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Edito : l'explosion démographique n'aura pas lieu

Alors que la population mondiale vient de franchir le cap des 6 milliards d'êtres humains, il est intéressant de rappeler brièvement l'extraordinaire histoire démographique de l'espèce humaine pour essayer de mieux prévoir cette évolution, toujours plus complexe qu'il n'y paraît, au cours du siècle prochain. Lorsqu'on examine la courbe de progression de la démographie mondiale depuis l'antiquité, on constate que pendant pratiquement 1000 ans, de l'époque du Christ au Xe siècle, la population mondiale a peu progressé, oscillant entre 250 et 300 millions d'habitants. Au début du deuxième millénaire se déroule une première accélération avec un premier doublement de cette population mondiale. L'accélération se poursuit ensuite et le cap du milliard d'habitants est atteint vers 1830. Un siècle plus tard, la population a encore doublé, atteignant 2 milliards d'habitants, et il ne faut ensuite que 30 ans pour atteindre les 3 milliards d'habitants vers 1960. 40 ans plus tard, à l'aube de l'an 2000, on constate un nouveau doublement de la population mondiale qui atteint les 6 milliards d'habitants. Certains démographes ont estimé à 100 milliards le nombre total d'hommes qui ont vécu sur terre depuis la naissance de l'humanité. Cela voudrait dire que la population mondiale actuelle représente à elle seule 6 % de la population totale de toute l'humanité depuis son apparition. Mais au-delà de cette progression quantitative, il faut souligner deux changements considérables qui ont radicalement transformé la structure de la population mondiale. Le premier de ces changements concerne le poids démographique respectif des différentes régions du monde. En 1900, l'ensemble de l'Europe (Russie comprise) et de l'Amérique du Nord, représentait 31 % de la population mondiale, l'Amérique du Sud moins de 5 %, l'Afrique 8 %, et l'Asie 59 %. Un siècle plus tard, l'Europe et l'Amérique du Nord ne représentent plus que 17 % de la population mondiale, l'Amérique du Sud 8 %, l'Afrique 12,5 % et l'Asie 60 %. Enfin en 2050, selon les dernières prévisions, l'Europe et l'Amérique du Nord ne représenteront plus que 11 % de la population mondiale (3 fois moins qu'en 1900), l'Amérique du Sud 9 %, l'Afrique 19,5 %, et l'Asie 58,5 %. On voit donc qu'en un siècle et demi, de 1900 à 2050, les rapports démographiques auront été complètement bouleversés entre les continents, mais aussi entre pays économiquement développés et pays du tiers-monde. Le second changement fondamental concerne l'augmentation conjointe de l'espérance et la durée de vie depuis deux siècles au niveau mondial, et depuis 40 ans dans les pays en voie de développement, même si les effets dévastateurs du sida en Afrique ne doivent pas être sous-estimés. On mesure mieux le chemin parcouru lorsque l'on sait qu'il y a deux siècles, l'espérance de vie moyenne en Europe oscillait entre 35 et 40 ans, et que 2 enfants sur 3 mouraient avant leur premier anniversaire ! De même, on oublie trop souvent que dans l'ensemble du tiers-monde, l'espérance de vie s'est accrue en moyenne de 50 % depuis 30 ans, à l'exception notable des pays africains touchés par le sida. Fait remarquable, la baisse sensible de la natalité concerne pratiquement l'ensemble des régions du monde depuis 40 ans, même si son rythme diffère d'une région à l'autre, et explique en grande partie le très sensible ralentissement actuel de l'augmentation de la population mondiale : la population mondiale qui a doublé en 40 ans ne devrait augmenter que de 50 % au cours des 50 prochaines années, avant de se stabiliser autour de 9 à 10 milliards d'habitants à la fin du XXIe siècle. La terre pourra-t-elle nourrir ces 10 milliards d'hommes dans un siècle ? Oui, très certainement, si l'on tient compte des gisements considérables de productivité agricole qui restent à exploiter dans de nombreuses régions du monde et des immenses possibilités offertes par la génétique et les biotechnologies en matière de maîtrise du vivant dans le domaine végétal et animal. Il n'est pas question pour autant de faire preuve d'un optimisme béat mais, sans nier les inégalités et déséquilibres insupportables qui persistent en matière économique entre les différentes régions du monde, il n'en demeure pas moins vrai que l'homme dispose à présent d'outils technologiques suffisamment puissants et efficaces pour subvenir aux besoins essentiels de toute l'humanité en matière d'alimentation, de santé et d'éducation. Mais la question essentielle à laquelle nous n'avons pas encore de réponse crédible est de savoir si notre vieille planète a la capacité de supporter une telle population. Pour cela, il faut prendre en temps utile toutes les mesures pour que le développement soit soutenable. Malheureusement, certains engagements pris il y a quelques mois à Kyoto ne semblent pas respectés par certaines nations et en particulier par la première puissance mondiale, les Etats Unis d'Amérique (les accords de Kyoto, du 10-12-1997 prévoient, pour l'ensemble des pays industrialisés, une réduction moyenne de 5%, par rapport au niveau de 1990, du niveau mondial des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2010. Pour les Etats-Unis l'objectif est une réduction de 7%).Un tel objectif suppose une coordination et une volonté politiques à la hauteur de cet enjeu de civilisation, c'est-à-dire sans précédent dans l'histoire humaine. En cette fin de millénaire, comment ne pas déplorer l'absence de grands projets collectifs susceptibles d'amener les hommes à se dépasser et à surmonter leurs différences et leurs égoïsmes.

René Trégouët

Sénateur du Rhône

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  • Didier

    15/04/2011

    Bien sûr que si elle aura lieu et elle a déja lieu d'ailleurs, regardez la tête d'une courbe d'évolution de la populatin mondiale depuis 2000 ans, la pente est verticale. Nous avons gagné autant d'habitant dans les 40 dernières années qu'au cours de toute l'histoire de l'humanité, si ce n'est pas une explosion ?
    D'autre part la productivité agricole ne comporte pas "d'immenses gisements", au contraire, elle s'appuie sur le pétrole et le pétrole va bientôt disparaitre (dans 50 ans il sera marginal). La productivité agricole va donc chuter (moins d'engrais moins de mécanisation et transports plus coûteux).
    Ajoutons surtout qu'il ne s'agit pas seulement de nourrir les hommes mais bien de les faires vivre. Et pour cela il faut préserver la nature, nous avons exterminer 97 % des tigres en 100 ans !
    Qui dit mieux ?
    Il faut impérativement suggérer une baisse très sensible de la natalité partout dans le monde, sinon nous allons à la catastrophe.

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