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Edito : Les nouvelles technologies de transmission sans fil à très haut débit vont bouleverser l'économie numérique

Fin 2004, deux records de transmissions de données, sans fil et sur fibre optique, ont été battus. Siemens a d'abord annoncé une vitesse de transmission sans fil de 1 Gbits/s en utilisant la technologie OFDM (Orthogonal Frequency Division Multiplexing). (Voir articles du New Scientist et article de Siemens).

De son côté, Alcatel indique avoir réalisé une expérimentation de transmission optique d'une capacité d'un Térabit par seconde sur une liaison existante en fibre optique de France Télécom. Pour atteindre une telle performance, le constructeur français a utilisé le protocole DWDM (Dense Wavelength Division Multiplexing). (voir article de France Télécom et article d'Alcatel).

Il faut remarquer que, même si elles sont différentes, les deux technologies utilisées - DWDM (Multiplexage dense en longueur d'onde) pour la liaison fibre optique et OFDM (Orthogonal Frenquency Division Multiplexing) pour les communications sans fil - partent de l'idée commune de parallélisation. Si l'on ne peut atteindre des débits très élevés sur un même canal ou une même longueur d'onde, il suffit d'en utiliser plusieurs. La combinaison des deux technologies est possible et a donné naissance à l'OFDMA et MC-CDMA.

Lancée en janvier 2004, l'expérimentation réalisée par Alcatel en partenariat avec France Télécom et Deutsche Telekom s'inscrit dans le projet européen Toprate lancé en 2001. L'objectif de ce projet est d'étudier les très hauts débits et de démontrer la capacité des réseaux existants en fibre optique à les supporter. Un des objectifs du projet Toprate est de démontrer que les réseaux optiques existants des opérateurs historiques allemand et français, qui utilisent largement les fibres monomodes, pourront faire face à l'augmentation des débits des équipements de transmissions. Le projet Toprate fait partie du 5e programme cadre de R&D européen. Il regroupe les activités de recherche d'Alcatel, France Télécom, Deutsche Telekom, Heinrinch-Hertz Institute (Allemagne), Universidad Politechnica (Espagne), COM (Danemark) et VPISystems (Allemagne). (Voir projet Toprate).

L'expérience menée par les trois partenaires a permis de réaliser une transmission point à point atteignant 1,28 Térabit/s sur une liaison en fibre monomode classique de 430 Km appartenant au réseau France Télécom dans la région PACA. Ces résultats ont été obtenus en utilisant 8 canaux DWDM, chacun supportant un débit de 170 Gbit/s. Ce débit par canal est 16 fois supérieur à celui utilisé dans les systèmes DWDM actuel. Un tel débit correspond à la transmission du contenu de 4 DVD en une seconde.

Apparue dans les années 90, La technologie WDM consiste à transmettre dans une même fibre de multiples signaux selon différentes longueurs d'onde. Ainsi, une même fibre unique est transformée en multiples fibres virtuelles. En multiplexant huit signaux OC-48 à 2,5 Gbit/s, on obtient un débit de 20 Gbit/s. Les débits couramment atteints aujourd'hui sont de l'ordre de 400 Gbit/s/. Un des avantages du DWDM est qu'il est indépendant des réseaux et qu'il peut être utilisé avec des réseaux IP, ATM, SONET et Ethernet.

Les chercheurs d'Alcatel estiment que l'ODFM (multiplexage fréquentiel de sous porteuses orthogonales) permet de préparer le futur des technologies W-CDMA, autrement dit l'UMTS ou la troisième génération. L'OFDM consiste à répartir un train de données en une multitude de canaux qui sont modulés, par une fréquence différente - à des bas débits. La prochaine génération de mobiles, qui succédera à la 3G vers 2015, devra en effet offrir des capacités de transmissions nettement supérieures, d'environ un facteur 10.

Pendant qu'en Europe, Siemens et Alcatel ouvraient de nouvelles voies vers le très haut débit sans fil, et sur fibre optique, au Japon, NTT est en train de tester des systèmes de transmissions sans-fil capables d'envoyer des données à des débits de 10 Gbps soit 10 fois plus vite que les réseaux sans-fil existant actuellement. Le signal sera transmis en utilisant des hautes fréquences dans la bande 116-130GHz qui n'est pour l'instant pas disponible pour un usage commercial et n'avait même jamais été autorisée à l'essai jusqu'à présent. De tels systèmes pourraient cependant être utilisés pour des communications entre bâtiments ou en intérieur afin de délivrer de la vidéo haute qualité sans avoir recours à des câbles ou encore en cas de situation d'urgence pour fournir un diagnostic à distance basé sur des images de bonne qualité. Les tests utiliseront un système développé par les laboratoires NTT et utilisant une source optique milli onde et un récepteur spécial qui réduit la génération d'erreur de données. Le prototype peut transmettre des données sur des distances allant jusqu'à 1 km, distance qui devrait être améliorée jusqu'à 4 ou 5 km d'ici 2006, selon NTT. On voit donc bien qu'au-delà du WiFi, les nouvelles technologies de transmission à très haut débit, qu'elles soient sans fil ou utilisent la fibre optique, vont ouvrir à l'Internet mobile d'immenses perspectives de développement et vont accélérer l'avènement d'un continuum numérique universel.

