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Edito : des organes artificiels à partir de cellules souches en 2020 ?

Fin 2006, des scientifiques de l'Université de Zurich avaient réussi pour la première fois à produire des valves cardiaques humaines en utilisant des cellules souches issues du liquide amniotique.

L'idée derrière l'expérience menée à Zurich est de créer de nouvelles valves cardiaques en laboratoire alors même qu'une grossesse est en cours et de les implanter sur le bébé après sa naissance. Au-delà des valves cardiaques, cette thérapie basée sur les cellules souches pourrait aussi être utilisée pour réparer les vaisseaux sanguins ou réparer les parois ventriculaires.

En juin 2007, une équipe de l'Inserm regroupant Michel Pucéat (Unité Inserm 861 : I-stem1) et Philippe Menasché, chirurgien cardiaque à l'hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP, Université Paris et directeur de l'Unité Inserm 633 « Thérapie cellulaire en pathologie cardiovasculaire »), avait montré pour sa part que l'utilisation de cellules souches permettait de régénérer les tissus endommagés du coeur et que des cellules souches embryonnaires humaines pouvaient se différencier en cellules cardiaques au sein de coeurs défaillants de rats. (Voir article APHP).

Les cellules souches, modifiées par un facteur de croissance, ont ensuite été implantées au niveau des tissus cardiaques endommagés de rats immunodéprimés et victimes d'un infarctus. Au bout de deux mois, les chercheurs ont constaté que des cellules cardiaques humaines s'étaient développées dans la zone endommagée. Dans cet environnement propice, les cellules souches « orientées » se sont différenciées en cardiomyocytes et les tissus cardiaques ont commencé à se régénérer. De plus, les chercheurs n'ont détecté ni tumeurs (tératomes) ni inflammation, effets secondaires indésirables fréquents après ce genre de transplantation.

Fin 2009, Deux équipes de recherche, celle de John Wagner, de l'université de Minneapolis (Minnesota) et celle des professeurs Jean-Jacques Lataillade et Éric Bey (hôpital militaire Percy de Clamart), avaient annoncé des avancées thérapeutiques majeures dans le traitement de graves pathologies de la peau. L'équipe française, en collaboration avec la société L'Oréal, était notamment parvenue à obtenir un épiderme fonctionnel à partir de cellules embryonnaires. Pour la première fois, des chercheurs ont réussi à fabriquer un tissu humain fonctionnel - de la peau -, à partir de cellules souches embryonnaires humaines. La démonstration en est apportée à la fois in vitro et in vivo, sur des souris auxquelles le tissu ainsi obtenu a été greffé.

Cette méthode a été utilisée avec succès chez quatre patients. « Aujourd'hui, avec un recul de un à quatre ans selon les cas, nous avons obtenu une bonne cicatrisation, sans retour de l'inflammation, indique Jean-Jacques Lataillade qui ajoute "A terme, ce procédé pourrait être appliqué pour reconstituer un épiderme humain en quantité illimitée, notamment pour les brûlés. "

Début 2010, nouvelle avancée remarquable : des chercheurs de Université de Stanford sont parvenus à transformer des cellules de peau de souris en neurones fonctionnels, sans passer par l'étape de reprogrammation en cellules souches pluripotentes jusque-là jugée indispensable. (Voir article dans Nature).

}}"Nous avons directement induit la transformation d'un type de cellule en un type de cellule complètement différent", a déclaré Marius Wernig de l'Institut de biologie des cellules souches et de médecine régénérative de l'université de Stanford. Celui-ci souligne que Les neurones obtenus en laboratoire "sont complètement fonctionnels", c'est-à-dire capables d'établir des connexions et d'envoyer des signaux à d'autres cellules nerveuses, souligne le Dr Marius Wernig.

Cette découverte pourrait révolutionner l'avenir des thérapies à partir de cellules souches humaines et conduire à revoir notre compréhension de la façon dont les cellules choisissent et maintiennent leurs fonctions spécialisées dans le corps.

Début juin, une équipe de chercheurs de l'Université de Californie à Irvine (UCI) a réussi à recréer une rétine à partir de cellules souches embryonnaires. (Voir article Cell Transplants for Macular Degeneration). L'équipe menée par Hans Keirstead a tout d'abord créé une "base" d'épithélium pigmenté rétinien à partir de cellules souches embryonnaires, sur laquelle ont été superposées des couches de cellules souches traitées afin de recréer les cellules présentes dans chaque couche.

Le succès de cette étape pourrait mener à la conduite d'essais cliniques. Les chercheurs espèrent à terme pouvoir développer une technique de culture de rétine à base de cellules souches afin de traiter un grand nombre de troubles de la vision issus d'un endommagement ou d'une dégénérescence de la rétine. Aujourd'hui, environ 100.000 Américains sont atteints de rétinites pigmentaires, maladies génétiques de l'oeil, et plus de 10 millions souffrent de dégénérescence maculaire, première cause de cécité chez les plus de 55 ans.

Enfin, il y a quelques jours, des scientifiques du Massachussetts General Hospital de Boston ont annoncé avoir réussi à produire in vitro un foie à partir de cellules souches. Les chercheurs américains ont procédé par étapes : dans un bain de détergents, ils ont tout d'abord éliminé les cellules du foie endommagé d'un rat donneur, de façon à ne conserver que les vaisseaux sanguins et le collagène. Ils ont ensuite ensemencé ce substrat avec des cellules souches de foie saines, provenant d'une culture de cellules de peau du sujet à soigner, afin de limiter le risque de rejet. Alimenté avec du sang artificiel, un foie neuf s'est ainsi développé, capable d'éliminer des toxines.

Créé de toutes pièces, cet organe artificiel a pu être conservé plus de dix jours dans une boîte de Petri. Il a enfin été transplanté à un rat, qui a grâce à lui survécu plusieurs heures. Selon le docteur Korkut Uygun, responsable de l'équipe, c'est la première fois qu'un tel organe transplantable est produit en laboratoire.

Ce type de recherche, effectué sur l'animal, n'en est qu'à ses débuts et il faudra encore beaucoup de travail avant de pouvoir synthétiser des foies totalement viables et fonctionnels, transplantables à des malades humains. Cette avancée pourrait cependant permettre, dans les cinq ans à venir, d'utiliser des parties de ces foies artificiels pour réparer les organes abîmés de patients accidentés ou alcooliques, et augmenter les chances de survie de personnes en attente d'une greffe.

A la lumière des avancées extraordinaires intervenues depuis 10 ans dans la compréhension et l'utilisation des cellules souches, d'origine embryonnaire ou non, il ne fait aujourd'hui plus de doute que les thérapies cellulaires vont, d'ici 10 ans, révolutionner la médecine en ouvrant la possibilité de régénérer et de réparer des tissus et des d'organes détruits ou lésés.

Le président OBAMA a compris l'enjeu scientifique et industriel que constituait ces recherches et a signé le 9 mars 2010 un décret autorisant l'accès aux fonds publics pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Il serait plus que souhaitable qu'en Europe, un cadre éthique unifié permette d'accélérer ces recherches qui sont déjà en train de bouleverser les sciences du vivant.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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