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Un microstimulateur contre certaines céphalées

Les algies vasculaires de la face (ou " cluster headache ") se caractérisent par des crises douloureuses très intenses centrées sur un oeil et accompagnées de signes végétatifs du côté atteint. Parmi les personnes qui y sont sujettes, avant tout des hommes, 10 % présentent la forme chronique de la maladie où il n'y a plus de répit et les crises sont quotidiennes. Parmi eux une majorité devient en plus résistante au traitement médicamenteux. Bonne nouvelle : des chercheurs ont réussi à réduire la fréquence des crises à l'aide d'un microstimulateur implanté.

Si de simples maux de tête nous rendent parfois la vie impossible, ils restent peu douloureux par rapport aux algies vasculaires de la face... Douleurs chroniques unilatérales, celles-ci sont intenses parfois jusqu'à l'intolérable. Les crises peuvent survenir plusieurs fois sur 24 heures, sont souvent nocturnes et durent entre 30 minutes et 3 heures. Outre la douleur, elles s'accompagnent du même côté de congestion nasale, de rougeur de l'oeil, de larmoiement et de gonflement des paupières. " Cette pathologie touche une personne sur 1000, une incidence comparable à celle de la sclérose en plaque, explique Jean Schoenen, directeur de l'Unité de Recherches sur les Céphalées de l'Université de Liège au Service Universitaire de Neurologie de l'Hôpital de la Citadelle et au GIGA-Neurosciences du CHU-Sart Tilman. Dans la grande majorité des cas, le traitement le plus efficace de la crise est l'injection sous-cutanée de sumatriptan par auto-injecteur et/ou l'inhalation d'oxygène pur par masque. Cependant certains patients ne peuvent recevoir le sumatriptan à cause d'un risque cardiovasculaire trop élevé. De plus, 10% des patients développent la forme chronique de la maladie et deviennent résistants aux médicaments. Ces patients ont leur vie ruinée par la maladie et deviennent suicidaires. " C'est dire si mettre au point un traitement efficace là où les traitements classiques faillissent est une priorité !

  • Un microstimulateur à activer soi-même

La cause exacte de ce type de céphalée est encore mal connue mais cela fait plusieurs années que les chercheurs savent que le ganglion sphéno-palatin joue un rôle important dans la survenue et l'entretien des crises. Ce ganglion qui est logé dans la fosse du même nom derrière la mâchoire supérieure et innerve du même côté les glandes de la moitié du visage, est en communication avec les fibres nerveuses du nerf trijumeau qui conduisent la douleur. "Les crises s'accompagnent d'une activation du ganglion sphéno-palatin, ce qui explique des larmoiements, des rougeurs de l'oeil, du gonflement des paupières et de la congestion nasale. Greenfield Sluder, un ORL américain, a été le premier à pointer en 1903 le rôle du ganglion sphéno-palatin. Depuis lors, on sait qu'on peut interrompre une crise en touchant le fond de la narine avec un coton d'ouate imbibé de liquide de Bonain, ce qui paralyse le ganglion tout proche. En se basant sur ces informations, le Docteur Jean-Claude Devoghel de l'Université de Liège a mis au point dans les années 1980 un traitement par injection d'alcool dans le ganglion sphéno-palatin via la tempe", explique Jean Schoenen. Comme cette technique donnait de bons résultats, mais des résultats transitoires, on a cherché des moyens pour modifier de façon plus durable le fonctionnement du ganglion.

En 2010, le docteur Ansirinia et ses collègues de Las Vegas ont prouvé le concept en stimulant le ganglion avec une électrode implantée temporairement par la voie utilisée par JC Devoghel chez quelques patients hospitalisés : la stimulation à haute fréquence du ganglion sphéno-palatin a interrompu les crises dans 78 % des cas. "A partir de ces résultats, une entreprise californienne, Autonomic Technologies Inc, a décidé de développer un microstimulateur à implanter près du ganglion sphéno-palatin via la gencive de la mâchoire supérieure." Elle prend la forme d'un petit implant en polymère dépourvu de pile, et adaptable à l'anatomie de la fosse sphéno-palatine. Le patient peut activer la microélectrode à la demande en plaçant un petit générateur de champ électro-magnétique sur la joue.

