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Un liquide aussi solide que du plastique

Avec les annonces de gel un peu partout dans le pays, les Américains se voient rappeler par la nature qu'à partir d'une certaine température les liquides deviennent solides. Et s'il existait un moyen de solidifier un liquide à des températures ordinaires, par une simple décharge électrique, puis de le reliquéfier instantanément, simplement en coupant le courant ? Des chercheurs viennent d'annoncer qu'ils avaient créé un tel fluide. Celui-ci réagit à un champ électrique en se transformant immédiatement en un matériau aussi résistant qu'un plastique dur, et il retourne tout aussi rapidement - en quelques millièmes de seconde - à l'état liquide lorsqu'on coupe le courant. Ce fluide marque une étape nouvelle dans la course au développement de substances futuristes telles qu'on en trouve souvent dans la science-fiction - comme le matériau métamorphique dont se compose T-1000, l'adversaire de Schwarzenegger dans le film Terminator 2. D'abord aussi fluide que du babeurre

Courrier international : [http://www.courrierinternational.com/">ou lait de beurre, la partie liquide qui reste après le battage de la crème lors de la préparation du beurre], cette substance devient aussi épaisse que du tofu dès qu'on l'expose à des champs électriques d'intensité moyenne, et acquiert la dureté du plastique quand on augmente encore le courant. D'ici quelques années, de telles substances pourraient trouver des applications très diverses, notamment dans des amortisseurs dont la rigidité varie au gré des circonstances. Le nouveau matériau, créé pour l'essentiel par Weijia Wen, une collaboratrice de Ping Sheng, physicien à l'Université des sciences et des techniques de Hong Kong, est le dernier-né d'un domaine pionnier, les nanotechnologies. Le fluide se compose d'une huile de silicone contenant d'innombrables microsphères de baryum et de titane en suspension. Chacune de ces sphères mesure moins d'un millionième de centimètre de diamètre et est enveloppée d'un film d'urée étonnamment fin, d'environ un centième de millionième de centimètre d'épaisseur. Il faudrait aligner près de deux cents de ces sphères pour atteindre le diamètre d'un cheveu humain. Les chercheurs tentent encore de comprendre à quelles règles obéit le comportement de ces sphères. En raison de leur échelle infinitésimale, ces particules échappent à la principale force qui agit sur les objets massifs, à savoir la gravité. En revanche, elles réagissent à de subtiles forces électriques, chimiques et quantiques, qui n'ont pas d'incidence sur des êtres comme les chercheurs, mais qui dominent la dynamique du monde à l'échelle atomique. Lorsque la suspension de Sheng est exposée à un champ électrique, facilement généré par des fils électriques, les sphères, qui flottent librement, reçoivent des charges positives et négatives à des positions équivalant à leurs pôles nord et sud. Ce qui les amène à s'accumuler en colonnes très difficiles à briser. Résultat, le fluide se transforme en solide. Pendant des décennies, on a cherché à mettre au point des fluides "électrorhéologiques" [substances liquides passant à l'état solide sous l'effet d'impulsions électriques], mais l'enthousiasme est retombé lorsqu'on s'est aperçu qu'aucun liquide ne deviendrait assez résistant dans un champ électrique pour avoir des applications intéressantes. On s'est alors intéressé aux matériaux "magnétorhéologiques", qui passent de l'état liquide à l'état solide quand on les expose à un champ magnétique. Ces matériaux peuvent devenir aussi durs que du caoutchouc, ce qui les rend utiles dans de nombreuses applications. On en a installé notamment dans les fondations des gratte-ciel au Japon, où, associés à des capteurs qui détectent les oscillations, ils permettent à de telles structures de résister au vent et aux tremblements de terre. Mais la substance de Sheng, décrite dans l'édition de novembre de la revue Nature Materials , est nettement plus résistante que n'importe quel matériau activé par champ magnétique. Frank E. Filisko, un physicien de l'université du Michigan qui travaille sur de tels fluides, affirme toutefois que le matériau de Sheng reste perfectible. Idéalement, il devrait être encore plus liquide qu'il ne l'est pour l'instant en l'absence d'un champ électrique. Encore va-t-il falloir en démontrer l'utilité dans des dispositifs mesurant plus de quelques millimètres de diamètre. Pourtant, d'ici dix ans, à en croire tant Filisko que Sheng, les matériaux qui changent d'état sous l'influence de signaux électriques vont révolutionner les constructions mécaniques. Ils vont permettre d'ouvrir et de fermer des soupapes, d'embrayer et de débrayer, et d'effectuer toutes sortes d'actions mécaniques aussi rapidement qu'on allume et qu'on éteint une lampe - bien plus vite même que ne peuvent réagir les systèmes mécaniques ou hydrauliques les plus rapides.

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