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Edito : Médecine et santé : les robots arrivent en force !

Depuis quelques années, sans que nous en ayons toujours conscience, une véritable révolution médicale a commencé avec l'arrivée de deux catégories de robots. D'une part les mini et micro-robots chirurgicaux et, d'autre part, les robots d'aide et d'assistance aux personnes âgées, tant en institution qu'à domicile. En médecine, les puces électroniques et les microrobots commencent à être utilisés pour établir des diagnostics médicaux, comme la pillcam, une capsule endoscopique ingérable, qui contient une mini-webcam et permet la détection fine de tumeurs dans l'intestin.

Ces robots peuvent renvoyer aux chirurgiens des images captées par une caméra et sont équipés d'outils chirurgicaux que l'on peut contrôler à distance et qui sont capables de stopper une hémorragie. « Nous croyons que cette percée technologique pourra à terme remplacer la chirurgie traditionnelle », a affirmé le docteur Dmitry Oleynikov, lors d'une conférence de presse. Oleynikov est un spécialiste de chirurgie non invasive de l'Université du Nebraska. Celui-ci souligne que ces robots-chirurgiens permettent des interventions plus précises, plus rapides et moins traumatisantes pour les patients que les actuelles techniques chirurgicales. Dmitry Oleynikov a mis au point un mini robot chirurgical de seulement 15 mm de diamètre, capable d'évoluer dans l'estomac ou l'intestin, de filmer l'intérieur de ces organes et de pratiquer une biopsie in situ.

Au Canada, des chercheurs du Laboratoire de NanoRobotique du Département de génie informatique et de l'Institut de génie biomédical de l'École Polytechnique de Montréal viennent, en avril 2007, de réaliser une première mondiale dans le domaine de la robotique médicale en parvenant, pour la première fois, à guider « in-vivo », par ordinateur, un micro-dispositif se déplaçant à une vitesse de 10 cm/s au sein d'une artère. Les chercheurs sont parvenus à remplacer le cathéter par une sphère de 1,5 mm de diamètre composée de matériaux ferromagnétiques qui pourraient grandement diminuer ces inconvénients.

L'équipe de Sylvain Martel est parvenue à injecter, déplacer et diriger ce dispositif sans fil grâce à un programme informatique innovant. Il a permis de convertir un système clinique d'imagerie par résonance magnétique (IRM) conventionnel en un véritable outil de propulsion doublé d'une tour de contrôle. Le champ magnétique créé par les trois aimants de l'IRM a propulsé l'appareil expérimental à plus de 11 cm par seconde dans l'artère carotide d'un cochon. Dans le même temps, sa trajectoire était contrôlée toutes les 20 millisecondes. Mesurant à la fois l'épaisseur des tissus environnants et la position du dispositif, la précision du guidage atteignait 0,5 mm.

La prochaine étape pour les roboticiens sera de réduire la taille des dispositifs afin de pouvoir les faire circuler dans les plus petits vaisseaux sanguins jusqu'à maintenant inaccessibles aux instruments médicaux tels que le cathéter. Dans le futur, les canadiens souhaitent fabriquer des micro-appareils indiqués dans la chirurgie cardiaque et cérébrale mais également des nano-appareils, plus petits, adaptés au transport ciblé de médicaments et au diagnostic grâce à des biocapteurs.

Dans cette compétition technologique, la France n'est pas en reste et une équipe française a réalisé avec succès le 2 avril 2007 une première mondiale en effectuant la première intervention chirurgicale sans cicatrice au monde qui a consisté à ôter la vésicule biliaire d'une patiente âgée de 30 ans sans faire d'incision de la peau et en passant par un orifice naturel. Les chirurgiens ont opéré en contrôlant leurs gestes à l'aide d'images transmises sur ordinateur. (Voir l'article complet plus bas dans notre rubrique "Sciences du vivant").