Quant à la technique d'implantation, elle a été mise au point à Liège et est sans cesse améliorée par les Dr Alain Wilmont et Sandrine Machiels, des Service de Chirurgie maxillo-faciale et d'ORL du CHR de la Citadelle. Les premiers essais ont été réalisés sur cadavres grâce à l'infrastructure offerte par les nouvelles salles de dissection et de travaux pratiques du Service d'Anatomie au CHU du Sart Tilman. " Il s'agit de placer l'implant dans la fosse sphéno-palatine derrière la mâchoire supérieure à un endroit bien précis près du ganglion, sans toucher la deuxième branche du nerf trijumeau. " Une fois en place et la cicatrisation faite, le microstimulateur implanté est activé manuellement par les patients : "Quand une crise commence, le patient place une petite manette sur sa joue qui génère un champ électromagnétique. Ce champ active le microprocesseur qui va à son tour produire une stimulation électrique à haute fréquence du ganglion sphéno-palatin pendant 15 minutes. Cette stimulation bloque le trafic nerveux au niveau du ganglion." Cette nouvelle technique est étudiée simultanément en Allemagne, en Italie, en Espagne, en France, au Danemark et en Belgique dans une étude multicentrique coordonnée par l'Université de Liège, qui inclut en double aveugle une phase où certaines stimulations sont fictives (stimulations " placebo "). Elle a déjà fourni des résultats préliminaires très enthousiasmants !

  • Des crises moins fréquentes

Jusqu'à présent, 22 patients ont été implantés et les médecins ont pu analyser les résultats préliminaires obtenus chez 7 de ces 22 patients, les autres n'étant pas enrôlés dans l'étude depuis assez longtemps. " Nous avons constaté que 70 % des crises étaient arrêtées dans les 15 premières minutes suivant la mise en route du microstimulateur, explique Jean Schoenen. Ce qui est déjà très encourageant mais il ne s'agit pas là du seul résultat ! Nous avons également remarqué chez certains patients que plus ils stimulent leur ganglion sphéno-palatin, plus la fréquence des crises diminue. " Ainsi, chez 6 patients testés, la fréquence des crises a diminué de 80 % et les crises qui ont persisté étaient moins intenses. Ajoutez à cela que l'implant ne s'accompagne que de légers effets secondaires transitoires et vous comprenez l'enthousiasme des chercheurs... et des patients ! " Il n'y a pas d'effet secondaire grave avec cette technique. Pour l'instant, nous avons uniquement observé un gonflement de la joue dans les jours qui suivent l'implantation et quelques douleurs transitoires dans la mâchoire. Lorsque l'électrode est mal placée, elle peut exceptionnellement entraîner des douleurs au niveau de la face, dues à la stimulation de la 2ème branche du trijumeau (le nerf maxillaire). Cependant, plus l'étude avance, plus la technique d'implantation devient précise et le risque d'un mauvais placement de l'électrode de stimulation se réduit. "

L'étude n'en est encore qu'à ses débuts, le recrutement des patients se termine à l'automne 2011 et la seconde salve de résultats devrait être connue en février 2012.

En outre, comme le ganglion shéno-palatin pourrait aussi jouer un rôle dans les migraines, les chercheurs ont mis au point un protocole d'étude dans cette maladie qui touche 1 femme sur 5 et qui peut aussi devenir résistante aux médicaments. " Les résultats dans le cluster headache doivent être confirmés sur le long terme, mais ils sont suffisamment encourageants pour tester la microstimulation du ganglion sphéno-palatin dans la migraine sévère, d'autant que 30-50 % des migraineux ont aussi une oeil rouge et larmoyant, ou le nez bouché ou coulant pendant les crises.

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