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Jouer avec les ondes pour rendre les objets invisibles

Réunis au CNRS mercredi 23 mai, des spécialistes mondiaux des métamatériaux ont fait le point sur des recherches qui visent aussi bien sur la réalisation d’antennes miniaturisées, de digues anti-tsunami, des barrières antisismiques… que de "capes d’invisibilité".

Le domaine de recherche est jeune - une quinzaine d’années- mais il fait déjà dialoguer plusieurs générations. Dans l’amphi du CNRS où se tenait le colloque sur les métamatériaux, se sont ainsi succédés Sir John Pendry, théoricien de la physique des matériaux à l’Imperial College de Londres, "père fondateur" de ces recherches, et Sébastien Guenneau, jeune chargé de recherche du CNRS à l’Institut Fresnel (Marseille), qui multiplie les projets visant à élargir les applications des principes énoncés par son aîné.

Ce qui donne lieu à des rapprochements inhabituels, dans un colloque scientifique ultra spécialisé : pendant que Sir John, suivi par nombre de laboratoires, s’intéresse à la manipulation des ondes électromagnétiques (radars, télécommunications, optique…), le français, et d’autres équipes, parlent de systèmes antisismiques, de dispositifs anti-tsunami, ou encore de protections contre les vibrations…

Leur point commun ? La manipulation d’ondes. Car les métamatériaux, des matériaux dont les propriétés ne tiennent pas à leur composition chimique mais aux structures savamment calculées qu’ils comportent, savent modifier le parcours des ondes de manière inédite.

Leur application la plus spectaculaire : la "cape d’invisibilité". Une enveloppe de métamatériaux rend invisible l’objet qu’elle contient : la lumière, déviée progressivement, contourne l’objet et reconstitue son faisceau de l’autre côté. L’observateur n’y voit que du feu !  Le principe a été démontré, d’abord avec les microondes, et plus récemment, et avec plus de difficultés, dans le spectre visible.

"Travailler sur les capes d’invisibilité, c’est intéressant, et cela fait publier des articles. Mais il y a bien d’autres applications", soulignait John Pendry. Et de citer la réalisation récente d’une "cape" qui isole d’un champ magnétique (par un groupe d’Harvard). Les instruments qui, comme l’IRM, utilisent de forts champs magnétiques, pourraient être un terrain d’application.

A l’Institut d’électronique fondamentale (IEF) de l’université Paris-Sud, on étudie des composants de télécommunications qui s’inspirent des principes posés par John Pendry. Par exemple, pour réaliser des antennes bien plus petites pour les avions. Des prototypes ont été réalisés. "Nous avons montré que le concept fonctionne. Il reste à faire un travail d’ingénierie pour s’assurer que l’antenne garde bien toutes ses fonctionnalités", indique André deLustrac, qui dirige l’IEF.

Nicholas Fang, du MIT, a quant à lui, développé un matériau qui rend un objet invisible aux ultrasons dans l’eau. Intéressant, pour des navires qui veulent échapper aux sonars…

Le domaine des métamatériaux est évidemment prospectif, mais les chercheurs ne restent pas plongés dans leurs calculs. Sébastien Guenneau prolonge ses travaux théoriques ou de simulation par des expérimentations. Son système anti- vagues, après un premier essai en laboratoire, a été testé dans un canal à houle de 15 mètres. Quant au système anti-sismique, il doit être testé cette année avec une filiale de Vinci. Des colonnes de béton armé de différents diamètres, judicieusement réparties, sont enfouies dans un terrain de 5000 m2. L’onde "sismique" sera créée en laissant tomber une cloche de 30 tonnes sur le terrain. L’objectif est de mesurer comment l’onde est redirigée pour atténuer son effet sur les fondations d’un bâtiment.

Cette intense activité imaginative ne laisse pas de marbre le théoricien John Pendry. Au contraire, il  ne se prive pas de rêver, lui-aussi, aux multiples applications des métamatériaux. Le rêve de Sir John Pendry ? Introduire des métamatériaux dans les circuits électroniques ultra denses des ordinateurs, pour y diriger des faisceaux lumineux qui interconnecteront les puces sans le moindre risque d’interférences.

L'Usine Nouvelle

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