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Des puces à l'affût

Imaginez une nuée de petites puces électroniques autonomes, capables de communiquer entre elles et d'observer leur environnement grâce à divers capteurs (lumière, chaleur, mouvement, bruit). Leur taille est inférieure à 1 millimètre. Il suffit de semer, à partir d'un avion, un nuage de ces minuscules microprocesseurs sur l'étendue d'une forêt... et le dispositif est en place. Dès qu'une élévation de température se produit dans le voisinage immédiat de l'un d'eux, l'information se transmet de proche en proche aux puces environnantes jusqu'à un système d'observation centralisé. Ce dernier est alors capable de reproduire en temps réel la cartographie thermique de la zone: tout incendie est détecté et localisé dès les premières secondes. Cet exemple n'est qu'une des innombrables applications possibles d'un concept que son inventeur, Kris Pister, de l'université de Berkeley (Californie), a baptisé smart dust (poussière intelligente). Le projet initial est né de la conquête spatiale, un ensemencement de la planète Mars par de telles poussières paraissant bien plus facile à mettre en oeuvre et moins coûteux que l'envoi de robots mobiles. L'idée d'une utilisation terrestre pour surveiller notre propre planète en découle tout naturellement. «La possibilité de faire communiquer différents modules malgré l'absence d'infrastructure préalable confère à cette technologie toute sa force, précise Valérie Issarny, directrice de recherche à l'Inria. C'est ce que les spécialistes appellent les "réseaux ad hoc".» Les militaires des grandes puissances suivent l'affaire de près. Comment ne pas s'intéresser à des systèmes qui, sensibles aux battements cardiaques, permettraient de localiser avec précision chaque fantassin ou franc-tireur sur un champ de bataille, ou de détecter la présence d'explosifs, d'armes chimiques ou bactériologiques, de jour comme de nuit? Des usages plus pacifiques se profilent, notamment dans le domaine de la surveillance des biens et des personnes. Un exemple? Le projet européen Loccatec, qui prévoit de disposer des microcapteurs vidéo dans les murs de tout bâtiment situé dans une zone de risque sismique. En cas d'éboulement, les services de secours pourraient connaître immédiatement le nombre de victimes présentes dans chaque pièce et les localiser. Mais les utilisations les plus évidentes concernent la protection de l'environnement par la détection de polluants et de leurs sources, aussi bien sur terre qu'en milieu aquatique: une répartition d'insecticide ou d'engrais adaptée par exemple à chaque pied de vigne limiterait la pollution et serait de nature à générer d'importants gains de productivité. «Le potentiel est énorme, déclare Lionel Buchaillot, chercheur spécialisé dans les microsystèmes au CNRS. Et le coût ne devrait pas constituer un frein: la production en grande quantité de ces puces selon les techniques issues de la microélectronique devrait faire chuter le prix de chaque unité à moins de 1 euro!» De quoi stimuler chercheurs et entrepreneurs. «Le procédé sera opérationnel dans trois ou quatre ans», estime le Pr Patrick Garda, qui dirige le groupe Syel du Lisif (Systèmes électroniques du Laboratoire des instruments et systèmes d'Ile-de-France), à Jussieu. Son équipe collabore déjà avec plusieurs bureaux de recherche de l'industrie. «Le problème n'est pas tant la miniaturisation, précise-t-il, que la mise au point de programmes d'autoconfiguration: chaque puce doit interroger ses voisines pour déterminer le meilleur cheminement de l'information et assurer son déroutement automatique si un élément devenait défaillant.»

Express :

http://www.lexpress.fr/express/info/sciences/dossier/nanotube/dossier.asp?nom=

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