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Edito : Au Japon, les robots vont bientôt transformer la vie des personnes âgées

La société japonaise connaît aujourd’hui un vieillissement inexorable et sans précédent de sa population : un Japonais sur cinq a aujourd'hui plus de 65 ans et ils seront plus d'un sur 3 dans 25 ans. D’ici 2015, c'est à dire demain, près de 6 millions de Japonais auront besoin d'une assistance pour accomplir les actes de la vie courante. Ce concept d'assistance recouvre un vaste champ d'activités et ne se limite pas à une aide physique des aînés. Il est également essentiel de s'assurer que les personnes très âgées prennent bien leurs médicaments, s'alimentent correctement et conservent une vie sociale satisfaisante.

Il est en effet essentiel que les personnes âgées puissent continuer à avoir des activités intellectuelles, culturelles et sociales riches, de manière à vieillir dans les meilleurs conditions possibles et à éviter ou retarder non seulement les maladies liées au vieillissement physique de l'organisme mais également les affections non moins redoutables touchant la santé mentale : déclins cognitifs, dépression et maladies neurodégénératives de type Alzheimer. 

Il existe bien sûr déjà une multitude de dispositifs et de systèmes de veille et d'alerte électronique et numérique très utiles et relativement efficaces mais ces systèmes restent essentiellement passifs : ils ne peuvent agir physiquement sur l'environnement des personnes âgées et n'ont pas non plus une capacité de réaction et d'adaptation suffisante face à un événement imprévu. C'est à ce stade qu'interviennent les robots qui peuvent véritablement permettre aux personnes âgées de continuer à vivre chez elles ou en institution avec une sécurité et un confort de vie accrus.

Le RTC, un centre de recherche piloté conjointement par le RIKEN et Tokai Rubber Industries a mis au point “RIBA” (Robot for Interactive Body Assistance), le premier robot au monde capable de soulever une personne comme le ferait un être humain, c'est-à-dire en lui passant un bras dans le dos et l’autre sous les genoux.

Le directeur de ce centre, Toshiharu Mukai a présenté en 2009 un premier prototype prometteur de RIBA qui pouvait déjà prendre dans ses bras un patient de plus de 60 kilos, l'emmener sur plusieurs dizaines de mètres et le déposer délicatement sur un fauteuil ou un lit. Cette première version pesait 180 kilos et pouvait porter plus du tiers de son poids. Toshiharu Mukai vient de présenter une nouvelle version de RIBA qui peut, cette fois, soulever plus de 80 kg et être commandé à la voix ou par une simple pression sur son "dos". Une version finale, encore plus élaborée, plus puissante et plus autonome est attendue pour 2015 et sera alors proposée aux institutions pour personnes âgées et maisons de retraite.

De son côté, Honda a fait sensation en présentant la dernière version de son fameux robot "ASIMO" (Advanced Step in Innovative Mobility) à l'occasion du dernier salon automobile de Tokyo, en décembre 2011. Après 25 ans d'effort de recherche, Honda dispose à présent d'une machine stupéfiante en terme de précision, d'agilité, d'autonomie et de polyvalence. Asimo est notamment capable d'enregistrer plusieurs commandes humaines puis de servir différentes boissons sans une hésitation et sans perdre une goutte de liquide ! Il se déplace en évitant bien sûr tous les obstacles et avec une étonnante fluidité de mouvements. Asimo peut se commander à la voix mais comprend également le langage des signes et peut être muni de capteurs qui lui permettent d'être interpellé de manière très intuitive, par exemple par une petite tape dans le dos !

Mais il peut également courir en cas de besoin, ramasser des objets ou taper avec une précision époustouflante dans un ballon ! Initialement conçu et prévu pour l'industrie, ce robot est à présent si perfectionné, si autonome et si efficace qu'il n'est plus question de le cantonner aux tâches industrielles ou productives. Honda est en effet parfaitement conscient des extraordinaires potentialités de son robot dans le domaine des services et de l'assistance à la personne et devrait proposer prochainement une version d'ASIMO spécialement orientée vers l'assistance et le service des aînés

Mais les robots peuvent également avoir une fonction directement thérapeutique, comme "Babyloid". Ce petit robot, développé par l’Université Chukyo de Nagoya, ressemble à une grosse peluche et peut tenir compagnie aux personnes âgées et communiquer avec elles de manière simple en leur parlant ou en souriant. L'objectif est de lutter contre les états dépressifs, fréquents en maison de retraite.

