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Edito : Le réchauffement du climat aura aussi de graves conséquences pour la France

Les résultats décevants du sommet de la terre de Johannesburg en matière de politique énergétique étaient malheureusement prévisibles face à l'intransigeance des Etats Unis qui refusent de changer leur mode de vie et n'assument pas leur responsabilité planétaire. La situation environnementale et climatique, comme l'a rappelé avec force le Président Chirac au cours de ce sommet de la terre, est pourtant très grave et peut entraîner des catastrophes aux conséquences incalculables si nous ne réagissons pas très vite. Dans la perspective de ce sombre scénario il faut savoir que notre pays ne sera pas épargné.

L'impact moyen pour la France d'ici 2100 du changement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre. devrait être de deux petits degrés selon le dernier rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques ( voir rapport intégral http://www.senat.fr/rap/r01-224-1/r01-224-1.html). Cet impact peut sembler minime mais c'est oublier qu'en matière de climat les petites causes produisent de grands effets. Deux degrés et ce sont 25 à 35 jours de neige en moins à 2.500 m dans les Alpes et les Pyrénées, 15% à 20% de la durée d'enneigement. Les stations de moyenne montagne (1.500 mètres) auront 30 à 60 jours d'enneigement en moins. Cette hausse apparemment minime de deux degrés aura aussi un impact direct sur le fonctionnement de l'organisme humain. Le professeur Jean-Pierre Besancenot du laboratoire climat et santé de l'Université de Dijon estime que la mortalité en hiver reculerait de 5 à 7% vers le milieu du siècle, mais que les décès pourraient augmenter de 12 à 18% en été. Les effets des vagues de chaleur seront accentués par la pollution atmosphérique. Les allergies pourraient se multiplier du fait de la remontée vers le nord d'espèces allergisantes. Le temps chaud et ensoleillé libère davantage de pollens. La chaleur pourrait aussi favoriser la propagation de maladies transportées par des moustiques, comme les maladies à tiques (encéphalite, babébioses, fièvre boutonneuse...). Le virus du Nil occidental déjà présent en Camargue chez des chevaux pourrait se manifester plus fréquemment. La France, avec 6.959 km de côtes, sera sensible à la montée prévisible du niveau de la mer (40 à 98 cm pour le XXIe siècle). La hausse de température va aussi s'accompagner d'une modification du régime des pluies : sécheresse au sud, pluies et inondations au nord. Le rapport, qui reprend pour l'essentiel les données du GIEC (groupe d'experts sur le climat réuni sous l'égide des Nations Unies) fixe trois grands rendez-vous : 2025, 2050 et 2100. D'ici 2025, des décisions clés doivent être prises, soulignent les parlementaires : renouvellement ou non du parc de réacteurs des centrales nucléaires (qui n'émettent pas de gaz à effet de serre mais posent le problème des déchets radioactifs); essor des énergies renouvelables, doublement du fret ferroviaire. Une molécule de carbone émise dans l'atmosphère y reste environ 120 ans : les effets de nos émissions d'aujourd'hui auront des effets explosifs en 2100. Il faut savoir que 4 degrés de plus dans la région du Labrador (Canada) risquent de déplacer le Gulf Stream qui donne à l'Europe son climat tempéré. Le rapport formule une centaine de recommandations, sans oublier l'individu dans sa vie quotidienne. Ainsi, les transports sont le premier émetteur de gaz à effet de serre en France et les progrès technologiques (moteurs, carburants) ne suffiront pas à limiter la croissance des émissions, relèvent les parlementaires. Il faut maîtriser la croissance du trafic (+50 % d'ici 2020), "ne prendre l'avion qu'à bon escient", "voyager en train, tramway, métro", "renoncer à se déplacer en automobile sur des trajets encombrés ou de petits trajets". En 2025, les effets du changement climatique seront visibles pour l'homme, mais "l'impact sera sans doute irréversible ou difficilement réversible", soulignent les parlementaires. "Il restera à déplorer qu'une action n'ait pas été entamée bien des années plus tôt alors que l'alerte avait été donnée". Donnant malheureusement raison à ce rapport du Sénat et à ses prévisions alarmistes, les appels internationaux contre le réchauffement climatique se sont multipliés au cours de ces dernières semaines en réaction aux intempéries catastrophiques qui frappent l'Europe mais aussi l'Asie : inondations exceptionnelles en Europe centrale et en Chine et sécheresse dramatique en Inde. Le directeur du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Klaus Toepfer, a appelé les pays industriels à assumer leur part de responsabilité dans ces intempéries catastrophiques. "Nous devons massivement lutter contre ce phénomène, et c'est avant tout le devoir des pays industrialisés", a lancé M. Toepfer à DeutschlandRadio, estimant qu'il n'y a "plus aucun doute" que "les hommes y ont leur part de responsabilité". Alors que l'Afrique, qui représente 14% de la population mondiale, n'est responsable que de 3,2% des émissions de gaz carbonique (CO2) sur la planète, "c'est justement là-bas que les conséquences du changement climatique sont très, très sensibles", a relevé le directeur du PNUE. Pour lutter contre cette évolution, il faut faire des économies drastiques d'énergie et développer les énergies renouvelables en coopération avec les pays en voie de développement (PVD), a estimé M. Toepfer, "afin d'éviter que nos efforts de réduction d'émissions ne soient annihilés par une augmentation parallèle dans les PVD". L'Union européenne s'est engagée, en décidant de ratifier le Protocole de Kyoto, à globalement