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Edito : L'Ecole doit relever le défi de l'Image

Cette semaine encore, nous aurons assisté à un événement extraordinaire. Quand vous lirez cet éditorial, vous aurez appris quelques heures plus tôt, de la bouche de Bill Gates, à la Game Developers Conférence de San José, que pour la première fois de son histoire Microsoft sort de son royaume du logiciel pour tenter une aventure dans le domaine du “ hardware ” en décidant le lancement d'une console de jeu : la X-Base. Or, quelques jours auparavant, nous avons pu sentir le vent de folie qui a soufflé sur le Japon en voyant les centaines de milliers de japonais qui se sont bousculés, qui ont fait la queue pendant tout le week-end pour acheter 1.000.000 d'exemplaires de la nouvelle console de jeu de Sony : la Playstation 2 (PS 2). Quand on sait que tous les autres grands acteurs du secteur du jeu ont soit déjà lancé (Sega avec sa Dreamcast) soit lanceront à l'automne (Nintendo avec IBM et Matsushita avec leur Dolphin) de nouvelles consoles de jeu, particulièrement puissantes, nous devons essayer de comprendre les raisons d'une telle mobilisation. Comme je l'écrivais le 11 novembre dernier dans mon éditorial intitulé “ Les mondes virtuels : la drogue du XXIe siècle ” (éditorial de la lettre 71 http://www.tregouet.org/lettre/index.html ) “ Si, dans un premier temps, ces mondes virtuels vont utiliser la voie apparemment sans conséquence des jeux pour pénétrer dans l'univers de nos enfants... ”, nous arrivons maintenant à un moment où les acteurs essentiels qui, sous nos yeux, dessinent le monde de demain, ne se cachent plus pour nous dire qu'après la gratuité (apparente), le jeu (virtuel) va être le deuxième pilier sur lequel va s'appuyer cet univers nouveau. Ces deux maîtres-mots, la gratuité et le jeu, qui deviendraient l'alpha et l'oméga d'un monde émergent, mériteraient à eux-seuls une longue exégèse tant ils peuvent éclairer d'une façon hallucinante ce que pourrait être la nouvelle économie par rapport aux notions de travail et d'argent durement gagné sur lequel s'était appuyé l'Homme depuis qu'il s'était engagé à construire un monde civilisé.Mais ces quatre mots : “ Travail, Jeu, Argent, Gratuité ” ont une telle potentialité dévastatrice si nous les sortons de façon imprudente que je préfère les conserver encore dans leur écorce de protection avant de les mettre en équation et de les livrer à votre réflexion. Aussi, si vous le voulez bien, m'appuyant sur ce nouvel événement extraordinaire qui, cette semaine, s'est déroulé sous nos yeux, je voudrais entraîner ailleurs votre imagination. Dans quelques mois, le rendez-vous est fixé à septembre pour les français, nos enfants vont disposer de consoles de jeu dont le réalisme des images va être sans précédent. Alors que la précédente “ Playstation ” dont près de 72 millions d'exemplaires ont été vendus dans le monde depuis 1994, n'était capable de calculer “ que ” 350.000 polygones (le pixel de la 3 D) par seconde, la “ PlayStation 2 ” pourra, elle, en calculer 50.000.000 par seconde grâce à un processeur 128 bits. Quand nous prenons conscience que les processeurs (32 ou 64 bits) les plus puissants (Pentium) qui sont actuellement dans nos ordinateurs les plus récents ont dans ce domaine de l'image des capacités de calculs de cinq à dix fois inférieures, nous pouvons pressentir toutes les capacités de réalisme qu'auront les images générées par ces machines qui, pourtant, coûteront souvent moins de 2.000 Francs et en feront donc des lecteurs de DVD particulièrement compétitifs. Par ailleurs, tous les grands acteurs mondiaux qui produisent des logiciels de jeux mobilisent actuellement toutes les forces dont ils disposent pour ne pas manquer ce rendez-vous du 128 bits... Ainsi, bien plus qu'aujourd'hui et hier, nos enfants, dès ces prochains mois, vont plonger dans des mondes virtuels qui vont d'autant mieux séduire leurs jeunes cerveaux que les images seront plus réalistes. Ceci ne serait pas grave si ces jeux étaient conçus pour aider à la formation de ces jeunes cerveaux. Or, malheureusement, à quelques rares exceptions près, ils ne le sont pas. Trop souvent, ils sont même vecteurs de violence et beaucoup trop de problèmes comportementaux de nos jeunes sont trop souvent liés à l'incapacité dans laquelle ils se trouvent de faire la différence entre le virtuel et le réel. C'est pourquoi, m'adressant une nouvelle fois, de façon solennelle, aux responsables de l'Education nationale de notre Pays, je leur demande de prendre conscience que nous n'avons plus le droit de prendre de nouveaux retards pour mettre des outils innovants et performants à la disposition de nos enseignants. Il faut que l'image de grande qualité vienne dorénavant soutenir l'exposé oral de tout enseignant. Il n'est pas possible que, trop souvent, nos enseignants, comme à l'époque de Jules Ferry, ne disposent que de leur seule capacité oratoire et d'un tableau et d'une craie (ou d'un marker) pour transmettre leur savoir. Dans un monde où l'accès au savoir joue dorénavant un rôle fondamental sur le destin des “ petits ” d'homme, il n'est pas acceptable qu'une nation ne mobilise pas l'essentiel de ses moyens pour remplir une si noble mission. Quand on sait qu'en pédagogie une image équivaut à 7000 mots, nous pouvons imaginer le rôle inoubliable que pourrait jouer, par exemple, un professeur d'Histoire devant sa classe de 4e, et qui voudrait évoquer la bataille d'Austerlitz, s'il pouvait se servir de cet outil démultiplicateur de l'imaginaire. Même si ce professeur d'Histoire était un bon conteur, pensez-vous que ses élèves garderaient en mémoire la magie créée par ce lever de soleil sur le Plateau de Pratzen alors que le brouillard voile encore le lac gelé où, tout à l'heure, des milliers de russes vont disparaître. Par contre, il suffirait, sur une simple demande de l'enseignant, qu'Abel Gance vienne pendant quelques minutes avec l'aide de Pierre Mondy, Jean Marais, Orson Welles, leur montrer les images extraordinaires d'Austerlitz sur un grand écran de haute définition qui, dorénavant, devrait être dans chaque classe, pour que les enfants gardent en souvenir de façon impérissable le génie d'un stratège qui, comme Alexandre, a marqué l'Histoire militaire. Ce soutien par l'image, s'il est impératif pour l'Histoire, n'en est pas moins nécessaire pour l'enseignement de toutes les matières. Aussi, il faut que les outils les plus performants permettant d'obtenir des images de grande qualité soient sans retard mis à la disposition de tous les enseignants. Ce n'est pas en connectant nos écoles à Internet avec une simple ligne téléphonique et en les disposant à dix autour d'un écran de 15 pouces que nous changerons le cours de l'histoire alors que très rapidement beaucoup d'élèves bénéficieront d'une connexion de meilleure qualité à partir de chez eux. Il faut que tous les responsables de l'Education, que tous les enseignants aient bien conscience que nous aurons changé le destin de la France quand un petit gamin de 8 ans, revenant de son cours de CE2, dira à sa mère en rentrant chez lui : “ Tu sais, Maman, c'est cool, l'image dont se sert mon maître pour m'expliquer le monde est plus belle que celle de ma PlayStation 2 ! ”

René TREGOUET

Sénateur du Rhône

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