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Edito : De l'homme reconstruit à l'homme augmenté : attention à ne pas franchir la limite éthique

Il y a quelques semaines, nous vous parlions des extraordinaires avancées de la médecine régénératrice, qui permettra dans quelques années de faire "repousser", tissus et membres. Mais avant de réaliser ces miracles de la biologie de demain, la science est déjà capable de réparer le corps humain, et parfois même d'en augmenter les capacités, grâce à la bionique, qui combine informatique, électronique, biologie et nouveaux matériaux. Dans un futur qui semble de plus en plus proche, l'homme pourra se doter (entre autres) d'une rétine artificielle, un exosquelette, un bras bionique ou un faux utérus.

En mai 2001, l'électricien Jesse Sullivan a été victime d'un accident. Alors qu'il travaillait sur une ligne à très haute tension, il a subi une décharge tellement forte qu'on a dû lui amputer les deux bras jusqu'aux épaules. Des docteurs de la Rehabilitation Institute of Chicago">Rehabilitation Institute of Chicago (RIC) ont alors prélevé les quatre nerfs principaux de son bras et les ont implantés dans son thorax. Au bout de six mois, ces nerfs se sont développés dans le muscle. Ils ont ainsi pu lui greffer deux bras bioniques que Jesse Sullivan peut contrôler grâce à des signaux électriques envoyés par son cerveau. Il commande ainsi ses bras par la pensée

Après l'homme bionique vient la femme. L'américaine Claudia Mitchell, 26 ans, a perdu son bras gauche en 2004, après un accident de moto. Deux ans plus tard, elle est devenue la quatrième personne et la première femme à être équipée d'un bras bionique. La prothèse électronique pèse 5 kg, est équipée de 6 moteurs et coûte 700.000 dollars. Elle est reliée directement au reste des terminaisons nerveuses du bras amputé. Les chercheurs du RIC (qui ont aussi procédé à cette greffe) pensent qu'elle pourrait même retrouver la sensation du toucher grâce à une nouvelle main équipée d'électrodes

L'armée américaine s'est associée à des firmes qui ont investi 50 millions de dollars dans le but de produire des bras et mains artificiels "presque identiques aux membres naturels en termes de contrôle moteur et de dextérité, de sensibilité tactile, de poids et de résistance directement contrôlés par le système nerveux". L'objectif est d'aider les 450 soldats amputés depuis le début de la guerre en Irak. Le programme est très ambitieux, d'après son responsable Geoffrey Ling : "Je veux un bras avec lequel le patient puisse jouer du piano, mais du Brahms !" a-t-il déclaré à US News.

Autre voie de recherche très avancée: l'exosquelette. Après 10 ans de travail, l'entreprise japonaise Cyberdyne a réussi à créer combinaisons robotisées baptisées [HAL-5 ">...] directement contrôlés par le système nerveux". L'objectif est d'aider les 450 soldats amputés depuis le début de la guerre en Irak. Le programme est très ambitieux, d'après son responsable Geoffrey Ling : "Je veux un bras avec lequel le patient puisse jouer du piano, mais du Brahms !" a-t-il déclaré à US News.

Autre voie de recherche très avancée: l'exosquelette. Après 10 ans de travail, l'entreprise japonaise Cyberdyne a réussi à créer combinaisons robotisées baptisées [HAL-5 pour permettre aux personnes âgées ou handicapées de pouvoir se déplacer. L'exosquelette est équipé de capteurs chargés de détecter l'électricité (très faible) que l'homme produit quand il actionne un muscle. Les moteurs amplifient alors le mouvement. HAL-5 devrait être commercialisé avant la fin de l'année 2008. Les premiers modèles devraient coûter de 14.000 à 19.000 dollars. Juste après cet exosquelette, pourrait sortir le Power Pedal de Matsushita Electric (maison mère de Panasonic). Celui-ci, basé sur le même système, permet à son utilisateur de multiplier par sept la force de ses jambes, une possibilité qui intéresse au plus haut point les militaires qui pourraient disposer de commandos capables de se déplacer de plus de 100 km par jour à pied!

