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Edito : L'habitat sobre en énergie : clé de la lutte contre le changement climatique

Un récent rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) nous apprend que l'amélioration des techniques de construction de l'habitat et des économies d'énergie serait plus efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique que l'ensemble des réductions d'émission de gaz à effet de serre décidées par le Protocole de Kyoto.

Qu'il s'agisse des systèmes d'air conditionné, des ampoules moins gourmandes en électricité, d'une meilleure utilisation du béton, des métaux ou du bois dans les constructions : les experts de l'agence onusienne estiment que des milliards de dollars pourraient être économisés dans un secteur qui représente 30 à 40 % de la consommation mondiale d'énergie. "L'habitat peut jouer un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique", souligne le rapport publié à Oslo dans le cadre d'une conférence sur les moyens de porter une croissance économique qui ne nuise pas à l'environnement.

Parmi les mesures simples énumérées par le PNUE : équiper les fenêtres de volets plus opaques pour stopper les rayons du soleil (et limiter ainsi l'élévation de la température dans les intérieurs), privilégier des ampoules moins consommatrices d'électricité (que les traditionnelles ampoules à filament), améliorer l'isolation et l'aération de l'habitat. "Evitez aussi de construire une maison plus grande que vous n'en avez besoin", recommande aussi le rapport.

Selon Achim Steiner, qui dirige le PNUE, des estimations prudentes soulignent que les réductions d'émission de GES dont est responsable le secteur du bâtiment et de la construction à l'échelle mondiale pourraient représenter 1,8 milliard de tonnes de CO² par an. "Une politique plus agressive en matière d'efficacité énergétique pourrait porter ces réductions à plus de deux milliards de tonnes, soit près de trois fois plus que les réductions prévues par le Protocole de Kyoto", ajoute-t-il. Ce Protocole négocié sous l'égide de l'Onu engage 35 pays industrialisés à réduire d'ici 2008-2012 leurs émissions de gaz à effet de serre de 5 % par rapport à leur niveau de 1990.

"Les économies qui peuvent être faites dès maintenant (dans le BTP) ont un potentiel gigantesque, et le coût de leur mise en oeuvre sera relativement faible si un nombre suffisant de gouvernements, d'industriels, d'entreprises et de consommateurs agissent", poursuit le directeur du programme onusien. "En moyenne, les coûts de construction progressent de 3 à 5 % si on introduit des solutions d'économie d'énergie", rappelle l'étude du PNUE qui s'inscrit dans un projet soutenu par des entreprises comme Lafarge, Skanska ou Arcelor.

Pour le PNUE, les pays en croissance rapide doivent mettre davantage l'accent sur cet "habitat vert", moins consommateur d'énergie, la Chine en premier lieu. Avec près de deux milliards de mètres carrés construits chaque année, le pays le plus peuplé de la planète est aussi le plus bâtisseur. Le rapport précise également quelques données de base. La consommation d'énergie est ainsi plus élevée dans une maison d'habitation que dans des magasins, des bureaux, des écoles ou des hôpitaux. De même, l'utilisation du bois de charpente est une option souvent moins chère et moins coûteuse en énergie. Il faut deux à trois fois plus d'électricité pour produire des poutrelles en métal que des poutrelles de bois.

En France, les 30 millions de bâtiments existants consomment environ 46 % de l'énergie finale et produisent un quart des émissions de gaz à effet de serre. Au niveau européen, près de 500 millions d'habitants disposent d'environ 160 millions de logements qui absorbent près de la moitié de l'énergie consommée. Avec la diminution naturelle des ressources fossiles, plus particulièrement du pétrole et bientôt du gaz naturel, cette situation n'est plus tenable, comme vient de le souligner le premier rapport du Haut Conseil de la science et de la technologie.

Dans son avis sur « L'effort scientifique et technologique de la France en matière énergétique », le Haut Conseil critique les faiblesses de notre politique énergétique actuelle et souligne que l'objectif national de réduire la consommation d'énergie du pays de 2 % par an ne sera pas atteint si la France ne prend pas de mesures plus volontaires et ambitieuses.

Le chauffage de l'habitat (qui représente 46 % de la consommation d'énergie) et les transports (25 %) sont deux formidables gisements d'économies, insuffisamment exploités. « Il faut que la France ait une politique claire en matière de réduction des gaz à effet de serre dans l'automobile et l'habitat », a lancé son président. Le HCST « souligne le déficit d'arbitrage entre les technologies alternatives ». Par exemple, le photovoltaïque, à ses yeux, fait l'objet d'efforts de recherche insuffisants, comparé à d'autres sources d'énergies renouvelables et compte tenu de son potentiel.

