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Edito : L'Accès au Savoir doit devenir le premier Service Universel planétaire

Les 3 et 4 avril derniers, s'est tenu à Paris le sommet de l'OCDE consacré à l'éducation. Les Ministres de l'éducation des pays de l'OCDE se réunissent tous les cinq ans pour partager leurs expériences et tenter de définir de grandes orientations communes en matière d'éducation et de formation. A l'issue de ce sommet, les Ministres de l'Education des pays développés, par la voix d' Edelgard Bulmahn, Ministre allemand de l'Education, ont lancé un appel à l'industrie informatique pour qu'elle commercialise à l'intention des écoles un « ordinateur du peuple ». Edelgard Bulmahn a par ailleurs expliqué que les technologies de l'information et de la communication « permettent de développer une nouvelle façon d'apprendre : la pédagogie de projet. » En partant d'un thème, les élèves abordent plusieurs matières : les mathématiques, le français, la géographie. L'ordinateur représente alors le point central de partage d'informations pour les professeurs et de recherches pour les élèves. Dans une telle perspective, les nouvelles technologies permettraient la mise en réseau de tous les établissements éducatifs et de toutes les compétences autour de projets pédagogiques. Pour y arriver, Edelgard Bulmahn a insisté sur l'importance des partenariats entre les écoles, les universités et les entreprises, ainsi que sur la nécessité d'une réforme des systèmes scolaires dans tous les pays membres. Dans son rapport intitulé « Analyse des politiques d'éducation », disponible sur le site de l'OCDE, (vous trouverez ci-dessous les liens avec ces divers sites), l'organisation internationale donne une vision prospective de l'école selon six scénarios. Le premier considère que le système scolaire bureaucratique reste tel qu'il est. Les problèmes actuels demeurent, les inégalités perdurent. Le second scénario imagine que « l'insatisfaction générale conduit à remanier les systèmes de financement et de scolarisations. ». C'est l'entrée de l'économie de marché à l'école. Les inégalités se creusent. Le troisième place « l'école au coeur de la collectivité » : son financement reste public, l'école devient lieu de formation initiale et professionnelle, parents, entreprises et acteurs sociaux y jouent un rôle important, tous mis en réseau grâce à Internet, tous enclins au travail collaboratif. Le quatrième scénario permet aux écoles de proposer aux élèves un enseignement diversifié et ouvert grâce à un réseau plus large. L'équité sociale est renforcée, mais à la condition que l'institution publique demeure tout en acceptant de se réorganiser profondément. Le cinquième scénario envisage la « dé-scolarisation » : les élèves deviennent des électrons libres qui apprennent de chez eux sur ordinateur au risque de creuser considérablement le fossé numérique puisque l'équipement des élèves ne dépend plus que des familles. Le dernier scénario envisage la désintégration de l'école après exode des enseignants. Ce document prospectif a le mérite de rappeler que l'avenir en matière d'éducation n'est pas encore écrit et de réaffirmer la responsabilité déterminante des Etats et de la puissance publique en matière d'accès à l'éducation et à la formation. Mais si cette réflexion et cette prise de conscience des états et des institutions internationales sont très encourageantes, deux autres initiatives remarquables venant des enseignants et des chercheurs eux-mêmes marquent peut-être un tournant décisif vers un accès véritablement équitable et universel au savoir. La première initiative émane de douze mille universitaires et chercheurs de 124 pays qui estiment que les ressources scientifiques devraient être consultables librement sur le Net. Dans une lettre ouverte, les signataires appellent à la création d'une base de données publique en ligne. Leur argument principal concerne le prix élevé des abonnements aux revues scientifiques, qui les met hors de portée des universités dans les pays pauvres. Les chercheurs signataires s'engagent à n'écrire plus que dans les revues qui céderont leurs droits sur des articles publiés depuis six mois et plus. Au même moment, et ce n'est sans doute pas un hasard, le prestigieux MIT (Massachusetts Institute for Technology) annonçait sa volonté de mettre en ligne gratuitement près de 2000 cours écrits, les sujets de ses examens, des simulations, ainsi que des vidéos des cours d'amphithéâtre de ses professeurs. Baptisé OpenCourseWare, le projet pourrait commencer à l'automne prochain avec la mise en ligne de 500 cours sur deux ans. Une fois les documents disponibles, les internautes pourront prétendre appartenir à la communauté des étudiants du MIT ou passer un diplôme. Professeurs et étudiants pourront se servir des cours pour leurs propres recherches, et les curieux de tous horizons auront accès à des textes à la pointe de la recherche informatique et scientifique. Selon le MIT, la majorité des 940 professeurs de l'université est prête à distribuer gracieusement ses cours. En revanche, les professeurs ne pré-publieront pas le fruit de leurs recherches récentes sur Internet. A l'occasion de la présentation de ce projet, le Président du MIT, Charles M. Vest, a fait une intervention très remarquée pour défendre avec passion cette initiative. Il a rappelé que celle-ci correspondait tout à fait à la mission du MIT et aux idéaux fondateurs de cet établissement mondialement réputé. Il a également souligné qu'il espérait que l'exemple du MIT soit rapidement suivi par les autres universités américaines. Enfin, Charles M. Vest a insisté sur l'importance, outre la gratuité, de la disponibilité dans de nombreuses langues des cours du MIT, afin que les pays en voie de développement puissent exploiter pleinement ces nouvelles ressources cognitives. Enfin, il faut également souligner que l'Union Européenne vient d'adopter définitivement la très importante directive sur les droits d'auteurs. Sans entrer dans le détail de ce texte très technique, on peut remarquer que cette directive, qui devra être transposée d'ici 18 mois dans notre droit national, devrait considérablement faciliter la reproduction ou la copie des documents multimédias à des fins pédagogiques pour les besoins de l'enseignement. Même si beaucoup reste à faire et si nous devons poursuivre inlassablement nos efforts pour amplifier ce mouvement, on voit donc s'amorcer au niveau mondial une évolution très positive vers un accès en ligne plus ouvert et plus équitable à l'ensemble des connaissances scientifiques et artistiques qui constitue le patrimoine commun de l'humanité. Parallèlement, on assiste à l'émergence et à la reconnaissance planétaire d'un nouveau droit fondamental pour chaque être humain : le droit au libre accès en ligne à la culture et la connaissance.

OCDE : rapport sur l'éducation

http://www.oecd.org/media/communique/nw01-32f.pdf

Pour une base de données scientifiques accessible à tous

http://www.publiclibraryofscience.org

MIT: le projet OpenCourseWare

http://web.mit.edu/newsoffice/nr/2001/ocw-facts.html

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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