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Edito : L'Humanité entre fractures et cohésion

Il aura fallu plus de 10 000 ans pour que la population mondiale atteigne 1 milliard d'individus en 1800. Le siècle suivant, le 19ème, aura suffi pour doubler cette population qui atteignait 2 milliards en 1900. Lors des 95 ans qui suivirent, c'est-à-dire en moins d'un siècle, la population de la Terre tripla puisque c'est vers 1995, que nous atteignîmes 6 milliards d'êtres humains vivant sur notre planète. Mais, en valeur absolue, c'est pendant ces 50 prochaines années que le boom devrait être le plus fort, puisque la population humaine devrait croître de quelque 4 milliards supplémentaires pendant cette courte période. Mais, ce qui doit le plus retenir notre attention, ce sont les prévisions qui nous sont communiquées par les experts, et qui nous affirment que la croissance démographique sera la plus forte dans les pays qui ont le moins de moyens. Ainsi, il nous est affirmé que la population des 49 pays les moins avancés de notre planète triplerait dans ces 50 prochaines années, pour passer de 668 millions à 1,86 milliard. Depuis l'an 1000, le produit mondial a été multiplié par 300, et le revenu net par être humain par 13. Mais ceci s'est fait, là aussi, dans l'inégalité. Alors que dans le dernier demi-siècle (depuis 1950) le produit mondial a été multiplié par 9, nous constatons, malheureusement, que pendant cette même période le produit par tête a régressé dans 80 pays. Avons-nous bien conscience dans nos pays développés, que la moitié des êtres humains subsistent avec moins de 2 dollars par jour, et que le nombre absolu de personnes vivant avec moins de 1 dollar est resté le même dans ces dernières années, pour se stabiliser à 1,2 milliard d'individus ? Devant une telle situation, il nous faut nous poser une question fondamentale : notre vieille Terre a-t-elle la possibilité de supporter une telle évolution démographique ? La question la plus préoccupante est celle de l'eau. Au cours des 70 dernières années, le volume d'eau utilisé par l'homme a été multiplié par 6. Au niveau mondial, 54% du volume d'eau disponible sont actuellement utilisés, dont les 2/3 pour l'agriculture. Si l'avenir se projette avec les mêmes paramètres que lors du récent passé, ce sont 70% et même 90% des volumes d'eau disponible qui seraient utilisés en 2025, si la consommation moyenne d'eau s'alignait sur celle des pays développés. En 2000, 508 millions de personnes vivaient dans 31 pays souffrant du stress hydrique. En 2025, ce chiffre pourrait atteindre 3 milliards de personnes vivant dans 48 pays souffrant de manque d'eau. Certains spécialistes nous affirment même que 4,2 milliards de personnes pourraient ne pas disposer d'un minimum de 50 litres par jour. Chiffre plus marquant encore. De nos jours, quelque 1,1 milliard d'humains n'ont pas accès à l'eau potable. Selon l'OMS, cette insalubrité tuerait quelque 12 millions de personnes par an. Notre Groupe de Prospective a déjà traité, lors d'un précédent colloque, du réchauffement planétaire et de ses conséquences. L'augmentation très rapide du nombre d'êtres humains vivant sur notre planète, ne facilitera pas la résolution de ce difficile problème, surtout si la moitié de la population mondiale, actuellement exclue, atteignait enfin un niveau de vie décent. Pour bien marquer les esprits en cette journée de large réflexion sur la fracture de l'humanité, souvenons-nous qu'un enfant qui naît aujourd'hui dans un pays industrialisé, consommera et polluera comme 30 à 50 enfants nés dans un pays en voie de développement. Les chiffres publiés ces jours derniers mettent en évidence combien les grandes pandémies, et plus particulièrement le SIDA, frappent les Pays les plus pauvres. Il est annoncé que quelque 25 millions d'africains vont mourir du SIDA. Avons-nous bien conscience que 90% (je dis bien 9 sur 10) des jeunes du Botswana aujourd'hui âgés de 20 ans mourront du SIDA dans les 15 ans qui viennent ? Près d'un être humain sur deux ne dispose pas encore, à ce jour, ni d'électricité, ni du téléphone. Dans notre monde moderne où se tisse une toile qui est en train de transformer notre planète en un village global, et qui va être le support de l'essentiel des métiers de demain, il nous faut souligner que tout un continent, l'Afrique, dispose de moins d'accès à Internet que la seule ville de New York. Je pourrais encore citer de nombreux exemples chiffrés qui mettraient en évidence la profonde fracture qui sépare les pays riches et les pays pauvres. Bien au-delà de tout discours d'opportunité qui ne prendrait en considération que les dramatiques événements du 11 Septembre 2001, les tragiques affrontement du Moyen-Orient, et la guerre « hors du temps » de l'Afghanistan, nous ressentons bien, en cet instant, si nous voulons que nos enfants vivent en Paix, et dans le Bonheur, qu'il nous faut, sans retard, tout entreprendre pour que ces fractures si profondes soient fortement réduites. Notre Groupe de Prospective s'étant donné comme noble mission d'essayer d'éclairer l'avenir, loin devant, à l'échelle de la génération, pour mieux comprendre ce que pourrait être le Monde de nos enfants, nous demanderons à tous les experts de nous faire des propositions pratiques de mesures qui devraient être mises en oeuvre, dans ces prochaines décennies, pour que ces fractures soient réduites. Des signaux forts et porteurs d'espoir, qui à mon avis n'ont pas été suffisamment remarqués dans le tohu-bohu actuel, ont été délivrés récemment à Doha et à Marrakech. Les intervenants de cette journée nous préciseront les détails de ces accords. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir. Un nouveau monde s'appuyant sur de nouveaux modes d'échanges, sur de nouveaux métiers, sur des nouvelles technologies, est en train de naître, souvent dans la douleur. En raison de l'évolution très rapide de ce monde nouveau, il est important que toute une partie de l'Humanité ne soit pas laissée sur le bord du chemin. Or, cette économie nouvelle qui, à grandes enjambées, s'installe sur l'ensemble de notre planète, laisse de moins en moins de place au muscle pour donner la priorité à la réflexion, au savoir. Pour être dans cette course ouvrant sur l'avenir, il faudra donc avoir la capacité d'ajouter du savoir à un signal. Or, nous avons conscience qu'une grande partie de l'Humanité ne dispose pas encore, en ce jour, des outils qui lui permettraient de disposer du signal, mais plus grave encore, beaucoup d'enfants, dans notre Monde, ne reçoivent aucune formation scolaire ou professionnelle. Les distances entre les plus nantis et les plus pauvres se sont encore agrandies, sur notre Terre, dans ces dernières décennies. Cela ne peut plus continuer. Nous savons qu'il en va, à terme, de la Paix sur cette Terre. Sachons sortir de nos égoïsmes, et ouvrir les yeux.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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