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Edito : Maladie d'Alzheimer : le défi de la prévention peut être relevé

Le nombre de malades d'Alzheimer et des démences apparentées devrait presque doubler d'ici 2030 dans le monde, passant de 36 millions aujourd'hui à 66 millions, selon des estimations de l'association Alzheimer's Disease International. À l'heure actuelle, il n'existe toujours pas un moyen unique et fiable de détecter la maladie d'Alzheimer avant qu'elle ne soit parvenue à un stade avancé et ait provoqué des dommages irréversibles. La tomographie par émission de positons (TEP) ou Pet-scan et l'imagerie par résonance magnétique (IRM) peuvent diagnostiquer des changements au niveau du cerveau, mais ces procédures sont lourdes et coûteuses et ne sont donc pas envisageables pour du dépistage de masse.

Mais la recherche avance et à l'occasion du passionnant congrès international de l'Association Alzheimer qui s'est tenu à Paris du 16 au 21 juillet, la société IHD a présenté les premiers résultats cliniques d'un de ses tests de diagnostic sanguin de la maladie d'Alzheimer. La société strasbourgeoise, qui fêtera ses trois ans cet automne, développe deux tests de diagnostic. Le plus avancé, IHD-Amy, permet, en couplant une sonde peptidique fluorescente à un peptide bêta-amyloïde, d'évaluer la capacité d'interaction de ces complexes avec les globules rouges prélevés chez le patient.

Les résultats de l'étude présentée à l'AAIC, menée à partir de 108 échantillons sanguins, montrent une sensibilité du test de 83 % et une spécificité de 82 %. Ces résultats cliniques sont très encourageants et laissent entrevoir la possibilité d'un test sanguin simple, fiable et bon marché qui pourrait être utilisé à grande échelle. Le deuxième test développé par l'entreprise repose sur un autre biomarqueur de la maladie d'Alzheimer, le changement de conformation de la protéine kinase C (PKC) dans les globules rouges. Ces deux tests pourraient être autorisés en 2014.

A plus long terme, un simple examen de la rétine pourrait aider à identifier la maladie d'Alzheimer à un stade encore très précoce, avant que la personne atteinte ne manifeste les symptômes de la terrible maladie neurodégénérative, espèrent les auteurs d'une étude présentée au récent congrès international de l'Association Alzheimer. Cette étude réalisée sur 13 patients atteints de la maladie d'Alzheimer, 13 autres malades souffrant de troubles cognitifs légers et 110 personnes en bonne santé montre qu'il existe une différence spécifique de la taille des vaisseaux sanguins du fond de l'œil, entre les patients Alzheimer et les personnes en bonne santé. Cette différence a été confirmée par Pet-scan, qui permet de visualiser le dépôt de la protéine bêta-amyloïde sous forme de plaques.

Mais comme en matière de cancers ou de maladies cardio-vasculaires, la victoire contre cette terrible affection neuro-dégénérative passera par une meilleure connaissance des facteurs de risques et de prédisposition, qu'ils soient génétiques ou environnementaux. S'agissant des facteurs de risque liés au mode de vie, les chercheurs considèrent qu'ils contribuent à la moitié des cas d'Alzheimer dans le monde et un modèle mathématique élaboré par les chercheurs de l'Université de Californie (San Francisco), présenté à l'occasion de la Conférence internationale sur la maladie d'Alzheimer, montre qu'une réduction de 25 % de ces facteurs de risque modifiables pourrait prévenir plus de 3 millions de cas d'Alzheimer dans le monde. Pour une réduction de seulement 10 %, le gain potentiel serait déjà d'un million de cas. Cette étude a été publiée dans la revue Lancet Neurology.

