Nos ancêtres se sont hybridés avec l’Homme de Neandertal, mais aussi avec l’Homme de Denisova, ce cousin vieux de 30.000 ans découvert dans une grotte de Sibérie. Initialement, seul un os avait été découvert mais le séquençage de l’ADN (mitochondrial) a été très bavard et cette espèce humaine est devenue par la suite la première à être mieux connue par l’analyse génétique que par les ossements. Ce qui a conduit à d’étonnantes conclusions.
Des gènes néandertaliens existent toujours chez les humains actuels mais ils sont dispersés dans la population. On estime que la moitié du génome néandertalien subsiste chez les Hommes actuels, disséminé en morceaux. Quant à Denisova, il a légué des gènes retrouvés aujourd’hui à l’est de l’Asie, en Mélanésie et chez les aborigènes d’Australie. Mais quels gènes ? Et à quoi nous servent-ils ?
C’est aujourd’hui la piste que suit l’infatigable Svante Pääbo, de l’institut Max-Planck de Leipzig, en Allemagne, qui avait séquencé l’ADN de Neandertal (celui du noyau et non plus des mitochondries, donc responsable des caractères héréditaires) puis, en 2010, celui de l’Homme de Denisova. Dans une publication parue dans Science, lui et son équipe décrivent une étude génétique sur 1.523 personnes venues de différentes régions du globe, dont 35 de l’archipel Bismarck, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les chercheurs ont comparé ces données à celles obtenues sur les génomes de Neandertal et de l’Homme de Denisova. L’étude montre que certaines régions des génomes modernes contiennent parfois des gènes anciens alors que d’autres en sont systématiquement dépourvues.
Ces résultats éclairent – mais compliquent encore – la longue histoire humaine. Selon eux, les gènes néandertaliens se retrouvent en différents endroits du génome. Homo sapiens (notre espèce) s’est donc hybridé plusieurs fois (« au moins trois ») avec Neandertal. En revanche, avec l’Homme de Denisova, l’aventure s’est déroulée durant une seule période, courte. Les gènes qui subsistent aujourd’hui chez les Mélanésiens, expliquent les auteurs, concernent les fonctions immunitaires.
Cet apport génétique aurait aidé les nouveaux habitants de ces îles à résister aux pathogènes locaux. D’autres gènes dénisoviens auraient donné aux Tibétains une meilleure adaptation à l’altitude.
Selon ces travaux, la persistance de gènes archaïques dans notre génome (appelée introgression) s’expliquerait à la fois par les croisements, donc l’histoire des populations humaines, et par l’utilité de ces gènes pour les humains modernes. Là où ils étaient utiles, ils ont été conservés. Ailleurs, ils ont été remplacés.
Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash