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Edito : Nos mobiles vont devenir le moteur de la société numérique

Après l'arrivée de la 3G, la téléphonie mobile aura accès d'ici la fin 2005, à la HSDPA, ou "High-Speed Dowlink Packet Access". Cette technologie doit permettre aux réseaux d'être quatre fois plus rapides qu'ils ne le sont avec la 3G, offrant des débits compris entre 9 et 14 Mbits/s ! Parallèlement, les services mobiles accélèrent leur mutation vers le protocole SIP (Session Initiation Protocol) et l'architecture IMS (IP Multimedia Subsystem) », qui constituent le nouveau cadre technologique de tous les services multimédias mobiles innovants. Parmi ces services, la musique à la demande, mais aussi les jeux, la vidéo ainsi que les "blogs" et autres "chats". Musiwave, une société française, illustre la percée du secteur de la musique sur les téléphones portables dont l'avenir, selon les spécialistes, est très prometteur. Musiwave vend des sonneries de téléphone - un secteur très rentable qui, uniquement pour la Corée, a généré un milliard de dollars de revenus en 2004 - mais a aussi mis au point une plate-forme de téléchargement de morceaux de musique, directement accessible depuis le téléphone portable. Le Mobile Entertainment Forum (MEF) qui regroupe plus de 70 sociétés du secteur du divertissement ainsi que les principaux opérateurs comme Orange ou Vodafone est tout aussi optimiste.

Il prévoit un chiffre d'affaires de 27 milliards de dollars pour le secteur du divertissement en 2008. Fin 2005, le secteur de la musique devrait tirer 10 % de ses revenus des télécommunications. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Sony Ericsson va commercialiser dans quelques semaines son premier mobile-Walkman qui pourra transférer facilement des morceaux de musique depuis le PC et ultérieurement permettre à ses utilisateurs d'acheter directement de la musique en ligne. (voir article dans la rubrique « Information&Communication de ce numéro).

Après le son, l'image. Siemens présente un service de « Photo Talk », c'est-à-dire l'envoi en temps réel de photos prises avec un téléphone mobile par les correspondants d'une conférence réalisée en « push to talk ». L'équipementier allemand développe également un service de dialogue en direct à plusieurs (« multi chat »), inspiré des messageries instantanées. La vidéo et la télévision sur mobile sont également promises à un bel avenir grâce à l'arrivée de la norme européenne de diffusion DVB-H, attendue pour 2006. Cette technologie permettra aux utilisateurs d'accéder intégralement à une soixantaine de chaînes différentes et les abonnés pourront y passer des heures sans pour autant saturer le réseau. Les nouveaux combinés qui permettront d'accéder à cette télévision numérique utiliseront à la fois les infrastructures des opérateurs de télévision et celles des opérateurs mobiles.

Nokia a annoncé qu'il lancerait un tel appareil l'année prochaine, basé sur le standard européen de diffusion vidéo numérique DVB-H. L'équipementier Alcatel a promis une offre "triple play" (texte, voix, vidéo) sur les téléphones portables. L'opérateur français Orange mène des expériences de télévision en temps réel sur téléphones portables. Associé à France Télécom, Alcatel a également conçu eConf, un logiciel qui centralise sur un serveur les messages vidéo envoyés depuis un mobile 3G et les transfère ensuite, au choix de l'utilisateur, vers un blog, un visiophone fixe ou une adresse électronique. Alcatel a, en outre, fourni la technologie du service « StreamMan » de Sony. L'idée est de gérer une discothèque numérique personnelle via le réseau cellulaire, en recevant en direct ou en téléchargeant à la demande la musique de son choix, sur le terminal de son choix : PC, téléphone mobile. Alcatel a enfin présenté des démonstrations d'AGPS, ou GPA Assisté.

Ce standard, en cours de normalisation sous le nom d'OMA, devrait être finalisé dans les mois qui viennent. Equipements et téléphones de différents constructeurs seront donc inter opérables. L'idée est simple : intégrer une puce AGPS au sein d'un téléphone GPRS ou UMTS, de manière à faire baisser sensiblement les coûts d'équipement et donc favoriser l'essor de la navigation pour le grand public.» Le GPS assisté combine le meilleur de deux techniques complémentaires de localisation, celle des réseaux mobiles (Cell ID, EOTD...) et le GPS américain (qui repose sur les signaux émis par un ensemble de satellites). Comme les serveurs connaissent en temps réel le positionnement des satellites GPS, le téléphone n'a pas à scanner toutes les fréquences. Avantage : une session GPS est initiée en 10 à 30 secondes et non plus en quelques minutes, un des défauts du GPS. Mais l'AGPS présente une autre avancée, celle de maintenir la localisation de l'appareil, même là où le signal des satellites GPS ne passe plus : à l'intérieur d'un bâtiment, dans un parking, sous un tunnel, sous réserve de couverture du réseau mobile bien entendu.

