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Edito : L’Homme va enfin réaliser l’un de ses plus vieux rêves : se déplacer seul en volant

On se souvient qu’en 1983, dans l’extraordinaire séquence d’ouverture du film de science-fiction « Blade Runner », de Ridley Scott, on pouvait voir, dans un Los Angeles parsemé d’immenses bâtiments futuristes et plongé dans un brouillard permanent, une multitude de véhicules volants sillonner le ciel urbain et relier les différents quartiers de cette mégapole tentaculaire. Le héros du film, un policier, interprété par Harrison Ford, avait lui-même recours, pour se déplacer, à une voiture volante, capable de décoller et d’atterrir à la verticale et fonctionnant en pilotage automatique.

Après un siècle de progrès technologiques continus, l’aviation a vu arriver en nombre, il y a une quinzaine d’années, un nouveau type d’engins volants, les drones, qui se sont rapidement avérés indispensables dans une multitude de secteurs d’activités, de l’agriculture à la défense, en passant par la protection des forêts, et sont à présent en train de conquérir le grand public et de s’imposer dans la nouvelle panoplie des outils de loisirs.

Aujourd’hui, c’est une autre révolution qui se prépare, celle des déplacements aériens personnels et elle pourrait bien être une réalité beaucoup plus vite qu’on ne l’avait imaginé jusqu’alors. A l’occasion d’une conférence sur la vie numérique qui s’est tenue à Munich, il y a quelques jours, le directeur général d’Airbus, Tom Enders, a annoncé qu'un prototype de voiture volante baptisée Vahana et conçu pour une personne était en train d’être finalisé et que les tests débuteraient avant la fin de l’année (Voir WIRED). Commentant cette annonce, Tom Enders a ajouté « j’ai toujours cru que les voitures volantes qu’on voit évoluer depuis longtemps au cinéma pourraient devenir réalité et aujourd’hui, la puissance de calcul et la technologie de navigation sont prêtes ».

Le directeur général d’Airbus a également insisté sur le fait que ces futurs véhicules personnels de transports aériens devraient impérativement pouvoir fonctionner sans aucune pollution et contribueraient de manière décisive à réduire le coût considérable des investissements que la collectivité doit consentir pour développer, sans cesse, et entretenir les réseaux d’infrastructures de transports terrestres. Tom Enders a enfin souligné que cette rupture technologique mais également sociale lui semblait inévitable car elle s’inscrivait dans une tendance plus générale qui était celle d’une individualisation complète des services de transports et de déplacements.

Concrètement, Vahana devrait être dotée de 8 rotors sur deux couples d’ailes. Cette navette volante, que l’on pourra réserver depuis son smartphone, est destinée à être utilisée, soit comme taxi automatisé pour une personne, soit pour le transport de marchandises. Depuis trois ans, Airbus travaille également sur un projet de taxi volant « CityAirbus », qui a été confié à sa filiale Airbus Helicopter. Ce taxi des airs, qui sera à propulsion électrique, devrait dans un premier temps être doté d'un pilote mais à terme, il deviendrait autonome. Ce taxi volant pourrait ainsi prendre en charge plusieurs passagers et les emmener d'un point à l'autre de la ville. Airbus est persuadé que le transport urbain aérien représente un marché très prometteur et ce n’est d’ailleurs pas par hasard que l’avionneur a conclu récemment un partenariat avec Uber pour développer un service de taxi-hélicoptère testé lors du dernier festival du film de Sundance.

Autre projet à suivre de près, Lilium, un mini-jet privé à décollage vertical qui a été présenté en mai dernier par l’Agence Spatiale Européenne et peut atteindre les 400 km/h, pour une autonomie annoncée de 500 km et un poids total en charge de 600 kg. Cet engin hybride combine l’avion personnel et l'hélicoptère. Egalement à propulsion électrique, Lilium pourra décoller et atterrir de manière autonome et emporter deux passagers. L'engin sera rechargeable sur une simple prise de courant. Le premier vol habité devrait avoir lieu cette année et le premier modèle commercialisable est attendu pour 2018. Les concepteurs de Lilium affirment que son prix sera "bien moins élevé qu'un avion actuel de taille similaire".