La France n'échappe pas plus que le Japon au vieillissement accéléré de sa population et aux conséquences médicales et sociales considérables qui en découlent. En 2011, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans a dépassé 1 million en France et atteindra 2 millions en 2020 et 4 millions en 2040. La prise en charge des personnes âgées va donc devenir un enjeu économique et social tout à fait majeur au cours des prochaines décennies.

Mais dans notre pays, pour des raisons à la fois culturelles et historiques, les "gérontotechnologies" n'ont pas comme clef de voûte la robotique, comme au Japon et représentent un ensemble de solutions et de services technologiques et médico-sociaux beaucoup plus diffus, regroupant de nombreux acteurs publics et privés et associant et combinant de nombreuses technologies numériques.

Très impliqué dans ce domaine, l’INRIA mène plusieurs projets de recherche axés sur l’assistance à la personne. L'un de ces projets, baptisé "Demar" (Déambulation et mouvement artificiel) travaille depuis près de 10 ans à Montpellier pour améliorer l’aide au déplacement des personnes handicapées. D'autres projets concernent plus spécifiquement le maintien à domicile et la robotique d'assistance à la personne mais l'approche française est très différente de celle du Japon. Les chercheurs de l'INRIA travaillent notamment sur les robots parallèles et des robots à câbles relativement simples mais très efficaces et peu onéreux, capables d'aider les personnes âgées ou invalides à se déplacer chez elles.

À Nice, des chercheurs de l’INRIA associés à des médecins du CHU développent depuis 10 ans, dans le cadre du projet Coprin (Contraintes, OPtimisation, Résolution par INtervalles), des appareils d'assistance robotisée pouvant aider efficacement les personnes handicapées et âgées. Ce projet vise notamment à concevoir un déambulateur intelligent et communicant pour les personnes à mobilité réduite et à détecter précocement  des affections liées à l'âge, comme la maladie d’Alzheimer. Ces appareils peuvent également être utilisés de manière très utile dans la rééducation fonctionnelle des patients, après un accident, une chute ou une maladie.

Ce déambulateur du futur coûte environ 2000 euros, ce qui le rend bien plus accessible au grand public que les robots humanoïdes nippons de plus de 100 000 € pièce. Actuellement expérimenté dans différents établissements de la région de Nice, ce déambulateur est destiné à se généraliser rapidement au domicile des personnes âgées.

Toujours dans le cadre de "COPRIN, les chercheurs de l'INRIA, tournant le dos à la solution japonaise du robot "infirmier, capable de soulever un malade" ont également mis au point un remarquable système de transfert utilisant un ensemble de poulies, de vérins et de câbles fixés au plafond. Ce dispositif peu coûteux (environ 1000 euros) relativement simple mais très efficace, permet un déplacement beaucoup plus facile et rapide des personnes ayant des difficultés de déplacement.

Autre exemple d'approche pragmatique : la pose de microcapteurs sur un déambulateur à roulettes standard. Ces capteurs permettent d'enregistrer et de connaître les trajets précis du déambulateur mais ils peuvent aussi enregistrer les chutes qui, rappelons le, sont responsables de plus de 10 000 décès par an chez les personnes âgées. Ces informations sont évidemment très précieuses pour les médecins en charge de la rééducation des patients. Une autre équipe de l’INRIA dirigée par François Brémond, expérimente au CHU de Nice, un dispositif d'analyse d'images vidéo pour affiner le diagnostic de la maladie d'Alzheimer.

Mais l'assistance aux personnes âgées intéresse également les entreprises privées qui ont compris l'immense enjeu industriel et économique de ce domaine d'activité. La société française Aldebaran Robotics a ainsi mis au point le robot "Roméo", destiné à assister les aînés dans leur vie quotidienne.

