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Une nouvelle piste contre le vieillissement

« Cette fois-ci, la piste est extrêmement intéressante », estime Serge Hercberg, spécialiste de la nutrition en santé publique à l'Inserm, qui a récemment visité le laboratoire de Bruce Ames à l'université de Berkeley, en Californie. Ce professeur américain est célèbre dans le monde scientifique pour avoir donné son nom à un test essentiel en toxicologie et en cancérologie qui permet d'évaluer le pouvoir mutagène des produits chimiques sur l'ADN. Il a déjà reçu de nombreux prix pour sa carrière, dont la médaille de la ville de Paris en 1998. Le travail qu'il a présenté récemment dans les comptes rendus de l'Académie des sciences américaine (1), s'avère passionnant à plus d'un titre. D'abord, son équipe a testé l'effet d'une combinaison de deux produits, l'acétyl L-carnitine (Alcar) et l'acide lipoïque (LA), en pariant sur leur action complémentaire pour doper sans surchauffe le métabolisme cellulaire. La plupart des expériences ayant permis de prolonger la vie d'organismes revenaient à limiter la production de composés très réactifs parasites liés à l'activité des mitochondries, ces organites qui assurent l'approvisionnement énergétique au sein des cellules (2). Ces attaques chimiques finissent à la longue par endommager tous les constituants des mitochondries et constituent le stress oxydant, tenu actuellement pour responsable du vieillissement progressif des cellules et des organismes. Alors comment doper les mitochondries sans qu'elles se brûlent à leur propre feu, se sont demandé les chercheurs ? Pour résoudre ce dilemme, ils ont choisi de donner aux rats de fortes doses d'Alcar pour activer l'une des enzymes clés du fonctionnement mitochondrial, la carnitine acétyltransférase, dont il est le substrat, en association avec le LA, un lipide dont le fort pouvoir antioxydant peut limiter les effets nocifs du stress oxydant. L'effet tonique de ces deux produits naturels sur le métabolisme était déjà connu, au point qu'ils sont en vente libre dans certains pays. Mais le pari était que leurs actions se combineraient pour faciliter le fonctionnement mitochondrial. La deuxième originalité du travail de Bruce Ames a été de mesurer les effets du cocktail Alcar+LA chez les rats âgés, tant au niveau enzymatique que mitochondrial ou comportemental. Et à tous ces niveaux les changements produits par ce régime inédit s'avèrent spectaculaires. Chez les rats âgés, deux mois de régime à haute dose de Alcar+LA rendent à leur carnitine acétyltransférase une efficacité proche de celle des rats juvéniles, à leurs mitochondries un nouveau tonus, à leurs marqueurs du vieillissement, tels que les taux hépatiques de vitamine C ou de lipides peroxydés, des valeurs proches de celles des animaux dans leur jeunesse. De plus, les chercheurs californiens ont pu mesurer chez les rats âgés traités une condition physique exceptionnelle, qui leur permet de parcourir des distances deux fois plus longues chaque journée et d'obtenir des performances près de deux fois meilleures dans le test de psychomotricité de la piscine de Morris. « Cette recherche est très sérieuse et je n'ai pas de doutes sur sa qualité scientifique », précise Serge Hercberg, qui ajoute cependant qu'il faut « se garder d'extrapoler trop rapidement à l'homme, qui a une physiologie différente, et où le dosage mal contrôlé de telles substances peut s'avérer toxique ». Jusqu'à présent, peu d'études épidémiologiques sérieuses ont été consacrées aux moyens de ralentir le vieillissement chez l'homme, car les études d'impact sont longues et coûteuses. « Ce n'est pas vieillir qui est dramatique, mais mal vieillir », souligne encore Serge Hercberg, « aussi nous cherchons plutôt comment prévenir les pathologies associées au vieillissement. Et les composés antioxydants restent de très bons candidats pour cela ». La combinaison Alcar+LA devra être testée par d'autres équipes de chercheurs et dans d'autres modèles animaux. De son côté, Bruce Ames a fondé une société, baptisé Juvénon, et donné ses actions à une fondation à but non lucratif, la Bruce and Giovanna Ames Foundation. Cette société est chargée des essais cliniques chez l'homme, dont les premiers résultats devraient être connus d'ici un an a indiqué Bruce Ames au Figaro, le scientifique continuant ses études chez le rat pour voir maintenant l'effet de sa découverte sur leur longévité.

Figaro : http://www.lefigaro.fr/sciences/20020429.FIG0122.html

PNAS : http://www.pnas.org/

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