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Edito : Que faire pour que l'UMTS soit une réussite ?

De manière incontestable, le gouvernement français, en prenant la décision de ramener de 4,95 milliards d'euros à 619 millions la contribution que chaque opérateur UMTS devra verser à l'Etat, a fait un pas dans le bon sens. Mais celui-ci sera insuffisant si, très rapidement, des initiatives de même nature ne sont pas prises par les autres gouvernements européens, plus particulièrement par la Grande-Bretagne et l'Allemagne, mais aussi si les principaux acteurs concernés par l'UMTS ne répondent pas clairement à certaines questions. Comme je le disais déjà, il y a quelques semaines, il faut que les principales sociétés (Nokia, Ericsson, Alcatel, etc...), qui investissent beaucoup pour développer et mettre au point ces nouvelles technologies, jouent, enfin, une totale transparence, fassent savoir la réalité des caractéristiques techniques et financières de l'UMTS, et publient un calendrier crédible de mise à disposition de ces nouvelles technologies de communication mobiles et ce, avec des qualités et des coûts acceptables par le grand public. Cette transparence est nécessaire pour que tous les autres acteurs, opérateurs, banques, mais aussi pouvoirs publics qui, les uns et les autres, jouent gros dans cette partie puissent arrêter des plans enfin crédibles. De leur côté, les opérateurs qui avaient conçu leurs plans d'origine, alors que notre monde flottait dans une bulle spéculative, doivent présenter de nouveaux plans d'affaires plus crédibles. Il n'est plus possible d'envisager que Monsieur Toutlemonde soit prêt à dépenser, chaque mois, quelque 75 Euros pour utiliser cette petite merveille technologique que devrait devenir l'UMTS ! Enfin les gouvernements européens, et plus spécifiquement, le gouvernement français doivent tout entreprendre pour que les habitants de notre continent accèdent enfin en grand nombre et à des prix tolérables à la planète Internet. Cette acquisition des usages d'Internet grâce à des moyens conventionnels (PC fixe avec modem ou câble ou ADSL) est une phase obligatoire et irremplaçable pour décider demain l'usager d'Internet à utiliser l'UMTS. Penser que l'usager pourrait passer directement du GSM (qui n'est qu'un téléphone fixe auquel on a su donner de la liberté) à l'UMTS sans passer par la phase d'apprentissage et d'acquisition des usages d'Internet sur un poste fixe serait une erreur. Par ailleurs, comme la France a su le faire dans les années 80 pour le Minitel, l'Europe doit favoriser la création de contenus à haute valeur ajoutée et économiquement viables. Prenons bien conscience que hormis quelques « happy fews » prêts à acquérir toute nouvelle innovation, les futurs utilisateurs d'UMTS ne s'approprieront cette nouvelle technologie qu'à partir du moment où les contenus les informeront plus efficacement, leur simplifieront la vie et, mieux encore, leur feront gagner du temps sinon de l'argent. Or, il faut bien remarquer que les contenus dont se servent actuellement les grands constructeurs mondiaux, pour essayer de valoriser la technologie UMTS, sont particulièrement pauvres sinon primaires. Il est nécessaire que cela change. Pour revenir sur le modèle économique, il faut bien prendre conscience, surtout en des temps à nouveau difficiles, que le consommateur n'a pas un porte-feuille extensible, et que grosso modo, il ne dépensera pas plus demain qu'il ne dépense volontiers aujourd'hui, pour accéder au téléphone et à Internet. Nous sentons bien qu'au-delà d'une dépense mensuelle de 45 Euros par ménage (une moitié pour le téléphone et l'autre moitié pour Internet), il devient très difficile de convaincre les usagers de franchir massivement le pas. De plus, avec ces 45 Euros, Monsieur Toutlemonde ne pourrait pas accéder à des contenus de qualité, donc payants. Comme, par ailleurs, le modèle économique (gratuité ou quasi gratuité du terminal) qui a prévalu et fait la réussite du GSM, ne pourra être dupliqué pour l'UMTS, en raison du coût élevé des terminaux, mais aussi de tous les équipements techniques de déploiement, il est nécessaire que les opérateurs de télécommunication, en partenariat avec les Pouvoirs Publics, mais aussi avec d'autres acteurs économiques imaginent, mettent en place et utilisent d'autres voies pour trouver la profitabilité. Je suis convaincu que le modèle économique de l'UMTS ne pourra pas fonctionner si le consommateur est le seul payeur et prenne à sa charge l'ensemble de la chaîne de valeur. C'est pourquoi, et je l'ai déjà développé à plusieurs reprises dans ces colonnes ( voir mes éditoriaux des lettres n° 63, 80 et 151 http://www.tregouet.org/lettre/index.html) , à mon avis, la killer-application, donc le succès de la téléphonie dite