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Logiciel libre : la subversion gagne

Universalisée par Internet, rendue palpable par le succès croissant de Linux et le triomphe d'Apache sur le Web, l'idée du logiciel libre commence à être prise au sérieux. Netscape et surtout IBM lui ont apporté leur caution. De plus en plus, elle apparaît comme l'antidote à la toute puissance de Microsoft. Il y a encore six mois en France, un an peut-être aux Etats-Unis, le mot "Linux" sonnait comme une incongruité dans toute réunion professionnelle. Quand il n'était pas purement et simplement assimilé à un objet d'adoration pour secte orphique, le logiciel libre (voir encadré) -relevait, pour la plupart des observateurs, du domaine ludique ou de l'univers trouble des hackers. En apparence, rien d'important pour les acteurs économiques ne pouvait se jouer là. Une double déflagration vient de renverser ces certitudes. Au mois de janvier, Netscape Communications annonçait qu'il faisait cadeau, à qui voulait bien le télécharger, du code source de son logiciel de navigation Communicator 5.0. L'éditeur encourage les développeurs à intervenir, comme ils l'entendent, sur le code. Évolutions, adaptations, portages et, bien entendu, détection et correction de bogues sont acceptés. Un site Web se crée pour rallier les membres de cette compagnie éditrice de logiciel d'un nouveau genre, virtuellement forte de plusieurs dizaines de milliers de développeurs. Or, le développement de Linux -version libre d'Unix qui occupe aujourd'hui la première place sur plate-forme Intel- a été organisé exactement de cette manière . L'idée de Netscape vient donc tout droit du monde du logiciel libre. Le second coup de tonnerre s'est produit il y a quelques jours seulement. IBM a en effet annoncé qu'il intégrait purement et simplement à son offre un logiciel libre, le serveur Web Apache. Celui-ci devient une pièce de sa nouvelle gamme de serveurs d'applications Websphere, et IBM en assurera le support dans plusieurs environnements, y compris sous OS/390. Ceux qui l'ignoraient encore ont appris à cette occasion que la moitié des serveurs Web en usage sur la planète sont des serveurs Apache, ce qui laisse loin derrière ceux de Microsoft (22 % du marché) et de Netscape (9 %). Au-delà de la consécration d' Apache (lequel n'avait pas besoin d'IBM!), le modèle même du logiciel libre en sort légitimé. L'impact symbolique de cette décision est tel, en effet, qu'on ne peut la regarder comme un simple mouvement tactique de la part de Big Blue. Déjà, il se murmure que la suite bureautique de Lotus pourrait connaître bientôt le sort de Communicator. Cet exemple montre de quelle manière pourrait s'amorcer une réaction en chaîne aboutissant à l'explosion du modèle économique sur lequel repose aujourd'hui l'industrie du logiciel. L'explosion laisserait-elle place au chaos? Rien n'est moins sûr. Si l'on en croit les tenants du logiciel libre, un autre modèle d'activité économique, plus en accord avec les lois du marché, s'imposerait alors. Pour eux, la création de logiciel doit être considérée comme une ressource -à l'instar des fruits de la recherche scientifique-, et non comme un produit de l'industrie (voir interview de Bernard Lang). Dans cette perspective, la création de valeur économique se déplace en aval (vers la distribution, la maintenance, l'intégration, le conseil, en un mot vers le service). S'ils ont raison, l'Europe se retrouverait, par une nouvelle ruse de l'histoire, en moins mauvaise posture face aux Etats-Unis. Ce ne serait pas le moindre des paradoxes de cette révolution.

(Monde Informatique)

http://www.lmi.fr/l http://www.mmedium.com/dossiers/libre/

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