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Une nouvelle famille de plastiques façonnables comme du verre

Il aura fallu deux ans et demi de travaux à l'équipe de Ludwik Leibler, du laboratoire CNRS-Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris pour mettre au point une famille inédite de matériaux qui allie les avantages des polymères et du verre : les vitrimères. Pour comprendre la dernière prouesse de cette équipe qui accumule les inventions de matériaux comme le caoutchouc auto-cicatrisant en 2008, il faut rappeler qu'il existe en gros deux types de polymères synthétiques : les thermoplastiques (polyéthylène des emballages, bouteilles ; PVC...), façonnables à chaud et recyclables, et les résines thermodurcissables qui servent en particulier à fabriquer des matériaux composites (à base d'époxy pour l'aéronautique, les bateaux ; de polyesters...), résistants, stables même à haute température, insolubles mais fabriqués une fois pour toutes, à chaud, ni façonnables, ni recyclables.

« Notre objectif était de concevoir une résine façonnable à chaud, recyclable, résume Ludwik Leibler. Pour cela, nous nous sommes inspirés du verre, dont la structure est un réseau tridimensionnel figé, à l'instar des résines. Il tire son incroyable capacité à être travaillé à chaud de ce qui reste un mystère de la physique, sa transition vitreuse : la plage de température très large dans laquelle le matériau passe lentement d'un état visqueux à un état vitreux. » Les chercheurs ont eu l'idée géniale de concevoir une résine qui ait une transition vitreuse comme le verre. Une première. Restait à imaginer la microstructure ad hoc.

Le réseau moléculaire des résines est composé de chaînes de polymères liées entre elles. Ces liens se forment lors de la fabrication de la pièce (ce qui donne au matériau sa résistance). Il fallait donc trouver une solution pour que les liens puissent se réorganiser à chaud de façon réversible, sans se rompre et qu'à température ambiante, ils s'immobilisent et figent la forme de la pièce. L'équipe de Ludwik Leibler privilégiant une chimie simple et robuste, adaptée à des produits utilisables en grande quantité, a choisi la résine époxy. A écouter le chercheur, la suite est une simple affaire de chimie de l'époxy avec une réaction classique de transestérification et des catalyseurs, des composants courants et économiques.

Le résultat est étonnant : le vitrimère est un polymère léger, résistant, durable et insoluble comme les résines thermodurcissables mais façonnable, recyclable, soudable et réparable comme les thermoplastiques ou le verre. Autrement dit, un matériau organique, léger et quasiment incassable que l'on peut travailler à chaud comme du verre. Autre originalité, selon la composition choisie, à température ambiante, il ressemble à des solides durs comme les résines ou à des solides élastiques, mous comme le caoutchouc. Son utilisation dans des matériaux composites est en cours de test. Quatre brevets ont été déposés par le CNRS et Arkema, qui a financé les doctorants. Les travaux ont été publiés dans la revue 'Science' du 18 novembre.

Les Echos

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