A cet égard, les dernières prévisions de la société Telecom View sont impressionnantes et montrent que le WiMax est promis à un bel avenir et devrait prendre des parts de marché à certaines technologies comme la 3G et l'ADSL. TelecomView estime que, à partir de 2006, le sans fil représentera plus de 30 % des nouvelles liaisons haute vitesse dans le monde. Le WiMAX, pour sa part, aura capté plus de 40 % des parts du marché du haut débit sans fil en 2009, ne laissant que 60 % de parts à la 3G. Sur le segment des connexions filaires au haut débit TelecomView entrevoit que d'ici 2009 toujours le WiMAX représentera 70 % de parts de marché. Ce qui ne laisserait que 30 % à l'ADSL.

La technologie WiMax est déjà testée par plusieurs opérateurs de télécommunications dans le monde au Mexique, en Chine, en Inde, en Grande-Bretagne, au Brésil, en Espagne... et en France, avec l'opérateur alternatif Altitude Telecom. Ce dernier prévoit d'ailleurs qu'avec la standardisation du WiMAX les utilisateurs isolés pourront bénéficier de 2 mégabits par seconde pour un abonnement mensuel autour de 20 euros. Dans un tel contexte, le WiMAX qui séduit un nombre croissant de collectivités locales (Orne, Manche, Calvados notamment) devrait poursuivre son irrésistible ascension à condition toutefois que le mode et la zone d'attribution des fréquences radio qui sera finalement retenu par le gouvernement permettent à tous les opérateurs privés et publics -je pense notamment aux départements- d'accéder à cette technologie pour un coût raisonnable.

En attendant, nos voisins européens préparent déjà le déploiement à grande échelle du WiMax. Outre Manche une société britannique vient de démarrer le déploiement du premier réseau commercial WiMax. Il devrait permettre, à terme, le développement de réseaux métropolitains (MAN, Metropolitan Area Network) reposant sur un unique point accès, au contraire d'une architecture s'appuyant sur de nombreux points accès, comme le Wi-Fi (Wireless Fidelity). L'objectif est d'offrir un service sans fil haut débit pour les professionnels et les particuliers, dans le sud est de l'Angleterre et de permettre une liaison avec les "hot spots" Wi-Fi présents dans cette région. (Voir article de Telabria).

Jim Baker, fondateur et directeur de Telabria, affirme que dans les prochaines années, le WiMax allait fondamentalement changer la structure des réseaux haut débit. En effet, cette nouvelle technologie, qui peut offrir des débits très élevés, représente, par sa simplicité et sa rapidité de mise en place, une alternative très sérieuse aux technologies DSL, notamment dans des zones qui ne sont toujours pas accessibles.

Néanmoins, le WiMax devra trouver sa place parmi les nombreuses technologies disponibles actuellement : le WiFi (Wireless Fidelity), ou la troisième génération de téléphones portables. S'agissant du WiFi, les tenants des deux principales propositions encore en lice pour le futur standard WiFi à très haut débit ont décidé, fin septembre, de mettre un terme à leurs différends : ils vont soumettre avant la fin de l'année un premier projet commun au comité IEEE 802.11n. Ce projet doit porter à plus de 600 Mbit/s le débit net supporté par les réseaux WiFi - contre 54 Mbit/s bruts actuellement - grâce à la technologie multi-antennaire Mimo(Multiple Input Multiple Output), qui améliore également grandement la qualité de service des transmissions. Enfin, les principaux acteurs du sans-fil (vingt-sept industriels) viennent cette semaine de se rassembler au sein d'un consortium baptisé Enhanced Wireless Consortium (EWC). Cette coalition s'est donnée comme objectif «d'accélérer la standardisation de la norme 802.11n». (Voir article sur la future norme WiFi dans notre rubrique « Information&Communication »).

On voit donc que le WiFi, le WiMax et la 3G, qui apparaissent aujourd'hui comme complémentaires, vont devenir concurrentes avant la fin de cette décennie et vont en outre, par leur débit accru et leur rapidité de mise en oeuvre, de plus en plus concurrencer les réseaux physiques, qu'ils soient en cuivre ou optiques. Les progrès très rapides des nouvelles technologies de transmission sans fil à très haut débit vont également faire éclater les frontières technologiques entre les télécommunications téléphoniques, les transmissions vidéo et l'Internet. A terme ces nouvelles technologies de transmission sans fil à très haut débit, s'appuyant sur l'OFDM et le MIMO, vont faire entrer l'Internet dans une nouvelle dimension nomade et ubiquitaire et risquent fort de bouleverser l'ensemble de l'économie numériques mondiale.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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