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La perte de Columbia remet en question l'avenir du programme spatial américain

La désintégration de la navette Columbia remet en question l'avenir du programme spatial américain, et particulièrement sur celui de la Station spatiale internationale (ISS). Car il est peu probable que Columbia soit remplacée et la Russie n'a pas les moyens techniques et financiers de prendre immédiatement le relais. Bien que le président George Bush assure que "le voyage dans l'espace allait continuer", les trois autres navettes américaines -Atlantis, Endeavour et Discovery- risquent de rester au sol pour un certain temps, alors que dès le 1er mars Atlantis devait décoller pour l'ISS. "C'est clairement un gros revers parce qu'(en 2003) les navettes devaient transporter de nombreuses grosses pièces pour l'assemblage" de la station internationale, souligne John Logsdon, directeur du Space Policy Institute (Institut de la politique spatiale) à l'Université George Washington. Il est en effet fort improbable que l'agence spatiale américaine construise une nouvelle navette, selon les experts. Or, comme le rappelle Donald Emero, ingénieur en chef de la navette de 1989 à 1993, la nouvelle génération de véhicule spatiaux ne sera pas prête avant au moins 10 à 15 ans. Car le nouvel administrateur de la NASA, Sean O'Keefe, a mis de côté il y a quelques années les nouveaux modèles examinés, préférant continuer de travailler avec les navettes pendant 10 à 15 ans. Columbia était âgée de 22 ans, et les trois navettes restantes datent de 10 à 18 ans. Plusieurs anciens responsables de la NASA s'étaient inquiétés du vieillissement de la flotte. En avril, Richard Blomberg, l'ancien directeur de la commission consultative de sécurité de l'agence, s'était déclaré "plus inquiet que jamais pour la sécurité de la navette", estimant que les coupes budgétaires dans les années 1990 s'étaient faites au détriment de la mise à niveau de l'engin. Jose Garcia, assistant technique à la retraite à la NASA, affirme que nombre de contrôles de sécurité au lancement ont été supprimés. Mais "les responsables disent toujours: 'C'est plus sûr que cela ne l'a jamais été. La sécurité avant tout'. Facile à dire", réagit-il. Après l'explosion de Challenger en 1986, la flotte avait attendu trois ans avant de redécoller mais Donald Emero estime que l'enquête devrait être plus rapide cette fois. Aux Etats-Unis, des voix se sont immédiatement élevées pour demander l'arrêt pur et simple du programme. "La navette spatiale doit être arrêtée", écrit ainsi l'hebdomadaire Time dans son édition à paraître lundi. "Elle coûte cher, elle est dépassée, impraticable, et comme nous venons à nouveau de l'apprendre, mortelle". Mais les Etats-Unis ont-ils vraiment le choix ? Non, répondent de nombreux responsables et experts car, sans navettes spatiales, plus question de terminer l'assemblage de la Station spatiale internationale (ISS) et d'assurer son exploitation. C'est ce qu'a laissé entendre dimanche l'administrateur de la Nasa, en n'excluant pas une reprise prochaine des vols, une fois que l'enquête aura tiré au clair les causes de l'accident de Columbia. Hormis celle de Columbia, cinq missions étaient prévues cette année. En mars, la navette Atlantis devait relever l'équipage résident de l'ISS. Interrogé sur la possibilité qu'une navette puisse être lancée d'ici juin, M. O'Keefe a déclaré: "Nous n'allons certainement écarter aucune possibilité. "Nous nous préparons pour un lancement quand il le faudra, une fois que nous aurons trouvé le problème et la façon d'y remédier". "La navette spatiale volera de nouveau" car il n'y a pas d'autre vaisseau pour la remplacer, assure pour sa part Nick Fuhrman, spécialiste de la politique spatiale. "Nous avons une station spatiale et un engagement à long terme de présence dans l'espace", ajoute-t-il. "Si quelque chose de bien sort de cette tragédie, ce sera la volonté de mettre davantage de ressources financières dans ce programme, ce qui n'a pas été fait ces dix dernières années", souligne-t-il. En septembre 2001, le sénateur de Floride Bill Nelson avait pourtant tiré la sonnette d'alarme. "Si l'on ne donne au programme des navettes spatiales les ressources nécessaires pour mettre à niveau leur sûreté, notre pays va payer un prix insupportable. Nous étouffons le budget navette de la Nasa, en augmentant considérablement les risques d'une perte catastrophique", avait-il dit. "C'est le moment de dire que nous n'allons pas continuer à couper ce budget", a affirmé dimanche la sénatrice du Texas Kay Bailey Hutchison, en remarquant que les fonds de l'agence spatiale avaient été amputés de 40% en dix ans. Un ingénieur de la NASA, Don Nelson, qui a participé aux contrôles de sécurité sur les navettes américaines, jusqu'à son départ en janvier 1999, avait également averti par courrier, en août 2002, les responsables du programme spatial américain et le président des Etats-Unis de l'existence de graves lacunes de sécurité sur la navette Columbia mais il n'avait eu aucune réponse. De cinq navettes, la flotte de la Nasa est désormais réduite à trois: Atlantis, Endeavour et Discovery, la petite dernière entrée en service en 1992. Plus question d'en construire d'autres: elle repose sur une technologie vieille de 35 ans, lourde (trois mois de préparation avant chaque vol) et coûteuse (un lancement coûte au minimum 400 millions de dollars). "C'est clair, nous voulons aller de l'avant avec la prochaine génération" de vaisseaux spatiaux, a reconnu dimanche le patron de la Nasa. L'avenir, c'est l'avion spatial orbital, plus petit que la navette, lancé au bout d'une fusée classique. Mais les premiers prototypes commencent à peine à sortir des cartons et il ne devrait pas être opérationnel avant 2010. En attendant une éventuelle reprise des vols de la navette spatiale,, l'agence spatiale russe Rossaviakosmos propose ses services et elle a lancé dimanche un vaisseau Progress M-47 inhabité pour ravitailler comme prévu l'ISS, mais elle connaît de graves difficultés budgétaires. Si la NASA veut utiliser des vaisseaux russes pour envoyer des hommes dans l'espace, "elle devra acheter des (capsules) Soyouz TMA" et il faudra deux ans pour les construire, estime un porte-parole de Rossaviakosmos, Sergueï Gorbounov. Pour le moment, "le travail en orbite avancera en sous-régime", ajoute-t-il: "les équipes peuvent mener les diverses expériences scientifiques, mais oubliez la construction de la station jusqu'à la reprise des lancements américains". Sans équipe permanente à bord, l'ISS peut opérer en mode "veille" tant que la maintenance est assurée par des spationautes de passage, et la NASA envisageait déjà cette solution pour 2003 avant la catastrophe de Columbia. Mais plus longtemps la station reste inhabitée, plus elle risque de se détériorer. En attendant que les décisions soient prises, les astronautes américains Ken Bowersox et Don Pettit et leur commandant russe Nikolaï Boudarine, arrivés sur l'ISS en novembre dernier, peuvent y rester jusqu'en juin sans recevoir de visite, selon un responsable du programme des navettes spatiales, Ron Dittemore. Si nécessaire, l'expédition numéro Six peut regagner la Terre avec le vaisseau Soyouz attaché à l'ISS.

NYT :

http://www.nytimes.com/2003/02/03/national/03SHUT.html

WP :

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A16687-2003Feb2.html

WP :

http://www.washingtonpost.com/wp-srv/nation/transcripts/NASA0203_2.htm

NYT :

http://www.nytimes.com/reuters/politics/politics-shuttle-experience.html

NASA : http://www.nasa.gov/columbia/

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