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Des plantes transgéniques qui se passent d'engrais ont été mises au point au Japon

Le graal, pour les généticiens des plantes, consisterait à créer des végétaux capables de se passer d'engrais, à partir de gènes empruntés à d'autres végétaux, et non à des micro-organismes ou à des animaux - chimères contre-nature ! C'est ce type d'OGM "politiquement correct" que sont parvenus à mettre au point Shuichi Yanagisawa (université d'Okayama et de Tokyo) et ses collègues, qui présentent leurs résultats dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine (PNAS) datés du 18 mai. L'équipe japonaise a intégré dans le génome d'Arabidopsis thaliana, plante modèle des généticiens, un gène provenant du maïs, qui améliore l'assimilation de l'azote par cette plante. Le gène en question, Dof1, est un "facteur de transcription": il ne se contente pas de commander la synthèse d'une protéine particulière, mais se trouve à l'origine de toute une cascade de régulations génétiques, impliquées dans la constitution du "squelette" de la plante. Les Japonais ont fait le pari qu'il doperait de la même manière Arabidopsis. Dof1 y a effectivement modifié l'expression de plusieurs gènes. Les concentrations en acides aminés se sont accrues. Et si le glucose y était moins concentré que dans les plantes témoins, ce n'était pas le cas du sucrose, "ce qui suggère un usage différent de ces deux sucres dans les plantes", écrivent les chercheurs nippons.Mais le plus spectaculaire concerne la croissance de ces plantes transgéniques dans un environnement pauvre en matière azotée. Alors que les pousses normales montraient des feuilles décolorées, les plants génétiquement modifiés ne semblaient pas souffrir de cette carence. Elargissant l'expérience, l'équipe japonaise a greffé Dof1 à des lignées de pommes de terre qui ont pareillement montré une aptitude à produire plus d'acides aminés que leurs cousines classiques. Pour Christian Meyer, de l'unité de nutrition azotée de plantes (INRA Versailles), ces résultats sont "plutôt prometteurs, d'autant que la pomme de terre n'est pas très efficace en termes de prélèvements d'azote : il faut ajouter beaucoup de fertilisants dans ce type de culture".Jusqu'ici, les recherches pour améliorer l'assimilation par les plantes de l'azote minéral - et non celui qui constitue 78 % de l'air que nous respirons - s'étaient focalisées sur la production d'enzymes uniques. Celles favorisant notamment la synthèse de glutamine et de glutamate à partir de l'azote emprisonné dans le sol sous forme de nitrates ou d'ammonium. Les composés issus de ces réactions sont les briques de base constitutives des acides aminés, des nucléotides et de la chlorophylle, qui assurent la croissance de la plante.Mais les résultats ont été décevants. Le gène de la glutamine synthétase (GS), testé sur une légumineuse, Lotus japonicus, a eu un effet "qui n'était pas conforme à nos attentes, regrette Anis Limami (université d'Angers). Sa surexpression s'était traduite par une floraison et une sénescence précoces de la plante". C'est que le nitrate n'est pas seulement "alimentaire", mais qu'il agit aussi comme une molécule signal conditionnant le développement du végétal. Dof1 semble stimuler harmonieusement l'ensemble de ces réactions. "Il faisait partie de gènes que nous avions identifiés", indique M. Meyer. Mais l'effet important observé par les Japonais "n'était pas forcément prévisible", dans la mesure où, indique le chercheur, "les mécanismes de régulation du métabolisme des plantes ne sont pas bien connus".L'expérience japonaise laisse augurer la mise au point de plantes de culture qui pourraient demander de moins grandes quantités d'engrais. Le fait que Dof1, présent dans le maïs, agisse aussi dans Arabidopsis et la pomme de terre, "laisse penser, écrivent les chercheurs japonais, que l'ingénierie de l'assimilation de l'azote avec Dof1 pourrait être applicable sur une grande variété de plantes". En cette période où les OGM font figure de repoussoir, "cela montre que des choses intéressantes peuvent découler de nos travaux", se réjouit M. Meyer.

Le Monde : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-365581,0.html

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