de transport de vivres et de munitions, en passant par le mini-char de combat autonome et téléguidé et par le minidrone, capable de survoler la zone de combat et même d'explorer les bâtiments. Tous ces robots communiqueront entre eux en permanence et formeront un réseau numérique d'observation, de détection et de combat d'une redoutable efficacité. Ce système robotique saura bien entendu à tout moment où se trouve son soldat humain et pourra immédiatement l'assister en cas de blessure en lui délivrant les premiers soins et en l'évacuant automatiquement en cas de besoin.

Il ne fait nul doute que ces systèmes de combat constitueront pour nos démocraties des armes décisives face à des organisations criminelles et terroristes de plus en plus puissantes et déterminées. Il reste cependant que ces systèmes d'armes robotisées poseront de sérieux problèmes éthiques car il faudra bien décider de quelle capacité d'autonomie ils disposeront sur le terrain en matière de destruction et d'élimination des ennemis. Dans quelles circonstances et jusqu'où acceptera-t-on de conférer à des machines le pouvoir de tuer ? Tel est le redoutable débat éthique et démocratique qui va s'ouvrir au cours de ces prochaines années si nous voulons utiliser pleinement les potentialités de ces robots de guerre pour défendre notre civilisation et nos concitoyens des nouvelles formes de barbarie qui nous menacent.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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