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Edito : "Orange mécanique" pourrait devenir une réalité

Au cours de ces dernières semaines, deux expériences scientifiques très sérieuses, l'une aux Etats-Unis et l'autre en Grande Bretagne, sont venues ouvrir avec force le débat sur un possible contrôle chimique et génétique du comportement. Tout d'abord, des chercheurs américains de l'université Emory d'Atlanta (Géorgie) ont greffé à des souris mâles un gène de campagnol et observé un changement de comportement chez le rongeur. L'éthologie nous a appris que la souris mâle est beaucoup moins fidèle et moins sociable que son cousin des champs. Elle délaisse la femelle après l'accouplement et ne s'occupe en aucun cas de sa progéniture. Ce qui est loin de correspondre à l'attitude du campagnol, qui reste pour sa part solidaire de sa femelle pendant de nombreuses années et s'occupe des différentes portées. Dans cette expérience, les chercheurs parviennent à relier pour la première fois différences génétiques et différences comportementales. Parallèlement à ces recherches, une équipe de chercheurs britanniques n'a pas craint d'annoncer que l'agressivité pourrait un jour être contrôlée grâce à un traitement médicamenteux agissant sur les neurotransmetteurs, digne du roman futuriste "Orange Mécanique" d'Anthony Burgess. L'équipe du Dr Thelma Lovick de l'université de Birmingham indique avoir acquis la conviction que trois neurotransmetteurs agissent naturellement sur le cerveau humain pour limiter les pulsions agressives. Des expériences en laboratoire ont montré que des injections de très faible quantité d'une de ces substances dans le cerveau de souris réduisaient leur agressivité. De même, des travaux sur des souris privées d'un gène à l'origine d'un enzyme responsable de la production d'oxyde nitrique ont montré que les animaux devenaient plus violents. Selon l'équipe britannique, ces recherches ouvrent des perspectives de traitement chez l'homme : "Si l'on savait comment l'agression est naturellement contrôlée, on pourrait à long terme aider les gens qui ne peuvent la contrôler en leur donnant ce qui manque" dans leur organisme, souligne le Dr Lovick." Nous sous-estimons les dangers des causes organiques des comportements agressifs et anti-sociaux", a-t-elle ajouté. Les conclusions de l'équipe de Birmingham n'ont guère été appréciées dans la communauté psychiatrique. "L'idée que l'on puisse traiter la violence par un médicament est ridicule. Ce n'est pas un phénomène biologique comme le cancer", a critiqué le professeur Simon Wessely, du King's College Hospital de Londres. Dans son roman "Orange Mécanique" (1962), adapté une décennie plus tard au cinéma par Stanley Kubrick, le romancier britannique Anthony Burgess avait dépeint un univers carcéral où les prisonniers les plus violents étaient neutralisés grâce à un traitement de choc alliant médicaments et conditionnement. Même si personne ne sait combien de temps cela prendra, il ne fait nul doute désormais qu'un jour la science aura les moyens de modifier et de contrôler certains comportements humains agressifs ou violents. La tentation risque alors d'être grande d'instaurer, avec les meilleures intentions du monde, un contrôle social des comportements. Face à la puissance de ces nouveaux outils scientifiques, nous devons susciter un large débat démocratique, s'appuyant sur une véritable réflexion éthique, pour que l'utilisation éventuelle de ces techniques demeure toujours compatible avec la liberté et la dignité de l'homme.

René Trégouët

Sénateur du Rhône

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