Les serveurs AGPS de l'opérateur mobile prennent alors le relais et maintiennent le flux d'information. Selon Alcatel, l'AGPS rendra aussi la localisation du terminal plus efficace, le constructeur promettant une précision de 5 à 20 mètres. L'AGPS devrait enfin permettre à la géolocalisation de devenir un véritable marché de masse alors que, jusqu'à présent, les services de géolocalisation sont peu répandus, soit du fait de technologies peu adaptées (les réseaux mobiles), soit du fait des coûts (achats de terminaux dédiés ou de PDA intégrant une puce GPS).

Autre application en projet chez Nokia Ventures : la création d'une passerelle entre un mobile et un micro-ordinateur pour des services de conférence voix et données. Depuis un PC « maître », un professionnel pourrait ainsi commenter en direct à son collègue une présentation. Le défilement des diapositives, mais aussi l'emplacement du pointeur de la souris, sont synchronisés et reproduits à l'identique en seulement quelques fractions de seconde sur le terminal mobile vers lequel a été transféré, au préalable, le document.

Autre secteur prometteur, les services dits "communautaires" comme les "chats" ou les "blogs". Ces journaux intimes sont désormais accessibles sur des téléphones 3G. Agrémentés de photos ou d'images, ces textes ont besoin de haut débit pour être consultés confortablement. Très appréciés des adolescents, les "blogs" mais surtout les "chats" génèrent un énorme trafic, une manne pour les opérateurs. Chaque jour, ces chats génèrent en France l'envoi de plus de 3,5 millions de messages. Les ados qui participent à ces conversations en ligne envoient une moyenne de 90 messages par mois, soit un budget d'environ 50 euros.

Enfin, dernière innovation, mais non la moindre, STMicroelectronics NV, en collaboration avec le fournisseur de services téléphoniques mobiles Orange et la société spécialisée dans la sécurité logicielle Trusted Logic, ont présenté à Cannes le paiement via le téléphone portable ainsi que la gestion des droits numériques et les signatures électroniques. Ce système permet à un utilisateur de saisir un code PIN sur son téléphone portable. Ce code est traité sur la carte SIM du téléphone, permettant le transfert des informations relatives au paiement au terminal d'un point de vente fournisseur pour concrétiser l'achat. Tous ces nouveaux services multimédia sur mobile vont prendre une nouvelle dimension avec l'arrivée prochaine du très haut débit mobile, via le HSDPA (jusqu'à 2 Mbit/s sur un mobile) qui a été présenté à Cannes.

Alors que les premiers réseaux 3G comme celui d'Orange ou de SFR sont à peine opérationnels, les équipementiers sont déjà en train de préparer le déploiement de HSDPA, une évolution de la 3G qui permettra de doper le débit par l'utilisation d'une station de base à 16 Mbit/s contre 2 Mbit/s aujourd'hui. Pour l'utilisateur, l'arrivée d'HSDPA devrait se traduire par des débits maximums en réception de l'ordre de 2 Mbit/s contre 384 Kbit/s aujourd'hui. La commercialisation des premières cartes 3G HSDPA devrait commencer fin 2005 pour les professionnels, et fin 2006 pour le grand public. Si l'on ajoute à ces nouveaux services multimédia et au très haut débit mobile 3G l'arrivée prochaine des micro-disques durs de grande capacité sur nos mobiles, et une autonomie de fonctionnement qui va être décuplée grâce aux mini piles à combustibles, on voit donc qu'avant la fin de cette décennie le mobile va devenir un véritable terminal numérique polyvalent et multimédia et une sorte d'extension naturelle et indispensable de nos ordinateurs de bureaux et de nos portables.