Ces facteurs de risque sont, par ordre décroissant : le faible niveau d'instruction (19 %), le tabagisme (14 %), l'inactivité physique (13 %), la dépression (11 %), l'hypertension (5 %), l'obésité (2 %), le diabète (2 %). Autre facteur de risque qui vient d'être confirmé : les lésions cérébrales traumatiques, notamment à la suite d'accidents de la circulation, qui doubleraient le risque de troubles cognitifs et de démence. Les auteurs de cette étude remarquable ont été très étonnés de l'importance des modes de vie et habitudes dans le déclenchement de la maladie d'Alzheimer. D'autres études à grande échelle vont être menées pour évaluer l'effet d'une modification de ces facteurs de risque sur l'incidence la maladie d'Alzheimer.

Il est intéressant de souligner qu'en marge de cette conférence internationale, deux études distinctes publiées dans deux revues médicales britanniques mettent en cause l'utilisation des neuroleptiques et des antidépresseurs pour traiter les patients atteints de démence. La première montre que deux antidépresseurs parmi les plus prescrits pour des patients atteints de démence n'apportent pas de bénéfice, tout en causant des effets secondaires.

Pour cette étude publiée par Le "Lancet", le Professeur Banerjee a recruté des patients britanniques avec une probable maladie d'Alzheimer et souffrant de dépression. Ils ont été répartis en trois groupes d'une centaine de patients, deux d'entre eux recevant un antidépresseur (sertraline ou mirtazapine) et le 3e un placebo (sans principe actif). L'étude n'a pas révélé de différences dans la réduction de la dépression au bout de trois mois dans les différents groupes. En revanche, les patients ayant reçu un antidépresseur présentaient davantage d'effets indésirables que ceux ayant pris le placebo. Ces études confirment les recommandations de la Haute Autorité de Santé qui, en 2009, soulignait les risques d'une prescription excessive et inadaptée de neuroleptiques pour les malades de l'Alzheimer.

A la lumière de ces récentes avancées médicales et scientifiques, nous voyons donc qu'à côté des nouveaux outils de détection précoce qui se profilent et des nouveaux traitements en cours d'expérimentation, la prévention active contre la maladie d'Alzheimer doit devenir une priorité de santé publique en s'appuyant sur la réduction simultanée et synergique des facteurs de risques à présent clairement identifiés, qui sont responsables à eux seuls de la moitié de ces démences redoutables.

Il est frappant de constater à quel point l’adage vieux de 20 siècles "Un esprit sain dans un corps sain" reste d'actualité et trouve une résonance nouvelle grâce aux avancées les plus récentes de la médecine sur les causes de cette maladie. Dans ce domaine comme dans celui d'autres grands fléaux (cancer, maladies cardio-vasculaires) les progrès de la connaissance nous montrent qu'il ne faut pas tout attendre des avancées de la médecine et qu'il nous appartient de modifier nos modes de vie, de manière à préserver le plus longtemps possible notre "capital santé", tant sur le plan physique que cognitif.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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  • Courtois Pierre

    30/07/2011

    Bonjour , mon épouse est décédée il y a 3 mois à l'age de 88 ans ; 61 ans de mariage !! dont une dizaine d'un ménage à trois avec Madame ALZEIMER!! ON ne sort pas indemme d'une telle épreeuve . A ce jour aucun traitement curatif en vue et les médicaments actuelleent prescriits ( anticholinesterasiques (3) et mémantine sont remis en question !!certes leur efficacité est faible et je les considère plus ( par mon expérience d'Aidant ) comme un placébo destiné à l'entourage de la malade ( ma femme est soignée !)
    ma question : quel intéret( pour le malade , pour ses proches ) de savoir précocement ? de prévoir la maladie puisqu'on ne sait pas ( encore ) la soigner ?
    Modifier nos habitudes de vie ?? Difficile quand on ait qu'il s'agit la plupart du temps de septuagénaires et plus souvent d' octogéraires ......
    Mesdames , Messsieurs les chercheurs , devenez vite " trouveurs"......
    meileures salutations
    pier.courtois@sfr.fr

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