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Edito : Peut-on breveter le vivant ?

Il y a presque 20 ans, en 1980, la Cour Suprême des Etats-Unis admettait pour la première fois au monde le principe de brevetabilité du vivant pour une bactérie génétiquement modifiée. Cette décision juridique capitale et très controversée, se trouvait confirmée en 1987 par l'Office Américain des Brevets, qui reconnaissait la brevetabilité du vivant, à l'exception notable de l'être humain. En 1992, l'Europe emboîtait le pas aux Etat-Unis et l'Office Européen des Brevets reconnaissait à son tour la brevetabilté du vivant, accordant un brevet pour la création d'une souris transgénique. Enfin, à l'issue d'un long débat passionné, l'Europe adoptait le 6 Juillet 1998 une Directive fondamentale relative à la protection des inventions biotechnologiques. Cette Directive prévoit en effet que les inventions sur des végétaux et animaux sont désormais brevetables. Elle autorise également les brevets sur des séquences de gènes, à condition que leurs fonctions soient décrites, ainsi que leurs applications industrielles. Face à des enjeux techno-économiques considérables, et à une recherche dans les domaines biotechnologiques et génétiques qui exige des investissements financiers de plus en plus importants, le droit s'est donc adapté et n'a cessé d'étendre et de préciser le principe de brevetabilité du vivant. Sans remettre en cause cette évolution du droit, nous devons cependant nous interroger sur ses conséquences morales, sociales et humaines de grande ampleur. Dans moins de 5 ans en effet, c'est-à-dire demain, les chercheurs auront achevé le décodage de la totalité du génome humain, mais aussi du génome de nombreuses plantes essentielles en matière alimentaire, et d'organismes pathogènes impliqués dans de nombreuses maladies. Qui aura accès à cette information capitale pour l'Humanité toute entière, et à quelles conditions ? A ces questions fondamentales, qui touchent à l'avenir de l'espèce humaine, il nous faudra trouver au niveau européen et planétaire des réponses qui aillent au-delà du cadre juridique actuel. Il y a là un défi démocratique majeur pour le début du siècle prochain qui mérite un grand débat de société.

René Trégouët

Sénateur du Rhône

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