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Edito : Les nanobiotechnologies vont révolutionner l'exploration de la cellule

Pour comprendre ce qui se passe à l'intérieur d'une cellule vivante, les chercheurs en sont encore le plus souvent réduits à déchirer sa membrane et à la vider de ses constituants. La méthode reste efficace mais elle présent des limites intrinsèques car une grande quantité d'informations sont perdues à tout jamais au cours du processus. Or on pourrait utiliser des méthodes moins agressives. C'est un des objectifs que s'est fixé la NanoSystems Biology Alliance, un groupe de sept scientifiques de la côte Ouest des Etats-Unis, cela pourrait être possible grâce à la nanotechnologie. es chercheurs tentent de construire les nano-outils qui pourraient un jour suivre en temps réel la vie à l'intérieur de la cellule. Ces outils très prometteurs se composent de batteries de nanosondes capables de détecter des milliers de protéines sécrétées par une cellule. Afin de considérer une cellule comme un ensemble cohérent et non comme une juxtaposition d'éléments organiques, les chercheurs doivent imaginer des expériences d'un autre type en adoptant un point de vue entièrement nouveau, estime Jim Heath, spécialiste en nanotechnologie à l'Institut technologique californien, à Pasadena. Jim Heath et son équipe travaillent sur une puce au silicium d'un centimètre carré qui combinera plusieurs tests et qui pourrait être disponible dans un futur proche. La puce ressemble à un champ miniature où seraient alignées des rangées de cellules, chacune se logeant au creux d'un minuscule pore dans le silicium. Fusionnant avec la membrane cellulaire, le pore fait fonction de canal entre l'intérieur de la cellule et le monde extérieur. A proximité de ce canal se trouve une batterie de nanocâbles, des fils métalliques de quelques nanomètres d'épaisseur. Chaque nanocâble est recouvert d'une sonde biomoléculaire, comme un anticorps, qui se lie à une protéine cible. Quand elles traversent la membrane et se lient à une sonde, les protéines modifient la conductance électrique du nanocâble, mesurée à l'aide d'un détecteur relié à la batterie. Plusieurs équipes de chercheurs ont déjà utilisé des nanocâbles et des nanotubes de carbone pour détecter des protéines et des séquences précises d'ADN. L'aspect novateur, dans l'approche de Jim Heath, c'est que mille nanocâbles s'entassent sur quelques microns carrés - à peu près la surface d'une cellule. Pour parvenir à cette densité, Jim Heath et son équipe ont mis au point des nanocâbles semi-conducteurs d'un diamètre de 8 nm chacun et espacés de 8 nm, alors qu'on utilisait jusqu'à présent des nanocâbles de 20 nm séparés par des espaces de 40 nm. En principe, chacun de ces nanocâbles pourrait porter un anticorps ou un oligonucléotide différent, ou encore une courte séquence d'ADN permettant de reconnaître des séquences précises d'ARN (acide ribonucléique). "Avec une seule puce, nous pourrons réaliser mille expériences sur la même cellule", dit Jim Heath. A ce jour, le chercheur a élaboré des prototypes de puces ainsi que des méthodes pour recouvrir chaque câble d'un anticorps différent. Il a l'intention de peaufiner ses techniques dans les prochains mois et de commencer à tester la puce pour des protéines sécrétées par des cellules cancéreuses. Michael Roukes, lui aussi physicien, membre de l'Alliance et de l'Institut technologique californien, travaille avec Jim Heath sur une partie de la puce du nanolaboratoire destinée à déterminer les forces de liaison entre deux molécules, par exemple un récepteur moléculaire situé à la surface d'une cellule et un médicament. Des récepteurs cibles seront fixés à la puce, et le médicament à un cantilever. Le chercheur mesurera le changement d'élasticité du cantilever lorsqu'il modifiera le lien entre les deux molécules et calculera ainsi la force de ce lien. Charles Sawyers, un chercheur en cancérologie à l'Université de Californie, à Los Angeles, nourrit déjà des projets pour le nanolaboratoire. Il veut découvrir comment des cellules touchées par la leucémie myéloïde chronique (LMC) deviennent résistantes au Gleevec, un médicament relativement récent qui inhibe une enzyme impliquée dans la prolifération des cellules cancéreuses. Charles Sawyers estime que le nanolaboratoire permettra de repérer les gènes qui sont stimulés lorsque les cellules malades sont traitées à l'aide de ce médicament. "On pourrait étudier quelle est la première réaction de la cellule, une fois en contact avec le Gleevec", dit-il. Il espère que cette approche parviendra à révéler comment les cellules développent une résistance. Ces outils représentent un énorme potentiel. James Baker, qui étudie les systèmes de ce genre à l'Université du Michigan, souligne que les nanoparticules peuvent même être équipées de systèmes moléculaires chargés de diriger les médicaments vers une cellule. Ainsi, Baker a-t-il eu recours à des polymères sphériques connus sous l'appellation de dendrimères pour transporter dans une cellule du méthotrexate, un produit qui attaque certains types de cellules cancéreuses. Lors d'expériences en laboratoire réalisées sur des cellules tumorales, le méthotrexate a éliminé cent fois plus de cellules cancéreuses quand il était administré par le biais de nanoparticules que quand il était simplement ajouté à la culture des cellules. Enfin, il y a a quelques jours, des chercheurs du MIT sont parvenus, en utilisant des nanotubes de polymère biodégradable, à recrée artificiellement en laboratoire un système vasculaire fonctionnel. Une des conséquences les plus remarquables de cet essor foisonnant des nanobiotechnologies est le décloisonnement des disciplines scientifiques impliquées et la coopération de plus de plus étroite entre physiciens, chimistes biologistes et informaticiens. Il ne fait à présent plus de doute que d'ici 20 ans ces nouveaux outils vont bouleverser notre connaissance des mécanismes les plus intimes de la cellule (qui deviendront observables à l'échelle moléculaire et en temps réel) et vont ouvrir de nouvelles et extraordinaires perspectives thérapeutiques.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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