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Edito : A quoi ressemblera notre ordinateur en 2010 ?

Paradoxalement, alors que l'informatique mondiale traverse une crise sans précédent (le marché américain des ordinateurs personnels va se contracter en 2001 et, pour la première fois de l'histoire de cette industrie, les ventes de PC devraient baisser de 6,3 % en 2001 et celles des composants de 14 % sur l'ensemble de 2001), le domaine de l'électronique vient de connaître quatre innovations technologiques majeures qui ouvrent à l'informatique de nouveaux horizons et vont accélérer la mutation de notre civilisation vers l'âge informationnel et cognitif. Vingt nanomètres ou 20 milliardièmes de mètre ou encore 80 atomes de large. C'est la taille des transistors que les ingénieurs du centre de recherche d'Intel à Hillsboro (Oregon) ont réussi à atteindre. Rappelons que les transistors sont l'élément de base du processeur et sont aujourd'hui essentiellement produits en 0,18 voire 0,13 micron (ou 180 et 130 nanomètres). Soit entre six et neuf fois plus "volumineux" que les nouveaux transistors mis au point par Intel. Après avoir annoncé en mars une gravure en 0,07 micron, Intel n'en finit pas de battre des records de miniaturisation des transistors, repoussant toujours plus loin la célèbre loi de Moore qui consiste à doubler le nombre de micro-interrupteurs d'un processeur tous les 18 mois environ. Cette annonce est d'autant plus impressionnante que la taille des transistors est inférieure à celle de la longueur d'onde de l'ultraviolet utilisé dans le procédé de gravure par lithographie. Les ingénieurs ont donc réussi à contourner ce problème avec un procédé d'élaboration évidemment confidentiel et intitulé phase shifting. Avec une telle découverte, Intel prévoit de produire vers 2007 des processeurs équipés d'un milliard de transistors (contre 42 millions pour le Pentium 4 actuel) et cadencés à 20 GHz (contre 1,7 GHz pour le plus rapide des P4). Le plus étonnant est qu'un tel processeur nécessiterait moins d'un volt, soit moins d'énergie que les puces actuelles, phénomène directement lié à la réduction de la taille des transistors. Alors que Gordon Moore lui-même ne pensait pas pouvoir franchir 0,25 micron, Intel dépasse une fois de plus les limites théoriques. Mais comment peut-on augmenter la puissance de calcul des processeurs tout en diminuant leur consommation électrique et sans réduire la taille des transistors ? En "étirant" le silicium. C'est ce que vient de découvrir IBM avec une nouvelle technologie de fabrication intitulée strained silicon (littéralement "silicium tendu"). On sait que, dans le silicium, les atomes ont une tendance naturelle à s'aligner entre eux avec pour conséquence de créer des résistances. En déposant une fine couche de "silicium étiré" sur le substrat de silicium, les atomes s'alignent de manière plus espacée, ce qui "fluidifie" leur mouvement. Ce principe accélère de 70 % la circulation des atomes selon IBM, qui espère ainsi obtenir des processeurs 35 % plus rapides que les modèles actuels. Outre l'optimisation des performances, le strained silicon présente un double avantage. Les procédés de fabrication ne changent pas. Seul un nombre réduit d'adaptations des lignes de montage est nécessaire. Les premiers processeurs produits avec cette dernière technologie sont attendus sur le marché pour 2003. Ces améliorations technologiques peuvent se combiner entre elles, ce qui devrait améliorer de manière considérable les performances des processeurs d'ici la fin de cette décennie. Un bref retour en arrière permet de mieux se rendre compte de l'extraordinaire évolution technologique intervenue en électronique depuis l'apparition du premier microprocesseur, il y a 30 ans. Le premier microprocesseur d'Intel, sorti en 1971, intégrait 2200 transistors et fonctionnait à 104 KHz. 30 ans plus tard, les dernières versions du Pentium 4 intègrent 42 millions de transistors et dépasseront la barre des 2 GHz avant