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Edito : Maladies cardio-vasculaires : mieux vaut prévenir que guérir

Les nombreuses études épidémiologiques réalisées au cours de ces dernières années ont mis en lumière le rôle capital des modes de vie et de l'alimentation dans la prévention des maladies cardio-vasculaires et du cancer, les deux grands fléaux de nos pays développés. S'agissant des maladies cardio-vasculaires, une récente étude de la British Heat Foundation (voir lettre 85 rubrique médecine : http://www.tregouet.org/lettre/index.html) montre que la France fait partie, avec l'Espagne et le Portugal, des pays de l'Union européenne où le taux de mortalité dû aux maladies cardio-vasculaires est le plus bas. Ce rapport souligne également que la France est le pays européen où le nombre de décès liés à ce type de pathologie a le plus régressé depuis le milieu des années 1980. La British Heat Foundation souligne que ces résultats peuvent largement s'expliquer par l'hygiène de vie et l'alimentation, sensiblement meilleures en France et dans les pays du sud de l'Europe qu'en Grande Bretagne et en Irlande où la mortalité par infarctus est trois fois plus élevée que dans notre pays ! S'agissant du cancer, une étude toute récente sur la répartition géographique de trois types de cancer en France, les cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS), les cancers de l'intestin et les cancers de l'estomac, révèle d'importantes disparités entre le nord et le sud de la France et met en lumière le rôle très important des modes de vie dans la prévention de ces cancers. La revue Etudes et Résultats de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques) présente, dans son numéro de mars 2000, la répartition régionale des ces cancers dans l'hexagone. Dans l'ensemble, les habitants du sud de la France sont moins touchés par ces affections. Les cancers de l'appareil digestif sont étroitement liés aux habitudes alimentaires, à la consommation d'alcool et de tabac et donc à des comportements socioculturels spécifiques à certaines régions. Les auteurs ont étudié la répartition géographique de trois types de cancers : les cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS), les cancers de l'intestin et les cancers de l'estomac. Les tumeurs des VADS (bouche, pharynx, larynx et oesophage) ont été responsables de 13000 décès par an entre 1988 et 1992. Ces cancers sont la 5e cause de décès après les infarctus, les maladies vasculaires cérébrales, les cancers du poumon et de l'intestin. Les auteurs précisent que la France présente un des plus mauvais scores dans ce domaine parmi les pays développés. Ces affections touchent 10 fois plus d'hommes que de femmes. La population concernée est relativement jeune puisque plus de la moitié des décès intervient entre 34 et 64 ans. L'alcoolisme et le tabagisme sont les deux facteurs de risque essentiels et leur association multiplie les risques de cancers. Une alimentation riche en graisses saturée augmente également les risques de cancer des VADS. La mortalité liée à ces cancers est particulièrement importante dans "le croissant nord de la France" (de la Bretagne à l'Alsace) et concerne les hommes en majorité. Les zones méridionales sont en situation de sous mortalité et particulièrement les régions Midi-Pyrénées et Tarn-et-Garonne. Les cancers de l'intestin sont plus fréquents que les cancers des VADS et les hommes y sont légèrement plus exposés. Ils ont causé 16000 décès par an entre 1988 et 1992. La consommation d'alcool, de graisse et de viande sont des facteurs de risque déterminants. La population masculine est particulièrement touchée en Alsace et en Bourgogne ; le taux de mortalité reste très élevé dans le nord-est de la France. Une fois encore, le sud de la France paraît relativement épargné. Les cancers de l'estomac ont provoqué, entre 1988 et 1992, environ 6700 décès. "Ce type de cancer est lié à la consommation d'aliments conservés par salaisons et fumaisons et à une alimentation pauvre en fruits et légumes", précisent les auteurs. Les régions du sud (notamment le Languedoc-Roussillon, les Midi-Pyrénées et l'estuaire de la Gironde) ont de faibles taux de mortalité. Parallèlement, plusieurs travaux récents montrent l'action préventive très sensible jouée par certains aliments. C'est notamment le cas du thé vert. Des études épidémiologiques du Ministère de la Santé au Japon ont montré que le taux de mortalité par cancer, et notamment par cancer de l'estomac ou du côlon, était significativement plus faible dans les régions productrices de thé vert comme celle de Shizuoka, au sud-est de Tokyo. Des études menées chez l'animal montrent que le thé vert permet une protection contre certaines tumeurs de la peau et du poumon. L'utilisation de l'huile d'olive, déjà recommandée pour le coeur, pourrait également empêcher le développement de certains cancers de l'intestin selon une étude réalisée par des chercheurs espagnols de Barcelone. Ces chercheurs pensent que certains constituants de l'huile d'olive, tels que les flavonoïdes et les polyphénols (également présents dans le vin rouge), jouent un rôle protecteur actif contre le cancer. Les flavonoïdes et les polyphénols sont des antioxydants qui aident à empêcher des dommages que subissent les cellules sous l'effet des radicaux libres. On peut enfin citer le lycopène, qui donne sa belle couleur rouge à la tomate, et semble également avoir un effet protecteur contre l'apparition de certains cancers. Après avoir, pendant plusieurs décennies, misé essentiellement sur les progrès de la médecine pour combattre, il est vrai de plus en plus efficacement, ces deux fléaux, on constate aujourd'hui que cette approche purement médicale et technique a ses limites et doit être complétée par une transformation profonde de nos habitudes et de nos modes de vie. Bien que cela reste une hypothèse d'école, on pense aujourd'hui qu'en adoptant simplement une alimentation plus équilibrée, il serait possible à terme de prévenir l'apparition d'un grand nombre de cancers, sans doute plus du tiers, ce qui fait réfléchir quand on connaît le terrible coût humain mais aussi économique de cette maladie. Ces nouvelles connaissances sur le rôle déterminant des modes de vie dans la prévention de ces 2 fléaux de civilisation que sont les maladies cardio-vasculaires et le cancer ne peuvent qu'éclairer d'une lumière encore plus crue l'insuffisance dramatique des moyens que notre pays consacre à la prévention en matière de santé. Notre collectivité a le devoir de mettre enfin en oeuvre une véritable politique de prévention dans notre pays, en considérant celle-ci comme un investissement indispensable et rentable pour l'avenir et non comme une dépense improductive et inutile. N'oublions jamais que le prix à payer pour rester en bonne santé sera toujours moins élevé que le coût humain, économique et social de notre imprévoyance.

René TREGOUET

Sénateur du Rhône

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