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Edito : Les robots de compagnie vont transformer notre société

Confronté à un déclin démographique sans précédent, Le Japon compte de moins en moins d'enfants et de plus en plus de retraités. L'archipel compte plus de 23.000 centenaires. Les pouvoirs publics nippons sont persuadés que la société de demain aura besoin de robots pour faire face au vieillissement de la population et aux besoins d'aide à domicile. Fort du soutien massif de l'Etat, et s'appuyant sur de grands programmes publics de recherche à long terme dont nous ferions bien de nous inspirer, les grands groupes industriels et électroniques japonais ont acquis en robotique une avance et un savoir-faire technologiques indiscutables.

Le Meti a financé massivement l'amorçage de ce secteur depuis au moins une dizaine d'années et aujourd'hui l'effort de recherche public global en robotique est 50 fois plus important au Japon qu'en France. Quant au nombre de chercheurs en robotique, il est 10 fois plus important au Japon que dans l'Hexagone. Après avoir déjà conquis les deux tiers du marché mondial de la robotique industrielle estimé à 5 milliards d'euros, les japonais se donnent aujourd'hui tous les moyens, politiques, scientifiques et économiques, de conquérir le marché aux immenses potentialités de développement que représente la robotique personnelle. C'est ainsi que depuis quelques mois, on assiste au Japon à une véritable explosion d'innovations en matière de robots, qu'il s'agisse de Matsushita qui a ouvert une maison de retraite robotisée, d'Asimo, le petit robot humanoïde de Honda qui aide dans les taches domestiques, de Sony avec son chien-robot Aibo, qui connaît un grand succès ou encore PaPeRo, le robot de compagnie que vient de présenter Nec. (Voir article détaillé dans notre rubrique « information&communication »).

Il est vrai que les enjeux industriels et économiques sont immenses : les responsables économiques et politiques japonais estiment que le marché global de la robotique au Japon va passer de 4 milliards d'euros aujourd'hui à plus de 60 Milliards ? en 2025. Ils sont en outre persuadés que la robotique de service et d'assistance à la personne va devenir un marché de masse dès 2010. Bien que gouvernement et industriels nippons restent discrets sur les sommes investies, on évalue par exemple à 10 millions d'euros par an pendant 10 ans les dépenses de Honda pour le seul développement de son robot domestique Asimo.

L'extraordinaire engouement des Japonais pour ces machines va trouver sa consécration dans l'exposition universelle d'Aichi qui ouvre ses portes le 25 mars prochain près de Nagoya et fera la part belle à la robotique et à l'intelligence artificielle, avec plus de 100 robots différents présentés.

Mais au-delà de la seule réalisation de robots complets, les chercheurs japonais travaillent sur un nouveau concept très fécond appelé Robotics Technology (RT). Ce concept intègre et combine toutes les technologies nécessaires pour une interaction physique avec l'environnement via des capteurs, des actionneurs et des moyens de traitement et de communication (transpondeurs ou étiquette RFID, communication multimédia sans fil, GPS, etc.). A plus long terme, cette technologie robotique intégrera également les nanotechnologies et les biotechnologies.

On voit donc que la robotique, telle que la conçoivent les japonais, recouvre d'immenses champs d'application qui vont de la domotique à l'informatique ubiquitaire, en passant par la micro-mécanique et les sciences de l'énergie. Quant aux usages, ils ne se limitent plus aux usines et la RT se donne comme ambition de devenir l'interface indispensable entre l'homme et le monde physique.

C'est ainsi qu'Honda travaille sur des véhicules qui passent partout (par exemple monter des escaliers). Toyota va se lancer dans la fabrication de maisons-robots, de services de soins, de surveillance d'immeubles. NTT, pour sa part, imagine la gestion d'un parc de robots à l'aide d'un simple téléphone portable.

Dernier exemple de l'imagination japonaise sans limites, les "smart fourniture", ou « meubles robot ». L'idée est que lorsque vous entrez dans votre bureau ou votre domicile, les meubles, l'éclairage et les outils de travail se règlent automatiquement à votre environnement de travail et à vos goûts personnels.

A plus long terme, les chercheurs japonais envisagent très sérieusement une société « symbiotique » dans laquelle homme et robots autonomes très sophistiqués cohabiteront harmonieusement. Telle est notamment la finalité du « Symbiotic System Project » du Professeur Kitano. Dans une dizaine d'années on pourrait même voir sortir des laboratoires les premiers robots ou prothèses robotisés, directement commandés par la pensée, comme ce bras robotisé expérimenté sur le singe par l'Université de Pittsburgh (Voir article détaillé dans la rubrique « information&communication »)

Mais dès à présent le Japon veut utiliser toutes les ressources de la robotique pour améliorer la vie quotidienne des personnes âgées ou handicapées. Matsushita teste ainsi depuis 23 ans l'utilisation de petits robots de compagnie dans les maisons de retraite.

Le professeur Sankai, ingénieur et professeur à l'Université de Tsukuba a pour sa part inventé une combinaison robotisée destinée aux personnes âgées et aux handicapés, les aidant à marcher ou monter des escaliers.

Ce vêtement robotique a été baptisé « HAL-3 » (Hybrid Assistive Leg). Le « HAL-3 » est en fait une sorte de costume intégrant un ordinateur qui se porte dans le dos et s'attache au niveau des genoux et des hanches. Des signaux électriques provenant des muscles indiquent à l'appareil le mouvement des jambes à effectuer. Le robot va alors aider son utilisateur à se mouvoir comme il le souhaite. Le « HAL-3 » permet ainsi de marcher quatre kilomètres par jour sans se fatiguer et de s'asseoir même sans fauteuil. Une version pour les bras devrait bientôt être mise au point ainsi qu'un moyen de porter ces appareils sous ses vêtements.

On voit donc que les robots devraient d'ici quelques années profondément transformer la qualité de vie de nos anciens et des personnes malades ou fragiles en devenant d'ici 10 ans de véritables auxiliaires de vie. Mais au-delà de leurs fonctions d'aide à la personne et d'assistance médicale, les robots pourraient avoir un impact socio-culturel et éthique majeur en transformant et enrichissant la conception que l'homme se fait de lui-même, à condition que la machine soit toujours au service de l'être humain et ne veuille jamais l'asservir.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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