Ces recherches qui visent à généraliser l'utilisation des robots en médecine et en chirurgie ont notamment conduit à la naissance d'une nouvelle et prometteuse discipline : La biorobotique, qui a fait l'objet d'une conférence internationale en 2006. A l'occasion de ce congrès, le Professeur Paolo DARIO, qui dirige à Pise les laboratoires ARTS (Advanced Robotics Technology and Systems) et MiTech (Microfabrication Technologies), et coordonne le Centre de Recherche en Microingénierie, a fait une intervention remarquée en affirmant que, d'ici quelques années, les microrobots autonomes, disposant d'une intelligence embarquée et capables de se déplacer seuls dans le corps humain et pratiquer des actes chirurgicaux après avoir évalué la nature des lésions, seront devenus une réalité.

L'équipe du Professeur Dario travaille actuellement sur un petit robot cylindrique qui peut évoluer dans l'oesophage en utilisant ses pattes rétractables et adapte de manière autonome son comportement en fonction de la situation dans laquelle il se trouve. "Nous sommes en train de franchir une étape décisive dans la fabrication de robots complexes, autonomes et de très petites dimensions." a-t-il souligné. Selon lui, la chirurgie robotique bénéficiera des avancées en biorobotique car la biorobotique permet la réalisation de nouvelles procédures qu'il serait impossible d'exécuter manuellement.

Cinq ans après la première opération de téléchirurgie intercontinentale, réalisée par le Professeur Marescaux en septembre 2001 entre la France et les Etats-Unis, l'avènement des micro-robots chirurgicaux constitue une nouvelle étape décisive vers la généralisation d'une téléchirurgie robotisée, s'appuyant sur la simulation en 3D et la réalité virtuelle.

Dans le domaine des technologies médicales intelligentes, il faut enfin évoquer le projet européen de dent intelligente qui délivre des médicaments. Ce projet, baptisé Intellidrug ressemble à un roman de science-fiction: il s'agit de mettre au point une dent qui délivre, à l'heure indiquée et à la fréquence prescrite, les médicaments que doit prendre le patient. Le but est de faciliter les traitements de maladies chroniques, nécessitant des prises régulières de produits, parfois de plusieurs sortes, mais que les patients auraient de la difficultés à assumer pour des raisons de handicaps moteur ou mentaux. Comme chez des malades d'Alzheimer par exemple, ou des patients atteints de troubles de la mémoire. Le système éviterait aussi, de manière plus générale, que ces mêmes patients soient obligés de se faire assister par un infirmier à domicile.

L'idée est de placer dans la cavité buccale du patient un micro-réservoir, qui s'ouvrirait à des moments programmés par le corps médical. Il serait placé dans une fausse dent se trouvant dans une couronne, ou attaché à une vraie dent. A des moments bien déterminés, le système déverserait au fond de la bouche les médicaments qui étaient habituellement pris oralement ou en injection. Les produits se mélangeraient alors directement à la salive et entreraient dans le sang. Les premiers tests ont été réalisés sur des cochons, il y a quelques mois, et se seraient avérés concluants. Des expérimentations en clinique sont maintenant prévues mais le système ne fera pas son apparition sur le marché avant trois ans.

Mais demain les robots ne se contenteront pas d'intervenir directement dans le corps humain pour soigner et guérir. Ils deviendront aussi d'indispensables et précieux auxiliaires de vie et de santé qui veilleront avec efficacité sur les personnes âgées. En Grande-Bretagne, Le projet IWARD consiste en la création d'une chaîne de robots-infirmiers équipés de caméras, de capteurs performants et d'une certaine intelligence artificielle capable de guider patients comme visiteurs dans un hôpital, que ce soit pour trouver une chambre ou obtenir un renseignement important. Mis en chantier par les universités européennes de Dublin, Newcastle, Cardiff et Warwick, le projet a pour but d'alléger la charge de travail des humains travaillant dans le milieu hospitalier afin que le personnel médical passe plus de temps avec les patients, mais aussi dans le but de diminuer les infections qui se propagent dans ces lieux.