C'est d'ailleurs ce qu'a parfaitement compris la société japonaise NTT DoCoMo, le plus grand opérateur mobile nippon, qui continue à défricher de manière remarquable les nouveaux usages des TIC et tente de mieux évaluer les impacts sociaux profonds de ces nouvelles applications technologiques. Au cours d'une « discussion au coin du feu » qui s'est tenue lors de la principale session de ce salon mondial des mobiles de Cannes, M. Masao Nakamura, Président de NTT DoCoMo, a évoqué l'Institut sur la recherche sociale du mobile créé l'année dernière par sa société, en tant que centre précurseur en matière de mesure et d'amélioration des implications pour la société japonaise au sein de laquelle 85 millions (sur 125 millions) d'individus dépendent largement de la téléphonie mobile. L'objectif de ce centre est la recherche et développement sur l'impact des communications mobiles sur la vie humaine.

Il est très révélateur de voir à quel point NTT DoCoMo, le plus grand opérateur de téléphonie mobile, étudie avec soin les nouvelles tendances en matière d'utilisation du portable. Il est vrai que le mobile a profondément modifié la vie quotidienne des japonais et que le Japon est un véritable laboratoire où foisonnent les nouveaux usages sociaux des TIC. Au pays du soleil levant la 3 G connaît un succès inouï, avec 30 millions d'utilisateurs sur 85 millions d'abonnés au mobile. Parmi les applications et services qui font un tabac on trouve le téléchargement de clips vidéo et chansons sur le Net, l'envoi de courriels (bien avant le surf sur le Web), le paiement par mobile, les jeux en ligne, la géolocalisation, la visiophonie et la possibilité de regarder la télévision sur son mobile.

S'agissant de cette dernière application, l'étude sur la téléphonie de troisième génération réalisée par Carat TVMI confirme la tendance du marché. La société d'analyse a réalisé un panorama des services 3G dans le monde, avec un focus sur trois pays, la France, le Japon et la Corée du Sud. Principale conclusion de cette enquête : l'Internet mobile ne devrait se développer massivement qu'avec l'arrivée de la norme DVB-H qui permettra de distribuer de la vidéo en broadcasting. Mais au Japon, la TV sur mobile est déjà une réalité : l'opérateur MBCO - Mobile Broadcasting Corp. exploite le satellite géostationnaire MBSat, conçu spécialement pour diffuser des services de télévision mobile. Les programmes diffusés aux abonnés sont constitués d'une dizaine de canaux vidéo, d'une trentaine de programmes audio et d'une soixantaine de services de données (actualités, informations locales, horaires des transports en commun, météo, etc.).

L'ensemble de ces contenus est associé à un guide électronique de programmes qui facilite la navigation pour l'utilisateur (et permet notamment d'automatiser la recherche d'informations grâce à l'enregistrement de préférences au niveau du terminal de réception). Les contenus sont diffusés vers des terminaux vidéo personnels dédiés ainsi que des récepteurs installés à bord d'automobiles, mais aussi des modules PC Card à connecter à un ordinateur ou un assistant personnel. MBCO prévoit d'atteindre 1,5 million d'abonnés en trois ans et espère en compter 8 millions à l'horizon 2010.

Outre ces nouvelles fonctions multimédia, nos mobiles vont également devenir très rapidement de véritables télécommandes universelles que nous utiliserons couramment pour régler nos achats, piloter notre ordinateur, ouvrir notre porte de garage ou mettre sous alarme notre domicile et notre voiture. S'agissant du télépaiement, le premier opérateur de télécommunications mobiles japonais, NTT DoCoMo, la compagnie de transport ferroviaire nippone, JR East, et le géant de l'électronique Sony vont tester à partir de mars 2005 un service permettant de franchir les portiques de quai grâce au téléphone portable, ont-ils annoncé. Le système que les trois entreprises vont lancer s'appuie sur une puce qui, intégrée dans le téléphone portable, peut stocker les titres de transport et être lue à distance par un lecteur spécifique. Il suffira aux usagers d'effleurer les portiques équipés de ce lecteur avec leur téléphone portable pour payer leur trajet et accéder aux quais sur les nombreuses lignes de train de Tokyo intra-muros et de sa grande banlieue. Le lancement commercial du service aura lieu à compter de janvier 2006, ont précisé les trois entreprises.

Enfin, dernier domaine, mais non le moindre où nos mobiles sont promis à un avenir radieux, celui de la télésurveillance médicale. Demain nos mobiles enregistreront, traiteront et transmettront nos paramètres biologiques, permettant ainsi une surveillance médicale permanente et personnalisée qui deviendra un service irremplaçable en matière de prévention et d'intervention médicales. D'ici 2010, nos mobiles vont donc devenir les principaux vecteurs de l'économie numérique et de la société de l'information et nous devons très vite prendre toute la mesure de cette révolution techno-économique pour préparer notre avenir.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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