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Edito : nous devons réfléchir sur l'impact de nos modes de vie en matière d'environnement

On l'ignore souvent mais L'élevage, qui regroupe au total plus de 20 milliards d'animaux, est responsable de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre, davantage que les transports, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Il est, de plus, responsable d'autres dégradations : pollution des eaux, érosion des sols, perte de biodiversité...

Les éructations des ruminants produisent 37 % du méthane émis du fait des activités humaines. Le potentiel de réchauffement global du méthane est 23 fois supérieur à celui du CO2. Le stockage et l'épandage de fumier sont responsables de 65 % des émissions d'oxyde nitreux, le plus puissant des gaz à effet de serre. La déforestation pour convertir des terres en pâturages ou en cultures fourragères (destinées à l'alimentation du bétail) est responsable de 9 % des émissions de CO2. Selon la FAO, 70 % des terres autrefois boisées d'Amérique du Sud sont aujourd'hui consacrées à l'élevage.

L'interprofession bovine, répondant à ces arguments, souligne à juste titre que dans la majorité des élevages en France, les vaches sont nourries à l'herbe, un mode d'élevage respectueux de l'environnement, qui ne concurrence pas l'alimentation humaine et permet de séquestrer du carbone. La consommation de viande dans le pays est, par ailleurs, en baisse : elle est passée de 150 grammes par jour en 1999 à 117 grammes en 2007. Dans les pays développés, cette consommation de viande est stabilisée autour de 200 grammes par jour.

Mais le problème vient des pays en voie de développement où la consommation moyenne de viande ne cesse de progresser depuis 40 ans, passant de 70 à 110 grammes par jour. La production de viande capte en outre des ressources considérables en terres et en eau. Elle mobilise 70 % des terres arables. Environ 9 % des quantités d'eau douce consommées chaque année y sont consacrées. Dans toutes leurs projections, les experts désignent l'augmentation de la demande de viande comme un des principaux facteurs des pénuries à venir. Or la consommation de produits carnés connaît une croissance très forte au niveau mondial. Relativement stable dans les pays développés (autour de 80 kg par an et par habitant), elle augmente fortement dans les pays en développement, à mesure que la population croît, mais aussi que l'urbanisation et les revenus progressent.

Il faut entre trois et neuf calories végétales, selon les espèces, pour produire une calorie animale. Déjà, quelque 40 % des céréales cultivées dans le monde sont destinées à alimenter le bétail. Selon les projections de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), pour répondre à la demande, la production mondiale de viande devra doubler d'ici à 2050, passant de 229 à 465 millions de tonnes.

Dès lors, une question se pose : où ferons-nous pousser les céréales pour nourrir tous les animaux nécessaires à la consommation de viande ? Si la tendance actuelle se poursuit, on peut en effet s'attendre à avoir une concurrence entre alimentation animale et humaine. Le dernier rapport de la FAO (septembre 2009) vient conforter ces craintes : il rappelle que, pour nourrir les 2,3 milliards d'humains supplémentaires que comptera le terre d'ici 2010 il faudra augmenter de 70 % la production agricole de la planète et cela sans tenir compte de l'essor des biocarburants. Pour y parvenir, deux solutions doivent être combinées : améliorer les rendements des productions et accroître les surfaces cultivées.

Aujourd'hui, environ 1,5 milliard d'hectares, soit environ 10 % des terres émergées, sont cultivés. Quelque 2,7 milliards d'hectares pourraient l'être également. Mais, comme le note la FAO : ces surfaces se situent pour la plupart en Amérique latine et en Afrique subsaharienne et ont "d'importantes fonctions écologiques". Elles contribuent notamment, en tant que « puits de carbone » à limiter le réchauffement climatique.

L'agence des Nations unies pense donc que c'est plutôt l'intensification des modes de production, qui devrait permettre de couvrir, selon elle, 90 % des nouveaux besoins. Mais cela ne sera pas facile car la croissance des rendements a considérablement ralenti, ces dernières années, dans de nombreux pays. Pour les céréales, ce taux de croissance est ainsi passé, selon la FAO, de 3,2 % dans les années 1960 à 1,5 % dans les années 2000.

Une autre étude prospective réalisée conjointement par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad), estime que la planète serait capable de nourrir tous ses habitants en 2050, sans mettre en péril l'équilibre environnemental de la planète, en associant une réduction des gaspillages et une rupture des habitudes de consommation. Les "disponibilités alimentaires" par habitant seraient alors ramenées à 3 000 calories par jour, dont 500 d'origine animale, contre environ 4 000 actuellement dans les pays développés, dont plus de 1 000 issues de la viande ou du poisson.

Ces remarquables études posent parfaitement l'immense défi qui nous est posé et convergent pour souligner que, quels que soient les progrès des techniques agricoles et agronomiques et compte tenu des surfaces nouvelles limitées au niveau mondial pour la mise en culture, il sera impossible de nourrir correctement les 9 milliards d'habitants de la planète si nous ne remettons pas en cause nos modes de vie et de consommation. Nous devons absolument parvenir à stabiliser au niveau mondial notre consommation de protéines d'origine animale.

Cette stabilisation est tout à fait possible et peut se faire de manière progressive, de manière à laisser le temps aux industries agroalimentaires concernées de s'adapter à cette nécessaire mutation. Il ne s'agit pas de tous devenir végétariens ou de prôner des discours intégristes en matière alimentaire mais d'opter progressivement pour une consommation alimentaire plus diversifiée et surtout plus modérée de protéines animales qui aura un double avantage : elle limitera sensiblement les émissions de gaz à effet de serre en permettant de nourrir, à surface agricole égale, un plus grand nombre de personnes.

Il est en outre scientifiquement démontré qu'une consommation raisonnable de protéines animales et notamment de viande rouge, est bénéfique pour la santé. Ces changements ne doivent bien entendu pas être imposés mais doivent résulter de prises de conscience personnelles. Nous devons y réfléchir et nous y préparer dans l'intérêt de notre planète.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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