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Le milliardième de mètre, nouvelle terre promise de la recherche

«10- 9 m» : depuis mardi, l'inscription s'étale en grosses lettres rouges sur les affiches, les panneaux, les dossiers de presse et jusque sur le fronton de la «Stazione marittima» du port de Trieste, où se tient jusqu'à aujourd'hui la conférence européenne sur les nanotechnologies, EuroNanoForum 2003. Cette expression mathématique, qui signifie «un milliardième de mètre», ne peut pas mieux symboliser ce monde de l'infiniment petit que les scientifiques ont entrepris d'explorer depuis une vingtaine d'années. Grâce aux progrès de la microscopie électronique, notamment avec l'invention du «microscope à effet tunnel» en 1981, les physiciens disposent maintenant de toute une gamme d'outils qui leur permettent, non seulement de voir la matière à l'échelle atomique, mais surtout de la manipuler et de créer de toutes pièces ce qu'il est convenu d'appeler des nano-objets (du grec nano, qui signifie un milliardième). Les plus célèbres d'entre eux sont incontestablement les fullerènes, ces assemblages d'atomes de carbone en forme de ballon de football qui valurent à leurs inventeurs, Robert Curl, Harold Kroto et Richard Smalley, de recevoir le prix Nobel de chimie en 1996. Certaines applications (films ultra-minces, capteurs de quelques dizaines de nanomètres) ont déjà vu le jour, notamment en électronique et en informatique. Mais le plus spectaculaire reste à venir, tant dans le domaine industriel que médical avec la perspective de fabriquer en série des moteurs ou des «nanorobots» de la taille d'une molécule, de mettre au point des médicaments «ciblés», adaptés au génome de chaque patient, ou encore de reconstituer des tissus vivants (peau, os, cartilage, muscle...) à partir de cellules-souches cultivées in vitro ou in vivo sur un support biodégradable. Une étude récente de la National Science Foundation (NSF) américaine témoigne de ce soudain engouement. En l'espace de six ans, les dépenses mondiales de recherche et développement dans le domaine des nanotechnologies a été multiplié par sept, passant de 360 millions d'euros en 1997 à 2 500 millions cette année. Une trentaine de pays sont impliqués avec, en tête, le Japon (720 M Û en 2003), les États-Unis (697 M Û) et l'Europe (585 M Û en incluant la Suisse). C'est que le nanomonde pourrait bientôt être synonyme de «macroprofits». Les retombées économiques attendues à l'échelle mondiale sont en effet estimées par la NSF à 1 000 milliards d'euros dans les dix à quinze ans qui viennent avec, à la clef, la création de deux millions d'emplois, très qualifiés pour la plupart. Le président américain George W. Bush, dont le conseiller pour les «nan-otech», Mihail Roco, était présent à Trieste, a annoncé la semaine dernière que les États-Unis injecteront 3,7 milliards de dollars dans la recherche sur les nanotechnologies au cours des quatre années à venir. Soit près de trois fois plus que l'effort consenti, sur la même période, par l'Union européenne (1,3 milliard d'euros) dans le cadre de son 6e program-me cadre recherche et développement. Certes, il convient d'ajouter les sommes allouées par les différents États membres mais Ezio Andretta, responsable des nanotechnologies à la Direction générale recherche de la Commission, ne cache pas que «si l'Europe reste parmi les leaders mondiaux, elle risque d'être progressivement mise à l'écart». Si la région de Trieste, qui concentre, autour de son synchrotron Eletra, un tissu dense de laboratoires universitaires et de PME impliquées dans la recherche sur les nanotechnologies, constitue aux yeux de M. Andreta «un très bon exemple de ce qu'il faut faire», il n'en demeure pas moins que les infrastructures européennes sont dans l'ensemble «insuffisantes en quantité et en qualité» pour affronter durablement la concurrence. «L'Europe doit recruter 700 000 chercheurs supplémentaires d'ici à 2010 et prendre plus de risques en matière d'investissement en R&D», a-t-il poursuivi.

Figaro : http://www.lefigaro.fr/sciences/20031212.FIG0296.html

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