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Edito : Notre Univers est-il le fruit d'une simulation informatique ?

La vie sur la Terre et tout l'univers pourraient n'être qu'une simulation informatique gigantesque, un rêve de super-ordinateur, supputent dans leurs derniers écrits deux scientifiques britanniques renommés, le physicien Martin Rees et le mathématicien John Barrow. La question de l'existence réelle du monde, posée par les penseurs de toutes les époques, est abordée, selon eux, sous un angle nouveau par les progrès fantastiques et continuels de l'informatique. "Il y a quelques décennies, les ordinateurs n'étaient capables de reproduire que des schémas très simples, explique à l'AFP Martin Rees. Ils peuvent maintenant créer des mondes virtuels avec de nombreux détails". "A terme, observe-t-il, on pourrait imaginer des ordinateurs qui seront capables de simuler des mondes peut-être aussi compliqués que celui dans lequel nous pensons vivre". Ce n'est qu'une théorie, ajoute Sir Martin, cosmologue de l'université de Cambridge. Mais "elle doit nous conduire à nous demander si nous-mêmes pourrions nous trouver dans une telle simulation". (voir l'article de

http://www.propagandamatrix.com/articles/july2004/220704multiversetheory.htm" title="Propanganda Matrix">Propanganda Matrix

).

L'univers, dans ce cas, ne serait pas un tout mais une partie d'un ensemble que Martin Rees et John Barrow appellent des "multivers". Ce concept de Multivers s'appuie notamment sur les travaux d'Andrei Linde, un des plus grands cosmologistes de notre temps. Celui-ci a formulé en 1982 une nouvelle théorie de l'univers qui tente de dépasser les faiblesses du modèle du Big Bang. Linde critique la théorie du Big Bang pour les nombreux problèmes physiques et philosophiques qu'elle soulève. Il considère notamment que les équations physiques qui déterminent le Big Bang prédisent un univers beaucoup plus petit qu'il ne l'est en réalité et que le modèle théorique n'explique pas pourquoi les différentes régions de l'univers se ressemblent et les lointaines galaxies sont distribuées de façon aussi uniforme dans toutes les directions au sein de l'univers. Linde propose la théorie d'un univers auto-reproducteur et à très forte croissance (self-reproducing inflationary univers) qu'il a modélisé grâce à des simulations sur ordinateur.

Selon lui, la croissance de l'univers à son origine aurait obéi à un modèle d'"inflation chaotique". Alors que la théorie classique du Big Bang décrit un univers semblable une bulle de savon se gonflant graduellement, la théorie de Linde décrit un univers semblable à une bulle qui produirait des bulles identiques, et ainsi de suite. L'univers décrit par Linde enfanterait de nouveaux univers par autoreproduction et selon une arborescence empruntée aux mathématiques fractales découverte par Benoit Mandelbrot. Pour Linde, il faudrait imaginer l'univers comme un ensemble de bulles intereliées qui se développent de manière fractale (chaque partie du tout ressemble au tout). Il y aurait donc eu création d'un univers à partir duquel plusieurs bulles se seraient formées de façon indépendante. Ces nouvelles bulles seraient en fait des points de l'univers qui seraient entrés en expansion en eux-mêmes, sans affecter l'univers originel. Chacun de ces univers aurait ses propres lois de la physique et pourrait donner naissance à d'autres univers, et ainsi de suite. Ce mécanisme donnerait lieu à un univers auto-reproducteur éternel et infini dans le temps et dans l'espace.

"On sait depuis longtemps que des civilisations techniques à peine plus avancées que les nôtres auront la capacité de simuler des univers dans lesquels des entités conscientes pourront émerger et communiquer entre elles", rappelle pour sa part John Barrow, directeur d'études à Cambridge également, dans un récent article scientifique. Des sociétés disposant d'une "puissance informatique beaucoup plus élevée que la nôtre, poursuit-il, pourraient simuler non seulement le climat ou la formation des galaxies, comme nous le faisons, mais aussi l'apparition des étoiles et la formation des systèmes planétaires". "Puis, imagine le chercheur, en intégrant les lois de la biochimie aux simulations astronomiques, elles seraient capables d'observer l'évolution de la vie et de la conscience". Tout aussi simplement que nous "suivons le cycle des insectes sur un fruit", elles regarderaient "les civilisations croître et communiquer, se disputer sur le fait de savoir s'il existe un 'Grand Programmateur' dans le Ciel", pouvant "intervenir à volonté, au mépris des lois de la nature habituellement observées".

D'autres scientifiques refusent d'envisager l'hypothèse d'un monde créé par les machines. Seth Lloyd, un physicien du Massachusetts Institute of Technology (MIT) cité par le Sunday Times du 14 novembre, avance comme principale objection qu'un ordinateur capable de simuler la vie terrestre devrait être "inimaginablement puissant". Mais pour réfuter cette objection John Barrow ne s'appuie pas que sur l'informatique. Pour étayer sa thèse d'un univers simulé il souligne un fait extrêmement troublant : l'équilibre infiniment subtil des conditions naturelles rendant la vie possible sur Terre. Un équilibre, suggère le chercheur, qui pourrait même s'avérer trop délicat pour se perpétuer sans que "de légers changements" lui soient apportés de temps à autre.

Cette question fondamentale du « réglage » des grandes constantes de l'univers dans un sens qui permet l'apparition de la vie est développée de manière remarquable dans un passionnant article intitulé « L'ajustement fin des constantes de l'univers » et publié dans le dernier numéro hors série de la revue « Sciences&Avenir ». Dans cet article (non disponible en ligne), Dominique Lambert, Professeur à l'Université de Namur, souligne de manière pertinente que le processus qui produit le carbone dépend de manière très fine des valeurs des constantes de couplage de l'interaction forte et de l'interaction électromagnétique. Il suffirait que ces constantes de couplage soient très légèrement modifiées pour détruire toute possibilité de produire du carbone, élément indispensable à la vie. S'agissant de l'interaction faible (qui intervient dans les processus de désintégration), Dominique Lambert rappelle qu'une légère modification de la constante de couplage rendrait impossible la production d'hydrogène et donc d'eau, autre élément essentiel à l'apparition de la vie.

Enfin, à l'échelle cosmique, il est troublant de constater que la fameuse constante cosmologique possède exactement la valeur nécessaire à l'apparition des structures cosmiques telles que les galaxies, les étoiles et les planètes. Une valeur plus élevée rendrait impossible la formation de ces structures liées par la force de gravitation. Une valeur plus faible entraînerait une contraction trop rapide de l'univers, empêchant les étoiles de se former.

On voit donc que, sans céder aux explications métaphysiques ou religieuses, un nombre croissant de scientifiques tout à fait rigoureux et attachés à la rationalité, tentent d'éclairer d'une manière nouvelle le fait troublant que toutes les constantes et forces fondamentales de l'univers sont très exactement réglées de manière à permettre l'apparition de la vie. Face à un univers dont toutes les lois et les constantes permettent une organisation de plus en plus complexe de la matière, jusqu'à l'irruption du vivant puis de la conscience, cette hypothèse d'un univers simulé, qui serait voulu et conçu par une intelligence cosmique d'une puissance presque incommensurable, mérite d'être examinée et sera de plus en plus incontournable dans les décennies à venir.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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