Roméo se pilote grâce à une commande vocale mais peut également être dirigé manuellement à l'aide de boutons de commande placés sur son torse. Ce robot polyvalent est capable d'aider les personnes âgées dans les tâches qu'elles ont à accomplir chaque jour, qu'il s'agisse d'utiliser les différents appareils ménagers ou numériques, de se déplacer ou de porter des objets. ROMEO devrait d'abord faire son apparition en institution, avant de pouvoir être utilisé à domicile.

Selon l’IFR (International Federation of Robotics) plus de 2,5 millions de robots de services à usage personnel ont été commercialisés en 2011 et ce chiffre pourrait doubler d'ici 2015. Pour sa part, l'association japonaise de robotique prévoit que la robotique de service représentera dans 15 ans 80 % du marché global de la robotique. A l'intérieur de ce secteur en plein essor, les robots d’assistance aux personnes devraient représenter un marché estimé à 25 milliards d'euros en 2025.

L'Europe s'est également fortement impliquée dans les recherches et projets concernant la robotique d'assistance aux personnes avec le programme KSERA («Knowledge service robots for ageing») qui vise à concevoir et à réaliser, d'ici 2015, un robot intelligent et autonome destiné à aider les personnes âgées et à permettre leur maintien à domicile dans les meilleurs conditions possibles. 

KSERA sera d'abord destiné aux personnes âgées atteintes de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), une maladie très invalidante qui deviendra la troisième cause de décès dans le monde d'ici 2030 selon l'OMS. D'ici 2015, les partenaires du projet KSERA vont expérimenter en grandeur nature, dans des maisons témoins, leur robot qui devra aider les patients dans leur vie quotidienne et leur délivrer conseils et avertissements en matière médicale, alimentaire ou plus largement pour adopter un mode vie sain. KSERA sera bien entendu relié en permanence à une cellule de surveillance médicale et préviendra celle-ci à la moindre alerte. Ce projet est ambitieux car ses concepteurs souhaitent que le robot puisse à terme comprendre les souhaits du patient et connaître ses habitudes, de manière à pouvoir anticiper ses demandes, comme le ferait un être humain.

On comprend mieux les enjeux économiques, financiers et politiques de ces recherches quand on sait que, selon la CNAM, le coût moyen d’une journée d’hospitalisation à domicile est de l'ordre de 200 euros, contre plus de 700 euros pour une journée d’hospitalisation traditionnelle. Chaque journée supplémentaire de maintien à domicile représente donc, en théorie, une économie de plus de 500 euros pour la collectivité, de quoi faire réfléchir la sécurité sociale et les responsables politiques sur l'intérêt de recourir aux robots d'assistance personnelle pour aider les personnes âgées à rester chez elles le plus longtemps possible.

Même si cela peut semble relever encore un peu de la science-fiction, je suis convaincu que dans 10 ans, la conjonction des progrès technologiques et de la nécessité économique entraînera une généralisation de l'usage des robots d'assistance personnelle, tant dans les institutions qu'au domicile des personnes âgées. Notre société doit se préparer dès à présent à cette mutation majeure et réfléchir à de nouveaux modèles économiques et sociaux qui permettront à tous nos aînés de bénéficier de ces nouveaux services numériques et robotiques qui vont profondément transformer et enrichir la dernière étape de leur vie.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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  • Doulat Pierre-Jean

    9/04/2013

    Existe-t-il un robot susceptible d'assister une personne âgée atteinte de tremblements dans la prise de ses repas?
    Merci.

  • Sevin

    9/04/2015

    Exemple de communication entre le robot et une personne:

    - Bonjour
    - Bonjour
    - Un autre ordinateur utilise déjà l'adresse 192.168.1.2. Pour remédier au problème, veuillez contacter votre administrateur réseau.

    Voilà, c'est fini. C'est du vécu, en 2015, avec un routeur (Netgear, DHCP Server) et un ordinateur portable (Macbook Pro) neuf, en mode DHCP client, acheté en décembre 2014.
    Alors avant qu'un robot m'apporte café et croissant le matin, ben on a encore du temps devant nous

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