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Mobilisation générale contre la maladie d'Alzheimer

C'est la triste rançon des progrès de la médecine : la maladie d'Alzheimer, encore incurable et qui touche surtout les personnes âgées, est en passe de devenir le fléau socio-économique du début du xxie siècle du fait de l'allongement de l'espérance de vie. Les estimations les plus prudentes parlent de 12 millions de cas de cette affection neurodégénérative dans le monde, dans les seuls pays industrialisés disent certains. Si aucun traitement n'est découvert, le nombre passera à 22 millions en 2025 et à 45 millions en 2050. Depuis quelques années, généticiens, biochimistes, médecins, laboratoires pharmaceutiques sont engagés dans une course contre la montre pour tenter de maîtriser cette progression alarmante. « Ou nous réussirons à vaincre la maladie ou nous la laisserons devenir l'épidémie du nouveau siècle », soulignait en juillet à Washington Edward Truschke, président de l'Association Alzheimer aux Etats-Unis. Les progrès de la génétique et de la biochimie renforcent chaque jour l'espoir de juguler la maladie. Mais le pari n'est pas encore gagné. Dramatique pour les malades, cette dégénérescence des cellules nerveuses qui débouche sur la démence plonge également les familles dans l'affliction. Aux troubles progressifs de la mémoire viennent s'ajouter les troubles du raisonnement, puis ceux du comportement. Le malade perd peu à peu son autonomie, au point de devenir totalement dépendant. Le processus de dégradation dure en moyenne huit ans.La maladie d'Alzheimer est essentiellement une maladie du vieillissement : elle touche de 3 à 5 % des plus de 65 ans, de 20 à 25 % des plus de 85 ans, au point que ces dernières années les personnes âgées en sont venues à redouter ce risque à l'égal du cancer. Seuls 10 à 15 % des cas concernent des moins de 60 ans. Depuis trois ans, le nombre de cas s'est accru avec l'arrivée des volumineuses classes d'âge de l'après-Première Guerre mondiale : ce sont aujourd'hui des octogénaires, cibles idéales de la maladie. Une autre explosion est attendue à partir de 2010-2020, lorsque les baby-boomers des années 1945 atteindront le troisième âge : il y aura en 2020 plus de 1 milliard de personnes de plus de 60 ans dans le monde. Les Etats-Unis, qui dénombrent déjà 4 millions de personnes atteintes par la maladie, s'inquiètent particulièrement de ces perspectives. En France, on estime à 400 000 le nombre de malades et à 60 000 le nombre de décès annuels, ce qui en fait la quatrième cause de mortalité dans l'Hexagone. Il est cependant difficile d'apprécier l'ampleur des dégâts, car les spécialistes affirment que la moitié des cas seulement sont diagnostiqués. En 2020, le nombre de malades devrait atteindre de 650 000 à 800 000 cas. Il y a actuellement dans notre pays 9 millions de personnes de plus de 65 ans, il y en aura 13 millions en 2020 et 18 millions en 2050. A la tempête démographique s'ajoute le séisme économique, car le coût social de la maladie d'Alzheimer est élevé. En France, on l'évalue à 31 milliards de francs par an, dont l'essentiel reste à la charge des familles. Aux Etats-Unis, on l'estime à plus de 100 milliards de dollars par an. Ces chiffres impressionnants et inflationnistes expliquent pourquoi la maladie d'Alzheimer est devenue une des priorités de santé publique dans les pays industrialisés. Jusqu'au milieu des années 90, il n'existait aucun traitement. Une étape appréciable a été franchie avec l'apparition des premiers médicaments traitant les effets (et non les causes) de l'affection. Malheureusement, ils ne guérissent pas la maladie mais se contentent d'en retarder la progression. Plusieurs molécules sont aujourd'hui en phase finale des essais cliniques. Elles explorent plusieurs pistes : action sur les neurotransmetteurs, stimulation des récepteurs cérébraux, protection et même régénération des neurones. Certaines d'entre elles sont proches du lancement. La galantamine (laboratoires Jannsen), introduite en Suède, vient d'obtenir, par reconnaissance mutuelle, son feu vert dans toute l'Europe : elle agit à la fois sur les neurones cholinergiques et sur les récepteurs nicotiniques, ce qui laisse espérer une efficacité améliorée. La mémantine (Merz et Neurobiological technologies), qui agit sur le glutamate (un neurotransmetteur), commercialisée en Allemagne pour traiter certaines démences, cherche à étendre ses indications. Le grand espoir, dans cette voie, vient aujourd'hui de la société irlandaise Elan Pharmaceuticals, qui a utilisé le peptide bêta amyloïde pour mettre au point un vaccin. Testé sur des souris transgéniques, ce vaccin a effectivement permis de diminuer les dépôts amyloïdes. Les tout premiers essais cliniques sur l'homme, réalisés avec American Home Products, ont été satisfaisants, mais, à ce stade, ils portaient seulement sur la non-toxicité du produit : les tests sur l'efficacité du vaccin commenceront à la fin 2001. « Les plaques amyloïdes se conduisent comme un envahisseur du cerveau, et nous sommes optimistes quant à la possibilité d'attaquer cet envahisseur à sa source », indiquait en juillet Dale Schenk, vice-président de la société Elan, devant le congrès mondial sur Alzheimer. Il reconnaissait toutefois qu'il ne savait pas si la disparition des plaques séniles permettrait aux patients de retrouver leurs capacités mentales. La seconde voie de recherche s'appuie sur le décryptage des gènes pour trouver les cibles de nouveaux médicaments. La maladie d'Alzheimer n'est pas une maladie monogénique comme la mucoviscidose, elle comporte de multiples facteurs génétiques. On a déjà repéré un certain nombre de mutations qui se retrouvent dans les formes précoces de la maladie (gènes de la protéine APP et de la présélinine) ou, au contraire, dans la forme tardive (gène de l'apoliprotéine E). Une variante de ce gène (l'allèle 4), que l'on trouve chez 15 à 20 % de la population, semble indiquer une prédisposition à développer l'Alzheimer. L'analyse du génome humain devrait permettre d'autres découvertes. En attendant, les spécialistes s'intéressent aussi à une autre approche, celle des traitements préventifs, susceptibles de retarder de quelques années le déclenchement de la maladie. Si l'on parvenait à retarder de cinq ans le début des symptômes, on réduirait de moitié le nombre de personnes atteintes, estiment les cliniciens américains. Les études épidémiologiques ont mis en évidence un certain nombre de facteurs qui ralentissent ou accélèrent la maladie. Les traitements aux oestrogènes semblent diminuer les risques chez les femmes ménopausées. Les anti-inflammatoires, les antioxydants (vitamine E) et certains stimulants (ginkgo biloba) auraient aussi un effet protecteur, de même que le vin de Bordeaux. L'hypertension et l'artériosclérose, en revanche, augmentent les risques : ce qui est une incitation à traiter précocement ces maladies.

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