la fin de cette année. En 30 ans le nombre de transistors sur une seule puce et la vitesse de cette puce auront donc été multipliés par 20000. C'est ainsi que la puissance de calcul d'un PC à 1000 euros est aujourd'hui supérieure à celle dont disposait la NASA en 1969 pour envoyer l'homme sur la Lune ! Il est important de souligner que cette course à la puissance va se poursuivre à un rythme encore plus rapide, en valeur absolue, puisqu'il ne faudra que 5 ans, de 2002 à 2007, pour passer de 2 à 20 GHz alors que 6 ans auront été nécessaires pour passer de 200 MHz à 2 GHz. Mais parallèlement à ces innovations permettant d'améliorer sans cesse la puissance et la rapidité des microprocesseurs, il faut aussi souligner les progrès connexes intervenus en matière de stockage des données informatiques. Un des effets du Web est d'accélérer de manière forte la convergence de l'informatique, des télécoms et du multimédia dans un immense continuum numérique universel dont la taille double tous les 9 mois. Désormais, nos machines nous servent de moins en moins à traiter et stocker du texte "brut" et de plus en plus à travailler et à enregistrer du son et des images et, demain, la connexion permanente et à haut débit sur le Net ne fera qu'accentuer cette tendance. Hier encore, nos ordinateurs n'étaient finalement que de super-machines à écrire. Aujourd'hui, ils sont devenus des magnétophones et des magnétoscopes et demain ils seront des vidéophones et généreront des images 3D en temps réel. Cette évolution rapide des usages fait exploser les besoins en matière de stockage et personne ne voudrait aujourd'hui d'un disque dur de moins de 20 Go alors qu'il y a seulement 5 ans beaucoup considéraient que 2 Go étaient largement suffisants. Avec les normes de compression actuelles, 1 Go permet de stocker 40000 pages sous Word, 1000 photos, 2 heures de musique qualité CD ou 25 minutes de vidéo en qualité DVD. On voit donc que la capacité actuelle de nos disques de 20 Go s'avère finalement très limitée en terme de stockage audio-visuel : au mieux 3 films et 6 ou 7 heures de musique. Heureusement, dans ce domaine du stockage, deux innovations technologiques devraient permettre d'ici la fin de la décennie de ranger dans son portable non seulement toute sa bibliothèque, mais aussi sa discothèque et sa vidéothèque complètes. IBM vient en effet d'annoncer la mise au point d'une nouvelle technologie de stockage sur disque dur permettant d'emmagasiner d'importants fichiers audio et vidéo sur des ordinateurs de poche. Ce système repose sur un nouveau revêtement magnétique baptisé "pixie dust" (poussière de fée"), qui selon IBM, permettrait de quadrupler la capacité de stockage des disques durs. Ce revêtement est composé d'une couche de ruthénium - un métal rare proche du platine - d'une épaisseur de trois atomes, entourée de deux couches magnétiques. Il devrait permettre d'atteindre une densité de 100 Gigabits par carré d'un pouce de côté d'ici 2003, contre environ 25 Gigabits aujourd'hui. IBM prévoit en 2003, grâce à cette innovation, des disques durs pour ordinateurs de poche, pouvant stocker 200 gigaoctets de données, ou l'équivalent de 42 DVD ou plus de 300 CD. Pour les ordinateurs de bureau, cette technologie permettra d'atteindre rapidement le cap des 400 Go. IBM souligne que depuis 10 ans la capacité de stockage des disques durs a doublé, en moyenne, tous les 18 mois et depuis 1997 cette capacité double tous les ans. Cette tendance va encore s'accélérer puisque la capacité maximale des disques durs va être multipliée par 10 au cours des 3 prochaines années (de 40 à 400 Go). Mais une autre technologie que l'enregistrement magnétique pourrait permettre d'aller encore plus loin d'ici 5 ans : Le stockage holographique. Pour créer un hologramme, il faut deux faisceaux laser et une surface transparente dont les caractéristiques optiques sont modifiées lorsqu'elle est soumise à la lumière. Un des faisceaux laser, dit de "référence" illumine avec une