RTFlash

La Poste défiée par l'e-mail

La lettre menacée par le courrier électronique? La question agite assez les responsables de la Poste pour qu'ils se lancent en quête d'une stratégie face à cette concurrence nouvelle. Car l'e-mail dispose d'atouts évidents. D'abord, la rapidité - les délais d'acheminement se comptent en secondes et non en jours -, ensuite la gratuité - pour peu qu'on dispose d'un ordinateur et d'une connexion à l'Internet, on échappe au timbre. Quant au dicton "simple comme une lettre à la poste", il paraît démodé si l'on songe à la facilité d'utilisation du courrier électronique. Dans la dernière livraison de sa revue , l'Institut de recherches et de prospective postales (Irepp) compare les deux modes d'échange. Non sans humour, elle note que question fiabilité, ils se départagent difficilement: "Le mél est à peu près insensible aux mouvements sociaux mais peut l'être aux incidents techniques." Autrement dit, on risque peut-être un bug de l'an 2000 en envoyant un courrier électronique, mais on se met à l'abri d'une grève des postiers, puisque tout est automatisé. Plus sérieusement, l'Irepp a passé en revue seize critères classés par catégories (accessibilité, adaptabilité, confiance, coût, fonctionnement, intégration). Le bilan est sombre pour le courrier papier. Celui-ci conserve un avantage durable dans un seul des seize domaines étudiés, la confiance institutionnelle: on accorde davantage de crédit à une proposition ou à un contrat écrit sur un document papier. Et encore. Comme le relève Paul Soriano, président de l'Irepp: "Il n'est pas indispensable de transporter un document sous sa forme papier." Il suffit de l'imprimer. Un seul chiffre suffit à prendre la mesure du phénomène de transfert "papier-octet" qui pourrait guetter la Poste: avec la dématérialisation des feuilles de soins prévue par le projet de réseau Santé social, 3 à 5% du chiffre d'affaires courrier de la Poste se volatiliserait. Le mouvement touchera d'abord les échanges de données entre les entreprises. Pour le courrier administratif et la correspondance (45% du chiffre d'affaires), l'e-mail présente un avantage majeur: l'archivage et l'intégration des données dans son système informatique. Par exemple, un relevé de compte bancaire peut être automatiquement exploité dans un logiciel de comptabilité personnelle. "Il faudra sans doute une dizaine d'années pour que le mél atteigne un degré d'universalité comparable à celui de la lettre par voie postale, et entre trois et cinq ans pour que ses avantages compétitifs principaux s'affirment et se répandent dans l'économie et la société", pronostique l'Irepp. Paul Soriano rappelle que, pour l'instant, le courrier postal touche 23 millions de foyers et que seuls un million d'entre eux ont une connexion à l'Internet. Les dirigeants de la Poste insistent ensuite sur la "recréation" de courrier grâce à l'informatique et à l'Internet. L'informatique automatise la création de lettres (prospection commerciale, lettres de fidélisation, de relance...). Environ 80% du courrier est créé avec un ordinateur. Ensuite, "la communication sur l'Internet accroît l'ensemble des échanges", constate Martin Vial, directeur général. "La plupart des relations durables, commerciales ou autres, établies sur Internet finissent probablement par engendrer un courrier ou un colis", observe Paul Soriano. Un exemple: si l'on achète un disque grâce au site web de la Fnac, le courrier prend la relève - réception du produit, envoi de catalogues ou d'offres promotionnelles. Martin Vial signale qu'aux Etats-Unis, pays en pointe dans l'utilisation du courrier électronique, "le taux de croissance du courrier papier est supérieur à celui qu'on rencontre en France". Pour Jean-Bernard de Cérou, "l'internaute est un boulimique d'informations. Selon des études américaines, il consomme 2,5 fois plus de courrier que le non-internaute".

(Liberation/30/10/98)

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top