En Slovaquie, Stefan Klein, un ingénieur et enseignant à l'Académie des Beaux-arts et de design de Bratislava, travaille d’arrache-pied depuis plus de cinq ans sur un autre projet étonnant de voiture volante, l’Aéromobile. Passionné de mécanique et d’aviation et lui-même pilote confirmé, Stefan Klein a imaginé et conçu une véritable voiture volante, qui n’est pas sans rappeler la « batmobile » pour ses formes arrondies. Cette « voiture » prévue pour accueillir deux passagers, peut déployer ses ailes en quelques secondes pour se transformer en avion. Elle utilise du carburant ordinaire et ses ailes sont rétractables lorsqu’elle est garée. Si elle ne vole pas très vite -200 km/h au maximum, elle ne consomme que 15 litres/heure et possède une autonomie de 700 km. Mais en mai 2015, à l’occasion d’un vol d’essai de son prototype, Stefan Klein a été victime d’un grave accident à la suite d’une perte de contrôle de son appareil et a été sauvé de justesse grâce à son parachute, ce qui a sérieusement retardé le calendrier de mise sur le marché de cet étonnant engin. Cet accident montre également que la conquête du ciel par ce nouveau type de véhicule ne sera pas aussi facile que veulent bien le dire les médias. Il reste de nombreux défis technologiques à surmonter pour atteindre le niveau de sécurité et de fiabilité draconien qu’attend le grand public pour utiliser un tel mode de déplacement.

On ne s’en étonnera guère, Larry Page, co-fondateur de Google est également persuadé que des voitures volantes feront demain partie de notre quotidien et bouleverseront nos modes de déplacements et nos villes. Il a fondé sa propre société, baptisée Zee.Aero, qui compte 150 ingénieurs triés sur le volet. La firme a développé dans le plus grand secret un prototype de voiture volante à décollage vertical. Il y a quelques semaines, des journalistes californiens auraient même pu enfin apercevoir le fameux engin en vol d’essai (Voir The Mercury News).

Parmi les autres projets avancés de voiture volante, il faut également évoquer celui sur lequel travaille la firme américaine Terrafugia, basée dans le Massachusetts. Baptisée TF-X, cette voiture volante devrait être présentée officiellement en 2018. Mais sa commercialisation n’est pas prévue avant 2025, le temps de surmonter tous les défis techniques, mais également de régler les nombreux problèmes légaux et réglementaires qui ne permettent pas pour l’instant à ce type d’engin de sillonner le ciel de nos villes.

Selon Terrafugia, son TF-X ressemblera beaucoup à une voiture et pourra transporter quatre personnes et être stationné dans un garage. Volant à 320 km/h, pour une autonomie de 800 km, le pilotage du TF-X sera semi-automatique dans un premier temps et contrôlé par ordinateur. Dans un souci de sécurité maximale, les passagers devront entrer leur destination avant chaque vol et cet engin ne décollera que si la destination est atteignable, en fonction de différentes contraintes techniques et réglementaires (zones de vol autorisées, autonomie prévisionnelle, état technique du véhicule, conditions météo…). Le TF-X est doté d'ailes repliables équipées d’hélices orientables à propulsion électrique, ce qui lui permet un décollage et un atterrissage vertical.

Mais le projet le plus novateur est peut-être Xplorair, porté par un ingénieur de le DGA, Michel Aguilar, et qui devrait être présenté au salon du Bourget de 2019. Xplorair est destiné aux déplacements interurbains et sera un engin autonome qui pourrait à terme parcourir 750 km, à une vitesse moyenne de 200 km/h et à environ 3.000 mètres d’altitude. Mais ce qui distingue radicalement Xplorair de tous ses concurrents, c’est qu’il se présente, pour l’instant, comme le seul engin volant au monde de sa catégorie à pouvoir décoller verticalement sans hélices.

