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L'Afrique mise sur l'algue verte pour mieux se nourrir

Baptisée cyanobactérie Arthrospira platensis par les scientifiques, la spiruline, ou algue verte, pourrait bien, dans les prochaines décennies, transformer le quotidien de certaines populations malnutries de la planète. Et pour cause. Riche en vitamines (A, B12, E) et en minéraux (fer, calcium, magnésium), elle présente une impressionnante teneur en protéines : de 50 % à 70 % de sa matière sèche, presque deux fois plus que le soja. A tel point que l'Agence spatiale européenne compte l'utiliser dans ses longues missions de trois cents ou quatre cents jours, "comme le retour sur la Lune en 2018 ou les vols sur Mars en 2035", explique Christophe Lasseur, chef du projet spatial Melissa. "Se cultivant facilement, la spiruline est directement comestible et pourra être produite sur la Lune ou Mars. C'est sur elle que reposera en partie la survie de l'équipage."

A partir du 4 mars, cette algue a été l'objet d'un premier colloque panafricain réunissant à Agharous (Niger) "algoculteurs", médecins et chercheurs d'une dizaine de pays. L'enjeu est d'autant plus important que, selon un récent rapport de l'Association américaine pour l'avancement de la science, sans nouveaux investissements, notamment agricoles, "le monde comptera 100 millions de personnes sous-alimentées supplémentaires en 2015".

En Afrique, en tout cas, associations et gouvernements n'hésitent plus à miser sur cette culture simple et bon marché, accessible aux petites exploitations, qui demande 4 fois moins d'eau et 20 fois moins d'espace que le soja pour un rendement en protéines équivalent. Des fermes expérimentales se sont développées au Mali, au Bénin, au Niger. La récolte se fait tous les trois jours : filtrée et essorée, l'algue, déjà prisée par les Aztèques et les populations du lac Tchad depuis des centaines d'années, est ensuite séchée et réduite en poudre.

Au Burkina Faso, après le lancement de dix fermes pilotes, le gouvernement s'est engagé dans un vaste projet de 3 600 m2 de culture, qui sera finalisé en 2010. Si les études futures se révèlent concluantes, le ministère de la santé pourrait élever la spiruline au rang de médicament. Au Sénégal, c'est Viviane Wade, la femme du chef de l'Etat, Abdoulaye Wade, qui mène campagne : fin 2005, son association Education Santé a fait don de 45 tonnes de farine enrichie en spiruline pour soigner 10 000 enfants nigériens.

Enfin, parce qu'à l'avenir cette expansion pourrait être limitée par la raréfaction de l'eau douce, "le président de Madagascar, Marc Ravalomanana, un ancien entrepreneur agroalimentaire, soutient un projet expérimental de culture de spiruline dans l'eau de mer à Tuléar", souligne Nardo Vicente, responsable scientifique de l'Institut océanographique Paul-Ricard.

Les défenseurs de la spiruline ne sont pas cantonnés en Afrique. "Au Chili, après de longues recherches, des universitaires de Santiago ont obtenu l'aide gouvernementale et exploitent depuis cinq ans la spiruline dans les eaux saumâtres du désert de l'Atacama", précise M. Vicente, qui a développé une station pilote à but pédagogique en Camargue. Au Centre de récupération nutritionnelle d'Ouahigouya, au Burkina Faso, Diane, infirmière, constate jour après jour les effets bénéfiques de l'algue, distribuée gratuitement aux enfants malnutris, qui "prennent 100 grammes par jour grâce aux 2 petits grammes verts qu'on mélange à leur bouillie de mil". Et d'insister sur le potentiel de cet apport. "Connaissez-vous beaucoup de plantes qui renforcent ainsi des organismes affaiblis ?"

Gilles Raguin, responsable de la lutte contre la malnutrition au Programme alimentaire mondial (PAM), souligne qu'après plusieurs années de méfiance, "on parle aujourd'hui de la spiruline de façon plus positive. Si, à court terme, elle n'est pas prête à entrer dans les standards des grandes organisations internationales, elle a désormais leur bienveillance". Une évolution lente qui se nourrit de la multiplication des initiatives de terrain. "Tout cela commence à bouillonner, note M. Vicente. Des projets concrets se développent dans le Sud au fur et à mesure que les dirigeants prennent conscience que la spiruline peut permettre à leur pays de sortir du marasme."

LM

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