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Edito : Le réchauffement de la planète n'est pas une fatalité

180 pays vont se retrouver du 13 au 24 novembre à La Haye pour ce que le ministre néerlandais de l'Environnement et président de la réunion, Jan Pronk, a appelé la "conférence de la dernière chance" contre le réchauffement climatique. Les ministres de l'Environnement de la planète doivent finaliser les règles d'application du protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz réchauffant la planète, notamment le CO2 (gaz carbonique). Les enjeux économiques, sociaux et politiques de ce dernier sommet du siècle consacré à l'environnement sont considérables. Malheureusement, le grand public ne perçoit pas suffisamment l'importance de ces questions essentielles pour notre avenir qui, souvent, sont d'une grande complexité et accaparées par les spécialistes. Le protocole de Kyoto impose à 38 pays occidentaux de réduire à l'horizon 2010 de 5,2 % en moyenne par rapport à 1990 leurs émissions de gaz à effet de serre. Les objectifs varient considérablement selon les pays (- 8 % pour l'Union Européenne, - 7 % pour les Etats-Unis, - 6 % Japon et Canada, 0 % Russie). Il n'a été ratifié que par des pays du Tiers-Monde qui n'ont pas d'obligations chiffrées. Les pourparlers opposent l'Union Européenne aux Etats-Unis (soutenus par la Russie, le Japon et le Canada). Chacun des deux camps tente de rallier à ses positions le troisième, le G-77 (Tiers-Monde), qui est lui-même profondément divisé. L' Union européenne veut instaurer un "plafond" sur les licences d'émission, achetées à un pays ayant fait davantage d'efforts et disposant d'une marge sur son quota d'émissions ou obtenues en réalisant à l'étranger des projets de "développement propre". Pour les Etats-Unis, premiers pollueurs avec 1/4 des émissions mondiales de CO2 et 36 % de celles des pays du Nord, un plafond serait contraire à la souveraineté nationale. Les Etats-Unis et les pays en voie de développement exigent une large prise en compte des "puits de carbone" comme les forêts dont les arbres puisent du CO2 dans l'atmosphère en état de croissance et en rejettent à maturité. Ils veulent inclure ces "puits" dans les projets de développement "propre". Les Européens y sont hostiles. Un autre point de désaccord fondamental porte sur le respect des obligations et la nature des sanctions à prévoir. Par ailleurs, pour éviter que des pays vendent à d'autres des permis d'émission ne correspondant à aucun effort réel de réduction, l'UE demande que la responsabilité des transactions soit partagée entre pays acheteur et pays vendeur. Les Etats-Unis veulent que la responsabilité d'une transaction soit imputée au seul vendeur. Enfin, une prise en compte très large des émissions de gaz à effet de serre des végétaux qui pompent du carbone dans l'atmosphère en état de croissance et en rejettent lorsqu'ils se décomposent, est exigée par les Etats-Unis. Elle est rejetée par l'UE qui souligne la difficulté de quantifier ces "puits" de carbone. Quant aux pays du Tiers-Monde, ils sont fermement opposés aux USA qui veulent les contraindre dès maintenant à réduire la croissance de leurs émissions. Mais au-delà de ces marchandages politiques et de ces débats très techniques, il faut que nous prenions bien conscience de l'importance vitale et de la nécessité absolue qu'il y a à mettre en oeuvre au niveau mondial une réduction massive et durable -beaucoup plus importante que celle réalisée jusqu'à présent- des émissions de gaz à effet de serre. A cet égard, le dernier rapport des Nations Unies sur le changement climatique est très alarmiste. Selon cette étude, la hausse de température de l'atmosphère de la Terre pourrait finalement atteindre 6 degrés au cours du prochain siècle, ce qui serait catastrophique. Les émissions de gaz carbonique liées à l'activité humaine seraient multipliées par 4 pour atteindre 29 milliards de tonnes en 2100, si elles continuent à progresser au rythme actuel. Une telle augmentation de la température aurait des effets désastreux en matière d'élévation du niveau des mers et de précipitations et les conséquences agricoles, économiques et humaines d'une telle évolution seraient incalculables. Bien qu'il soit impossible de déterminer la part des activités humaines dans ce processus de réchauffement, des indices de plus en plus nombreux nous indiquent que l'homme joue un rôle croissant dans ce réchauffement. Mais malgré ces perspectives alarmantes, aucune nation industrialisée n'a encore ratifié les accords de réduction pourtant modestes de Kyoto. Cette inertie politique liée à de puissants intérêts économiques n'est plus acceptable quand on sait que, selon l'étude des Nations Unies, il faudra réduire les émissions de 60 % d'ici 2050 pour maintenir le réchauffement de la planète à un niveau acceptable. Concrètement, cela signifie qu'il faudra que la part des énergies propres dans la production mondiale d'énergie passe de moins de 2 % aujourd'hui à 50 % en 2050, ce qui suppose une mutation profonde de l'économie mondiale, notamment dans le domaine des transports. Cet objectif qui peut sembler trop ambitieux, voire utopique, est réalisable si nous nous en donnons les moyens politiques au niveau national, européen et mondial. Le Gouvernement allemand vient d'ailleurs de se fixer au niveau national cet objectif de produire 50% d'énergie propre en 2050, ce qui est toutefois incohérent avec sa décision de fermer ses centrales nucléaires. Une approche plus raisonnée et surtout moins passionnée de l'énergie nucléaire (fission et fusion), la montée en puissance de l'énergie solaire et éolienne et le remplacement progressif des moteurs thermiques par des piles à combustibles à partir de 2004, à condition toutefois que celles-ci n'utilisent pas de l'énergie fossile pour produire de l'hydrogène, pourraient même permettre l'accélération de la réalisation de cet objectif si la recherche dans ces domaines énergétiques et l'utilisation des ces énergies propres sont encouragées par des politiques très volontaristes au niveau national et européen. Si les responsables politiques du monde n'ont pas le courage et la lucidité de prendre rapidement des mesures drastiques permettant de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre au cours des 50 prochaines années, ils porteront une écrasante et terrible responsabilité dans les modifications catastrophiques du climat qui risquent d'affecter notre planète dans la 2ème moitié du XXIème siècle. Nous n'avons pas le droit de prendre un tel risque pour les générations futures.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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