En juin 2014, Michel Aguilar a en effet déposé un brevet de thermoréacteur révolutionnaire. Sans entrer dans les détails techniques, le thermoréacteur mis au point par Michel Aguilar repose sur le concept de moteur linéaire qui combine les avantages du Turboréacteur à ceux du Statoréacteur. Ce thermoréacteur se compose d’une entrée d’air à géométrie variable adaptée aux modes « Décollage » et « Atterrissage », d’un compresseur à palettes et d’un réservoir qui stocke de l’air sous pression. Une partie de cet air comprimé est dirigée, via une valve de commande, en entrée de chambre de combustion du propulseur secondaire qui fonctionne alors comme un turboréacteur et active une Turbine, afin d’entraîner le compresseur à palettes.

Simultanément, une autre partie de l’air sous pression est orientée vers la chambre de combustion du propulseur principal dont les gaz brûlés se détendent directement, selon le mode de propulsion du statoréacteur. Xplorair bénéficie à présent du soutien d’investisseurs français qui vont accompagner ce projet particulièrement novateur pendant trois ans, l’objectif étant de commercialiser un premier appareil dès 2019.

L’ensemble de ces projets et expérimentations en cours montre bien que le concept de navette urbaine volante est bel et bien sorti des films de science-fiction et que la question n’est plus de savoir si de tels engins voleront un jour mais à quelle échéance nous les verrons sillonner le ciel de nos villes ?

Selon l’avis de la plupart des spécialistes qui travaillent dans ce domaine, nous pourrions voir arriver en nombre ces engins volants urbains d’ici une dizaine d’années, à condition toutefois que soient levés trois verrous. Le premier est techno-économique : les voitures et navettes volantes ne pourront se banaliser que si elles font la démonstration de leur extrême fiabilité et qu’elles offrent un niveau de sécurité maximale, car, en cas de défaillances techniques (soit sur le plan mécanique, soit en matière de guidage) ou de collisions en vol, on imagine évidemment les dommages que pourrait produire la chute de ces engins, non seulement pour leurs passagers, mais pour les citadins et les bâtiments sur lesquels s’écraseraient ces véhicules… Il faudra également que ces engins soient parfaitement propres et le plus silencieux possible. Il faudra enfin que leur coût unitaire d'acquisition tombe en dessous de la barre symbolique des 100 000 euros, un objectif qui semble atteignable, selon les spécialistes, d'ici 2030.

Le deuxième obstacle, sans doute aussi important que le premier, concerne la refonte complète de notre cadre législatif et réglementaire concernant les transports. Il ne sera en effet pas facile d’harmoniser et d’articuler le droit régissant les transports terrestres et routiers et celui concernant les transports aériens.

Enfin, le dernier obstacle est d’ordre social et culturel : ce développement des transports urbains aériens à la demande ne risque-t-il pas de creuser un grave fossé social entre ceux qui pourront emprunter ce mode de déplacement et ceux qui devront se contenter des transports traditionnels ? Reste enfin la question de savoir si nous avons vraiment envie que le ciel de nos villes soit parsemé à toute heure du jour et de la nuit d’une multitude de navettes et de voitures volantes, même si ce spectacle aura certainement ses défenseurs…

Je fais cependant le pari que nous verrons, d’ici la fin de la prochaine décennie, voler ces premières voitures et taxis des airs dans nos villes et que l’attrait pour ce nouveau mode de transport sera irrésistible, tant il est vrai que les besoins en déplacements urbains vont continuer à croître et que cette conquête de la troisième dimension permettra aux transports des hommes et des marchandises et au développement urbain d’entrer dans une nouvelle ère.

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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