intensité constante la zone où l'on souhaite créer l'hologramme. L'intensité du second faisceau, dit "objet", est modulée en fonction de l'information que l'on souhaite "graver" dans la matière. Les deux faisceaux ne traversant pas le substrat réactif selon le même angle, leur rencontre crée des interférences. Ce sont ces interférences qui vont laisser des traces dans la matière. Ultérieurement, il suffira d'éclairer cette trace avec le seul laser de référence pour faire jaillir le faisceau objet de l'autre côté du film photoréactif. IBM et surtout Lucent Technologies, spécialisés dans les équipements pour les télécoms et l'informatique, passent progressivement de la recherche au développement industriel. Assez simple en théorie, ce procédé est délicat à mettre au point mais d'ici 5 ans on devrait pouvoir multiplier par 5 la densité de l'information. Celle-ci pourrait atteindre 5,8 Go/cm2 (contre, 1,3 Go/cm2 actuellement). Il deviendra alors possible avec la mémoire holographique d'enregistrer le contenu d'un DVD-Rom (4,7 Go) ou de huit CD-Rom (8 x 650 Mo) sur un support de 1 cm2. Grâce à cette technologie, nos ordinateurs seront équipés de disques durs de 1 téraoctet (1 To = 1 000 Go) contenant l'équivalent de deux cents films ou encore de 2000 heures de musique en qualité Hi Fi ! Si l'on considère l'ensemble de ces innovations, on peut, prudemment, se faire une idée de ce que pourrait être l'ordinateur personnel des années 2010. On peut imaginer un boîtier de la taille d'un gros livre de poche (comme le mini Box PC actuel) qui intégrera un processeur à 20 GHz, 1 Go de RAM, un disque dur amovible de 400 Go, un lecteur de DVD haute densité à 100 Go et un modem haut débit. Ce boîtier pèsera moins d'un kilo et on pourra l'emmener partout avec soi. En fonction de ses besoins, il suffira de se connecter par liaison sans fil à ce boîtier de base à l'aide de lunettes-écran équipées de plusieurs couches de cristaux liquides et pouvant présenter simultanément des images différentes sur deux plans décalés, donnant ainsi une impression de profondeur de champ et permettant la visualisation d'images en trois dimensions. Le son sera transmis directement dans l'oreille par prothèses auditives invisibles et la commande vocale sera transmise à l'aide d'un mini-micro-cravate. Grâce à sa puissance phénoménale, cette machine pourra non seulement comprendre nos demandes, même dans un environnement bruyant, mais pourra également nous répondre vocalement et gérer simultanément une multitude d'applications, communications, bureautique, vidéo etc... Bien entendu, cette machine pourra également gérer, par connexion sans fil, tous les périphériques imaginables, imprimantes, webcam, scanner de poche pouvant reconnaître l'écriture manuscrite, appareils photo numériques, écrans plats domestiques etc... Pour ceux qui trouveront cet ordinateur encore trop lourd et encombrant, il sera évidemment possible d'emmener des ordinateurs de poche plus compacts et plus légers, de la taille d'un calepin, qui disposeront tout de même d'une puissance et d'une mémoire supérieures aux machines que nous utilisons actuellement à la maison ou au bureau. Au niveau planétaire, si l'on tient compte des progrès prévisibles en électronique et de l'augmentation du nombre d'utilisateurs, la puissance mondiale de calcul devrait être multipliée au moins par 30 au cours des 10 prochaines années et la capacité de stockage par 60. Dans 10 ans, nous disposerons chacun d'une puissance de calcul et de stockage supérieure à celle de toute la planète en 1950 ! Une telle évolution quantitative provoquera un saut qualitatif par l'émergence d'une capacité de réflexion planétaire autonome qui pourrait bien, à terme, devenir consciente d'elle-même ! L'Humanité pourrait alors nouer un fascinant dialogue avec cette entité artificielle et entrer ainsi dans une nouvelle ère cognitive et spirituelle.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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