Mais les chercheurs ne s'arrêtent pas en si bon chemin et essayent également de redonner la vue aux aveugles. La rétine artificielle est expérimentée depuis 2001, le Dr Alan Show a mis au point et implanté sur six non-voyants une puce électronique (ASR) pour leur permettre de percevoir la lumière et distinguer les formes en stimulant la rétine. D'après Alan Show, ce système" permet de reconnaître un visage ». Récemment, un nouveau pas dans le traitement de la vue a été franchi il y a quelques jours. Les Français José Sahel et Serge Picaud (de l'Institut de la vision) viennent d'être primés par la Fondation Altran.pour avoir inventé un rétine artificielle pouvant redonner la vue à certains aveugles. Le système : une mini-caméra accrochée à des lunettes envoie les images filmées directement au cerveau de l'aveugle grâce à une puce électronique implantée dans son oeil. José Sahel explique que cette prothèse permettra "d'une part, de reconnaître des visages et de lire de gros caractères et, d'autre part, de se déplacer de façon autonome dans un environnement restreint". Le principe est de stimuler les cellules rétiniennes restantes. Seul problème : la rétine artificielle n'aiderait pas les personnes "nées aveugles" car "le cerveau doit être éduqué à traiter les informations visuelles". Les tests sur des rats aveugles ont été concluants. Les premiers prototypes sont prévus pour 2009 et leurs applications pour 2011.

Mais la science et la médecine iront peut-être encore plus loin en franchissant une limite que l'on croyait à jamais fixée et en faisant naître un enfant en dehors du ventre de la mère! Le philosophe et biologiste Henri Atlan, dans son ouvrage "L'utérus artificiel", affirme que d'ici 50 ans, il sera possible d'assurer le développement de l'embryon par ectogénèse, c'est à dire hors de l'organisme maternel.

Ces utérus artificiels seraient emplis d'un liquide amniotique de synthèse et reliés à des machines qui leur fourniraient des hormones et nutriments. Après une fécondation in vitro, on placerait les embryons prélevés dans ces machines qui les développeraient pendant 9 mois. En 2002, à l'université de Cornell (USA), la biologiste Helen Hung Chung Liu a réussi à implanter des embryons humains dans une paroi d'utérus artificiel. L'expérience réussie a été arrêtée au bout de six jours. Elle pourrait être bientôt reproduite pour une durée de 2 semaines.

Mais dans le futur il n'est pas non plus exclu que les femmes puissent faire des enfants toutes seules. En mai 2002, des biologistes japonais de l'Université agricole de Tokyo sont parvenus à créer en laboratoire une souris issue d'un ovule fécondé par un autre ovule, sans aucun apport de sperme. Tous ces travaux sont fait pour aider les mères stériles à avoir des enfants mais pourraient aussi permettre à celles qui ne veulent pas tomber enceintes de procréer aussi.

Reste que ces progrès presque inimaginables il y a 20 ans à peine nous posent des questions morales, éthiques et sociales redoutables. Est-il en effet souhaitable, même si cela devient possible, de faire naître les enfants dans des utérus artificiels ou par fécondation sans spermatozoïde? Si nous pouvons demain décupler par des systèmes bioniques, nos capacités physiques ou intellectuelles (neuroprothèses), qui décidera de accès à ces technologies et comment prévenir les dérives criminelles ou élitistes de technologies aussi puissantes?

Face à de telles interrogations, notre société et notre démocratie doivent de réapproprier la culture et le progrès scientifique, non pour le freiner mais pour lui donner un sens et l'humaniser. Il est paradoxal de constater que, dans notre pays, où de plus en plus de filières scientifiques ont du mal à recruter suffisamment d'étudiants et où la culture scientifique reste marginalisée par rapport à la culture littéraire, nous sommes de plus en plus confrontés à des choix de société capitaux provoqués par les avancées fulgurantes de la science.

Il y a plus de 20 ans, Edgar Morin, penseur visionnaire, écrivait "Science avec conscience" et mettait en garde notre société sur les dangers de cette coupure accrue entre science et société. Aujourd'hui, cet avertissement prend tout son sens et nous devons réconcilier nos concitoyens avec la science et les associer au progrès scientifique, sous peine de provoquer de violentes réactions de rejets et le retour de mouvements obscurantistes et irrationnels très dangereux pour notre démocratie.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Avec nos excuses de n'avoir pu envoyer cette Lettre la semaine dernière suite à un problème technique.

L'Equipe @RT Flash

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