de 3ème génération, passe par un mariage étroit entre deux mondes qui ont déjà révolutionné le 20ème siècle : Je veux parler du téléphone et de l'automobile. Cette automobile du futur qui offrira de plus en plus de liberté aux citadins en se déplaçant d'elle-même de façon totalement automatique dans nos cités sera le principal objet de reconquête du temps du 21ème siècle. Le temps perdu, hier, dans des embouteillages stériles, sera reconquis pour exercer, dans notre automobile, qui se transformera en forteresse de communication, des activités d'accès à l'information, à la connaissance, qui seront alors particulièrement précieuses. Comme, par ailleurs, l'avenir de la nouvelle économie repose sur un modèle nouveau de commerce à la fois profitable, convivial et efficace, il peut être tout à fait envisagé que les acteurs de ce nouveau commerce utiliseront ces forteresses de communication que seront devenues nos automobiles branchées pour déployer cette économie nouvelle. Laissons notre imagination en liberté un instant... Vous êtes Monsieur Xavier LEFEBVRE, et vous êtes dans votre automobile connectée au réseau UMTS. Dans cette belle après-midi printanière, vous disposez d'un peu de temps libre, et vous décidez de vous acheter une paire de chaussures. Vous vous tournez vers votre terminal UMTS qui trône en belle place dans votre habitacle. Après quelques procédures orales de reconnaissance, vous demandez, à haute voix, à votre système de vous trouver une paire de chaussures de ville, sans lacets, pour une somme qui ne doit pas excéder 90 Euros. Votre système UMTS fait appel à un agent intelligent qui a beaucoup de succès, et qui a été adopté par de nombreux utilisateurs de ce nouveau moyen de télécommunication. Cet agent virtuel, qui est votre confident, connaît toutes vos habitudes, vos mensurations, vos attentes. Très vite, après avoir localisé, par satellite, et grâce à sa base de données, 7 magasins de chaussures, qui se trouvent dans un rayon de 2 kilomètres, votre agent virtuel leur demande de vous faire une proposition en leur communiquant vos goûts et vos mensurations. Quelques courts instants après, les propositions chiffrées commencent à arriver. Elles sont accompagnées d'animations, utilisant des images de haute définition, qui vous permettent de voir, à votre pied, l'effet visuel que donnerait chaque paire de chaussures, mais aussi de mesurer le confort, la solidité, etc...

Finalement, un des magasins vous propose une promotion exceptionnelle qui vous permettrait d'acheter pour 75 Euros une paire de chaussures de marque, dont le prix catalogue est de 115 Euros. Vous êtes séduit par cette proposition. Immédiatement vous demandez à votre agent virtuel de prendre une option d'achat, valable pendant une demi-heure, et vous demandez, toujours oralement, à votre véhicule de vous conduire, sans délai, à ce magasin de chaussures. Ainsi, grâce à ce nouvel outil de communication particulièrement bien adapté à une publicité comparative de qualité, et à une démarche marketing personnalisée, vous venez de faire un choix pertinent, et qui répond à votre attente. D'autre part, sans cet appel, ce commerçant n'aurait pas vendu cette paire de chaussures qui va faire augmenter de 75 Euros son Chiffre d'Affaires. Ne trouvez-vous pas normal que dans cet acte de commerce, généré grâce à l'UMTS, une partie des coûts de télécommunications soit prise en charge par Monsieur LEFEBVRE, mais que l'autre partie soit payée directement par le commerçant qui a ainsi pu conclure une affaire qui, sans ce nouveau moyen, n'aurait pas été menée à bien ? C'est bien là que se trouve la killer application de l'UMTS. Les coûts engendrés par ces nouvelles technologies et les contenus qu'elles mettent en oeuvre doivent être partagés entre l'utilisateur et le bénéficiaire commercial. C'est, à mon avis, la seule démarche qui permettra de trouver, enfin, une solution à cette lancinante problématique qui secoue, non seulement les acteurs des télécommunications, mais aussi l'ensemble du monde de la nouvelle économie depuis de nombreux mois. Il était nécessaire que le Gouvernement français rende enfin accessible, pour les opérateurs, l'accès à UMTS. Mais cette décision n'est pas suffisante. Il faut tout entreprendre pour que le plus grand nombre s'approprie les usages d'UMTS et ait les moyens financiers d'y accéder. Le plus grand des échecs serait de constater, dans quelques années, que seules les classes les plus aisées de notre Société et les entreprises utiliseraient ce téléphone de 3ème Génération. Il ne serait pas tolérable qu'il y ait un téléphone des riches (UMTS) et un téléphone des pauvres (le GSM et le GPRS) dans notre Pays.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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