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Edito : La musique en ligne joue-t-elle contre le disque ?

Dans notre société médiatique certaines idées reçues acquièrent vite le statut de vérités révélées. C'est ainsi que depuis plusieurs mois, on peut lire et entendre partout que la musique en ligne, via les fichiers au format MP3, serait en train de tuer l'industrie phonographique et de condamner le CD à brève échéance. Sans remettre en cause la réalité de la mutation techno-économique que représente l'essor de la consommation de musique en ligne via internet, un récent sondage IPSOS, consultable en ligne, est venu sérieusement nuancer le scénario apocalyptique et un peu simpliste. Que nous apprend cet intéressant sondage ? En premier lieu, et cela n'étonnera personne, que le téléchargement de musique sur le net est un phénomène bien réel et que 22 % des internautes déclarent avoir au moins une fois télécharger un fichier musical. Quid du gravage des morceaux téléchargés qui terrorise les maisons de disques ? Ce sondage nous apprend qu'un quart seulement des internautes utilise ce moyen de stockage et qu'une majorité d'entre eux écoute immédiatement la musique en ligne ou la stocke sur le disque dur de leur ordinateur. Autre surprise, si 35 % de la musique téléchargée provient de sites non marchands, 30 % provient de sites marchands qui vendent cette musique en toute légalité. Enfin, dernière surprise, et non la moindre, ce sondage nous révèle que 83 % des internautes qui téléchargent de la musique achètent autant de disques qu'avant, 6 % déclarent même en acheter davantage ! Quand on sait, par ailleurs, qu'en France il ne se vend en moyenne que 2 disques par an et par habitant, on constate donc que l'impact de la consommation de la musique en ligne sur la vente de disques, s'il existe, mérite d'être sérieusement relativisé. En outre, ce que ne dit pas ce sondage, c'est qu'un des effets du développement rapide de la musique en ligne a été de faire baisser de manière très sensible le prix des CD neufs et de favoriser également l'essor d'un marché florissant du CD d'occasion. C'est ainsi qu'on peut trouver aujourd'hui, pour 50 F et parfois moins, en CD d'occasion ou en version économique, d'excellents enregistrements des répertoires classiques, jazz ou rock, à l'exception des dernières nouveautés. A un tel prix, il devient beaucoup moins intéressant, sauf par pure passion, de prendre le temps de télécharger des fichiers MP3 puis de graver soi-même ses CD. Certains analystes poussent le raisonnement plus loin et font remarquer qu'un internaute qui découvre, grâce au net, un artiste, commence par télécharger gratuitement plusieurs de ses morceaux, mais peut ensuite être amené à acheter dans le circuit classique des CD de cet artiste à un prix économique, achat qu'il n'aurait jamais effectuer sans la découverte initiale de cet artiste grâce au net. Enfin, tous ceux qui fréquentent régulièrement les magasins de disques savent bien que le disque, à l'instar du livre, n'est pas un produit comme les autres, et qu'il existe un plaisir irremplaçable à explorer les rayons d'un bon disquaire comme ceux d'une bonne bibliothèque. Au lieu de vouloir opposer systématiquement, et souvent artificiellement, anciens et nouveaux médias, essayons plutôt de mettre en lumière leur complémentarité et leur capacités synergiques souvent réelles. De la même manière que la radio, puis la télévision, loin d'avoir tué le livre et la presse, l'internet en permettant un accès quasi-instantané à toutes les musiques va véritablement conférer une audience universelle à cet art, sous toutes ses formes, et quelle que soit l'évolution de ses supports techniques de stockage.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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