Sous l'effet des politiques d'énergie impulsées par les pouvoirs publics et des travaux de maîtrise de l'énergie réalisés par les ménages, la consommation unitaire de chauffage des logements a baissé de 35 % depuis 1973, la consommation de chauffage par unité de surface ayant, elle, baissé de 43 %. Mais, malgré une baisse de la consommation unitaire totale d'énergie, passée de 372 kWh par m² et par an en 1973 à 245 kWh par m² et par an, la marge de progression reste considérable pour atteindre les bâtiments à basse énergie (moins de 60 kWh par m²) ou mieux encore construire des habitations à "énergie zéro". Dans nos bâtiments « énergivores », la première utilisation de l'énergie reste le chauffage (69 %), suivie par l'eau chaude sanitaire et de cuisson (20 %) et enfin les équipements électriques (11 %).

En France, certaines expérimentations très novatrices sont également lancées en matière de bâtiment "à énergie zéro". Il s'agit, comme leur nom l'indique, de bâtiments qui produisent autant -voire plus- d'énergie qu'ils n'en consomment. Dans ce domaine, appelé à un grand avenir, il faut évoquer le remarquable projet de groupe scolaire Jean-Louis Marquèze mis en oeuvre par la commune de Limeil-Brevannes (Val de Marne).

Ce projet global vise à valoriser au maximum les ressources du site afin de limiter les besoins énergétiques, et de couvrir les besoins du groupe scolaire par les énergies locales non polluantes. Il s'inscrit dans le cadre de l'objectif fixé en France par le Plan Climat "Facteur 4", qui vise à diviser par 4 les consommations d'énergie des bâtiments d'ici 2050.

Cette future école anticipe et même dépasse, dès aujourd'hui, cet objectif puisqu'elle est conçue pour produire autant d'énergie qu'elle en consommera : ce sera la première école « énergie zéro » construite en France. Pour y parvenir, elle sera fortement isolée (deux fois plus d'isolant que sur les bâtiments courants) et bénéficiera des dernières techniques de vitrages les plus performants (deux fois plus isolants que les vitrages courants). Elle sera principalement orientée vers le sud pour couvrir, en hiver, une partie importante des besoins de chauffage par la chaleur du soleil. Elle sera largement vitrée pour que l'éclairage électrique soit utilisé le moins longtemps possible.

Elle utilisera, pour s'éclairer, des lampes à très faible consommation (4 fois moins que les ampoules à incandescence classiques), pour se ventiler un système appelé « double flux » qui permet de récupérer toute la chaleur contenue dans l'air avant de le rejeter à l'extérieur. Et, pour son chauffage, a été choisi un système de « pompe à chaleur » qui va puiser une partie de son énergie dans la chaleur du sol. Et, en plus, le peu d'énergie électrique dont elle aura quand même besoin sera totalement couvert par plusieurs centaines de m² de cellules solaires « photovoltaïques » installées en toiture.

Cette école a été entièrement programmée et conçue dans une logique de développement durable mais cette logique n'est pas limitée aux questions énergétiques. L'eau, en tant que ressource de plus en plus rare, devient un enjeu important : des revêtements de sol perméables permettront de réalimenter les nappes à chaque pluie, et l'école récupérera les eaux de pluie pour assurer l'arrosage des espaces verts. Le nombre d'espèces vivantes végétales et animales (la biodiversité) diminue fortement avec l'urbanisation : l'école laissera une large part aux espaces plantés, y compris sur ses toitures.

Sachant que l'ensemble de nos bâtiments consomment quasiment la moitié de toute l'énergie produite par la France, réussir à diviser par deux cette consommation énergétique reviendrait donc, in fine, à réduire d'un quart notre consommation énergétique globale.

Le problème est que, par nature, le parc de logements se renouvelle lentement, environ 1 % par an. Il faut donc non seulement imposer des normes énergétiques drastiques pour les immeubles neufs ("énergie zéro" et même énergie positive) mais faire un effort beaucoup plus important pour mieux isoler les bâtiments existants, grâce à des dispositifs fiscaux incitatifs.

En matière de lutte contre le gaspillage d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre, Nous nous sommes, depuis des années, focalisés sur les transports et l'industrie, oubliant largement le rôle essentiel des logements et bureaux dans le gaspillage énergétique. A présent, confrontés au réchauffement accéléré de notre planète, nous devons prendre à bras le corps ce problème et utiliser toutes les ressources des avancées technologiques en matière d'isolation, de construction et d'énergies renouvelables pour concevoir sans attendre des bâtiments autosuffisants en énergie. Il y a là un énorme enjeu écologique et économique dont notre pays doit prendre conscience.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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