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Edito : Payer l'énergie à son coût réel et taxer le CO2 au niveau mondial : des impératifs pour sauver notre planète

Dans sa dernière, volumineuse et passionnante étude de 500 pages, intitulée "Les perspectives de l'environnement en 2030", l'OCDE brosse un tableau réaliste et sombre de l'avenir notre planète à l'horizon 2030.

En 2030, la population de la Terre atteindra 8,2 milliards de personnes contre 6,5 milliards aujourd'hui. Si l'économie mondiale continue de croître à un rythme comparable à celui de ces dernières années, sa taille aura doublé en trente ans. La demande de matières premières (produits agricoles, minerais, énergie fossile, bois, eau) progressera de 60 % dans les pays industrialisés mais de 160 % chez les nouveaux grands acteurs de la scène internationale - Brésil, Russie, Inde, Chine.

Selon des projections économiques et environnementales publiées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les émissions mondiales de gaz à effet de serre progresseront de 37 % d'ici à 2030 et de 52 % d'ici à 2050 si les pouvoirs publics n'adoptent pas de mesures nouvelles.

Rappelons que les pays développés sont à ce jour responsables de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre, mais du fait de la croissance économique rapide des économies émergentes, en particulier du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine, les émissions annuelles de ces quatre pays dépasseront en 2030 celles des 30 pays membres de l'OCDE. Les chiffres mentionnent en outre que les décès prématurés dûs à l'ozone troposphérique pourraient avoir quadruplé dans le monde en 2030 et que 4 milliards de personnes vivront dans des zones touchées par un stress hydrique prononcé à la même date.

Pourtant selon l'OCDE, les actions à mener à l'échelle mondiale pour faire face aux principaux défis environnementaux - changement climatique, appauvrissement de la biodiversité, manque d'eau et risques pour la santé humaine - sont réalisables et d'un coût abordable.

Selon l'Organisation intergouvernementale, certaines actions ciblées coûteraient à peine plus de 1 % du PIB mondial en 2030, soit quelque 0,03 point de pourcentage de moins que la croissance annuelle moyenne du PIB d'ici à 2030. Leur mise en oeuvre permettrait par exemple de réduire les émissions d'oxydes d'azote et d'oxydes de soufre d'un tiers environ d'ici à 2030 par rapport au scénario de politiques inchangées, mais aussi de ramener la croissance des émissions de gaz à effet de serre à 13 % au lieu de 37 %.

L'OCDE recommande notamment de s'appuyer en grande partie sur des instruments économiques ou qui font appel aux règles du marché. La fiscalité environnementale, la tarification de l'eau, les échanges de permis d'émission, les systèmes pollueur-payeur, les redevances sur les déchets et l'élimination des subventions préjudiciables à l'environnement en sont des exemples.

Afin de lutter contre la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre imputables aux transports, l'OCDE défend par exemple la suppression des subventions aux énergies fossiles. La tarification des transports devrait tenir pleinement compte du coût des atteintes à l'environnement et à la santé, par exemple par le biais de la fiscalité des carburants (y compris la suppression des exonérations fiscales) et de la tarification routière, note le rapport. Ce point est fondamental car en payant à son coût réel pour l'environnement les énergies fossiles, les énergies renouvelables deviendront beaucoup plus attractives et rentables économiquement, qu'il s'agisse du solaire et de l'éolien mais aussi de l'énergie des mers et du vecteur hydrogène.

En outre, un tel basculement économique obligera nos sociétés à réduire "à la source" la demande globale d'énergie et à coupler définitivement efficacité énergétique et compétitivité économique. Mais ce passage au coût réel de l'énergie, s'il est indispensable, aura un également un coût social considérable qui sera très difficile à amortir et à gérer par les états.

S'intéressant à l'Agriculture, l'organisation juge nécessaire dans ce domaine la suppression des subventions agricoles préjudiciables à l'environnement et une tarification appropriée de l'eau d'irrigation, ce qui favoriserait une utilisation plus rationnelle de la ressource et la récupération des coûts liés à la création des infrastructures d'irrigation. Afin de lutter contre le changement climatique, l'OCDE préconise l'introduction d'une taxe carbone.

La mise en place en 2008, par les seuls pays de l'OCDE, d'une taxe sur le carbone de 37 euros (25 dollars) par tonne de CO, aboutirait en 2030 à une réduction de 43 % des émissions de gaz à effet de serre dans ces pays, révèle le rapport.

Si le Brésil, la Chine, l'Inde et la Russie suivent l'exemple des pays de l'OCDE et appliquent la même mesure en 2020, et le reste du monde en 2030, le niveau global des émissions de gaz à effet de serre en 2050 pourrait être ramené aux niveaux de 2000.

Cette idée de taxe carbone universelle se trouve confortée par l'explosion du marché mondial du carbone, qui a été multiplié par 4 depuis 2005, passant de 13,5 à 55 milliards d'euros. La valeur du marché mondial du carbone a augmenté de 80 % pour la seule année 2007, avec l'échange de près de 2,7 milliards de tonnes de crédits de CO2, représentant 40,4 milliards d'euros, ce qui constitue un signe d'enthousiasme croissant pour le secteur de l'échange du carbone des entreprises et des investisseurs mondiaux.

Près de 60 % de ces échanges ont eu lieu par le système européen d'échange de quotas d'émissions (système ETS ou SCEQE) : 1,6 milliard de tonnes d'émissions de carbone, soit 28 milliards d'euros, s'échangent au sein de l'Union.

L'organisation estime par ailleurs que le stockage du carbone ou les véhicules hybrides, vont sans doute devenir de plus en plus compétitifs au cours des décennies à venir et prédit que la généralisation d'une technologie de biocarburants de deuxième génération pourrait permettre d'éviter notamment l'expansion prévue des terres agricoles consacrées à la production de agro(bio)carburants ainsi que l'augmentation de la consommation de pesticides, d'engrais et d'eau. Enfin, l'OCDE souligne que le partage équitable de la charge et les effets redistributifs seront aussi importants que le progrès technologique et que le choix des instruments d'action.

Avec cette étude, l'OCDE prend la mesure du défi de civilisation qui nous attend car l'équation planétaire à résoudre pour 2050 est implacable : réduire d'un tiers la consommation moyenne par terrien (en passant de 1,5 Tep à une Tep par habitant), ce qui permettra de stabiliser notre consommation globale d'énergie autour de 9 Gigateps et diviser par 3 les émissions de carbone par terrien en passant de 1,2 tonne à 0,4 tonne, ce qui permettra de redescendre à des émissions annuelles globales de l'ordre de 4 gigatonnes de carbone par an, ce qui constitue la quantité maximale absorbable par la Terre sans provoquer un dérèglement incontrôlable du climat. C'est un défi immense qui nous attend mais, comme le souligne l'OCDE, dans la prolongation du rapport Stern, nous avons les moyens de le relever en combinant une volonté politique nouvelle au niveau mondial et la capacité innovatrice du marché.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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