Chaque robot-infirmier pourrait également distribuer des comprimés et évaluer la température du corps d'un patient avec un thermomètre laser intégré. Encore plus impressionnant, les machines autonomes pourront communiquer entre elles afin de mieux planifier leurs tâches ; elles utiliseront la reconnaissance faciale et vocale. Les premiers robots-infirmiers devraient entrer en service en 2010. Thomas Schlegel, qui est à la tête de l'équipe de recherche, souligne que « le principe n'est pas que d'avoir des robots mobiles, mais bien de développer un système de bornes mouvantes offrant à la fois l'information et l'assistance aux gens, de façon à ce que l'hôpital devienne un lieu interactif et intelligent. »

En 2015, le Japon prévoit pour sa part d'équiper un quart de ses foyers d'assistants domestiques du fait de la diminution du potentiel d'aides-soignants, d'où l'engouement naissant des grandes entreprises d'informatique et de télécommunications pour ces nouveaux objets communicants mobiles allant de l'accompagnement psychologique à la télésurveillance médicale. Il est vrai que le Japon compte déjà 19 % de personnes de plus de 65 ans.

L'équipe de recherche japonaise Riken a développé un robot humanoïde appelé le RI-MAN pour prendre soin des personnes âgées. D'une hauteur de 1,52 mètre, le RI-MAN peut voir, entendre, sentir et porter les êtres humains. « De plus en plus d'intelligence sera déportée sur le robot pour permettre la télésurveillance 24H/24, 7 Jours/7 et l'assistance médico-technique à domicile » précisent les concepteurs de ce projet. Toujours au Japon, un concours public, le Robot Award, vient de récompenser deux robots d'assistance aux personnes âgées.

D'autres chercheurs japonais du département robotique de l'Université de Kanagawa ont présenté la seconde version de leur combinaison robotisée destinée au milieu hospitalier. Cette combinaison amplifie la force humaine et doit permettre, à terme, de porter des patients à l'hôpital ou simplement de soulever de lourds objets. Elle est alimentée par des batteries portatives qui permettent à de petites pompes et des capteurs d'aider une personne à amplifier sa propre force. Hiroe Tsukui, qui a essayé cette combinaison, souligne qu'il ne sent pas du tout le poids de l'équipement grâce à l'assistance mécanique. Les capteurs sont capables de déterminer la force complémentaire à apporter afin de soulever un objet déterminé. Pour l'instant, la combinaison permet de soulever 30 Kg, en plus de son propre poids et ses batteries lui permettent de rester opérationnelle pendant 30 minutes. "Nous pensons qu'une demi-heure d'autonomie est une durée suffisante, dans la majorité des cas, pour transporter un malade d'un endroit à un autre, au sein de l'hôpital", précise le Professeur Hirokazu Noborisaka, qui dirige ces recherches. Celui-ci poursuit "La prochaine étape va consister à équiper des personnes paralysées ou ayant des difficultés de déplacement liées à l'âge, afin de les rendre plus autonomes."

Ce rapide panorama des récentes avancées en matière de robotique médicale nous montre à quel point la technologie évolue rapidement et nous confirme qu'avant 10 ans les robots seront partout présents dans la chaîne de soins et de santé. Ils seront dans les blocs chirurgicaux mais interviendront également directement dans le corps des patients pour les opérer avec précision et sans douleur. Ils seront également dans les hôpitaux et au domicile des malades pour les assister et les aider dans leurs soins et leur vie quotidienne. Dans ces technologies stratégiques de robotique médicale les Japonais ont pris une bonne longueur d'avance. Il est donc capital pour notre avenir que notre pays intensifie sensiblement son effort de recherche dans ce domaine transdisciplinaire de la robotique médicale qui sera demain un élément majeur d'efficacité et de qualité pour notre médecine et de notre système de santé.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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