réduire de 8% les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre, considérées comme les principales responsables du changement climatique, pour 2008-2012 par rapport aux niveaux de 1990. Mais les Etats-Unis, responsables de 36,1% des émissions de référence, refusent de ratifier le protocole de Kyoto. Sur ce point capital il convient de souligner l'isolement grandissant des USA et aussi l'avancée significative que constitue le ralliement, annoncé au sommet de Johannesburg du Canada et de la Russie au protocole de Kyoto. Ce ralliement décisif va enfin permettre la mise en oeuvre effective de ces accords et va rendre la position américaine de plus en plus intenable. Face à ces prévisions très sombres, mais hélas de plus en plus étayées scientifiquement, et aux conséquences désastreuses qui pourrait en résulter pour notre pays comme pour le reste du monde, nous devons tous prendre nos responsabilités et nous sommes confrontés à des choix fondamentaux de société que nous ne pouvons plus repousser. Nous devons informer de manière honnête et objective nos concitoyens des risques qui nous attendent si nous ne changeons pas en profondeur nos habitudes et notre mode de vie dans les années à venir. Notre pays doit se préparer à une mutation de grande ampleur, qui n'ira pas sans difficultés et sans résistance mais qui est indispensable. Face à des enjeux si essentiels il faut absolument dépasser les conceptions idéologiques réductrices et dogmatiques qui animent encore trop souvent le discours écologiste et ouvrir un grand débat démocratique qui débouche sur des choix politiques courageux et audacieux mais réalistes et cohérents sur les plans économiques et scientifiques. Il faudra notamment avoir le courage d'expliquer à nos concitoyens, comme l'ont déjà fait la Suède et la Finlande et, tout récemment la Suisse, que si l'on veut réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre, qui entraîne le réchauffement accéléré de la planète, tout en assurant un production suffisante d'énergie à un coût économiquement et socialement acceptable, le recours à l'énergie nucléaire est inévitable pendant encore plusieurs décennies. Ce constat objectif n'est nullement contradictoire avec le développement des énergies renouvelables qui doit être poursuivi et amplifié sur le long terme mais en sachant que ces énergies renouvelables ne pourront pas assurer à elles seules la majeur partie de nos besoins énergétiques avant plusieurs décennies : sur ce point il suffit de rappeler que l'objectif de l'ONU, pourtant considéré comme fort ambitieux, ne vise qu'à porter à 15% d'ici 2010 la proportion d'énergies renouvelables, comme l'éolien et le solaire, dans la consommation mondiale d'énergie. Face aux dérèglements climatiques entraînés par le réchauffement de la terre Il est également plus que jamais nécessaire de préparer l'avenir à long terme et de consentir au niveau européen et international un effort de recherche accru pour mettre au point la fusion thermonucléaire contrôlée qui pourra donner à l'humanité à partir du milieu du XXIe siècle une source d'énergie propre et quasi-inépuisable. Il convient aussi de mieux explorer les potentialités considérables des mers en matière d'énergie, qu'il s'agisse de l'énergie marémotrice ou de l'exploitation de l'amplitude thermique entre surface et profondeur des océans. Il faut aussi observer avec soin certaines expériences étrangères, comme le projet de tours solaires qui vient d'être annoncé par le Gouvernement australien. (voir article dans la rubrique énergie de ce numéro). L'Agence internationale de l'énergie vient de rappeler que 1,4 milliard de personnes dans le monde seront toujours privées d'électricité en 2030 à moins qu'interviennent des changements radicaux d'orientations en matière de politique énergétique (voir article dans rubrique énergie). Nous devons donc tout mettre en oeuvre pour qu'un tel scénario ne se réalise pas. Sur le plan législatif il faut d'urgence préparer deux grandes lois d'orientation, l'une pour l'énergie et l'autre pour les transports. Ces deux lois devront définir le cadre général des politiques en matière d'énergie et de transports pour les 10 prochaines années et fixer des objectifs précis et volontaires de développement d'utilisation des énergies et moyens de transports les plus propres. De manière complémentaire de puissants moyens financiers et fiscaux ( prêts à taux réduits, crédit d'impôt, amortissement rapide et déductibilité fiscale étendue) devront être mis en place pour favoriser l'essor, au niveau des foyers, comme au niveau des entreprises, des énergie propres, limiter les déplacements inutiles grâce aux technologies de l'information et imaginer de nouvelles formes de transports collectifs plus attractifs et plus souples. Il serait également souhaitable que les choix majeurs en matière d' énergie et de transports soient soumis à référendum afin de leur conférer une force démocratique accrue et de rendre leur application irréversible. Enfin il faut qu'une volonté politique sans faille s'exprime dans la durée au niveau national et européen pour que tous les grands pays consommateurs d'énergie, et notamment les Etats Unis, appliquent et respectent les objectifs prévus par les accords de Kyoto. C'est en dépassant les approches idéologiques et dogmatiques et en faisant preuve d'imagination et d'une volonté civique et politique réelle que nous pourrons demain opérer notre nécessaire mutation énergétique qui devra concilier respect de l'environnement, contraintes économiques et acceptation sociale par les populations.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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