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La recherche européenne à la traîne derrière les Etats-Unis

Le Japon a investi, en l'an 2000, 3 % de son produit intérieur brut (PIB) dans la recherche, les Etats-Unis 2,7 %, tandis que l'Union européenne stagnait à 1,93 %. A taux de change constant, l'Amérique a, cette année-là, consacré à la recherche 100 milliards d'euros de plus que l'Europe. Cet écart a doublé en cinq ans. Il explique en grande partie le différentiel de productivité qui se creuse entre les deux rives de l'Atlantique, et dont la Commission européenne s'était alarmée au mois de mai. La prise de conscience du danger a conduit les Européens, au Sommet de Barcelone, en mars, à s'engager à investir d'ici la fin de la décennie 3 % de leur PIB dans la recherche. Chargé de voir quelles politiques doivent être mises en place pour y parvenir, le commissaire européen Philippe Busquin s'apprête à rendre public des chiffres alarmants. Dans un entretien au Monde, il estime que les gouvernements européens n'ont pas encore pris la mesure de "l'importance de la recherche et de l'innovation pour résoudre les problèmes de croissance et d'emploi en Europe". Cet écart croissant entre les deux côtés de l'Atlantique est dû essentiellement à la faiblesse de l'investissement privé, deux fois moins élevé en Europe qu'aux Etats-Unis. La puissance publique américaine joue un rôle important pour aider cette recherche privée. Grâce aux commandes de l'industrie militaire ou aux accords avec les universités américaines, 12,3 % des recherches des entreprises sont financées par des fonds publics, contre 8,5 % en Europe. Au moment où l'administration Bush augmente de 47 % le budget de la défense, "il n'y a pas de prise de conscience suffisante qu'il faut mener cette politique industrielle à l'échelle européenne", avertit M. Busquin. Le commissaire souligne que "jusqu'à une période récente, l'effort de recherche consenti dans un Etat était considéré comme un élément de support à son industrie nationale", aboutissant à des déperditions d'énergie. Si l'Europe a réussi à unifier son industrie aéronautique autour d'Airbus, le couple Siemens/Deutsche Bahn et Alstom/SNCF se sont livré une concurrence féroce et coûteuse pendant un demi-siècle. Les programmes de recherche européens représenteront 17,5 milliards d'euros de 2002 à 2006 - à comparer avec les 40 milliards d'euros annuels d'aide à l'agriculture. De nombreuses voix demandent qu'ils soient augmentés. Ils doivent, pour M. Busquin, être "le liant" pour coordonner les politiques nationales et les efforts industriels. Depuis le sommet de Barcelone, "la direction de la concurrence de la Commission est beaucoup plus souple sur les aides d'Etat pour la recherche et le développement" mais il reste de très nombreux obstacles. L'institution d'un brevet communautaire est toujours bloquée au conseil des ministres des Quinze. Le capital-risque est sous-développé. Surtout, s'inquiète le commissaire européen, "on réglemente parfois trop". "Sur les OGM, vu comme c'est parti, l'Europe ne sera pas du tout dans le coup", estime-t-il, déplorant que les grands groupes aillent investir aux Etats-Unis. Même souci pour la recherche génétique. "L'Australievientd'investir 20 millions d'euros pour un centre de production de cellules-souches. Singapour est prêt à le faire. Ainsi, certains médicaments pour lutter contre la maladie de Parkinson se développeront peut-être plus là-bas qu'en Europe". Un autre enjeu consiste à améliorer l'environnement des chercheurs. "Les structures universitaires sont très figées : il n'y a pas cette idée de favoriser les meilleurs chercheurs, de permettre des liens plus forts entre universités et entreprises", s'inquiète M. Busquin, qui souhaite que l'Europe s'inspire des expériences positives menées en Suède et Finlande. Ces deux pays ont beaucoup progressé et investissent dans la recherche 3,6 % et 3,3 % de leur PIB. "Le salaire des chercheurs doit être revalorisé un peu partout en Europe", demande le commissaire, qui déplore, qu'à l'exception de la France, ils soient surtout en contrat à durée déterminée. "Quand des chercheurs ont un contrat d'un an, si on leur propose quelque chose de bien, ils partent aux Etats-Unis". Sans surprise, l'Europe est pauvre en capital humain, comptant seulement 5,1 chercheurs pour 1000 actifs, contre 7,4 aux Etats-Unis et 8,9 au Japon.

Le Monde du 26-06-2002 :

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3214--282241-,00.html

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