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Edito : Internet : comment rattraper notre retard

L'expérience que nous menons depuis plus de dix ans dans le Département du Rhône et le nombre, très important, de personnes compétentes, rencontrées un peu partout en France et dans toute l'Europe, nous permettent d'affirmer que l'entrée dans la Société de l'Information exige une démarche rigoureuse et volontariste. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de respecter strictement trois étapes fondamentales.

1) Tout d'abord, et cela est si évident que cela pourrait paraître à certains superflu de le préciser, il est nécessaire de disposer du « signal » pour entrer dans cette Société de l'Information. Or, si un effort exceptionnel n'est pas réalisé dans ces temps prochains en faveur des régions et des personnes les plus défavorisées, nous pourrions voir s'approfondir très rapidement le fossé entre les inforiches et les infopauvres. Quelle que soit la région où nous habitons, il est nécessaire que, dans les 5 ans qui viennent, nous puissions accéder, à large débit, à la Toile planétaire et ce, pour des coûts acceptables. Cette question des coûts est primordiale. Pourquoi le cacher. Si la France accuse aujourd'hui un tel retard pour entrer dans la Société de l'Information, cela est essentiellement dû au niveau prohibitif des coûts d'accès à Internet. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises dans ces colonnes, il est hautement nécessaire que toutes les autorités responsables imposent, je dis bien « imposent », à France Télécom l'obligation de baisser suffisamment l'ensemble de ses tarifs d'interconnexion pour que chacun puisse accéder de manière basique, sur une ligne RTC, à Internet pour une durée illimitée et pour un coût mensuel forfaitaire inférieur à 15 Euros.

2) Si nous voulons que cette nouvelle société soit une réussite, il est nécessaire que des nouveaux contenus soient développés et que de nouveaux usages soient expérimentés. Trop souvent, les opérateurs pensent que les tuyaux sont suffisants. C'est une erreur fondamentale. Ce ne sont que des usages nouveaux et des contenus réellement adaptés aux capacités des réseaux à haut débit qui pourront inciter nos concitoyens à réellement franchir le pas. Là encore, ces nouveaux usages et ces nouveaux contenus devront être accessibles à des coûts acceptables par le plus grand nombre : cette évidence est la clé du succès. Les Pouvoirs Publics, par des incitations diverses mais aussi en montrant l'exemple, devront favoriser le développement de ces contenus nouveaux et provoquer ces expérimentations d'usages encore inconnus.

3) La troisième étape est souvent sous-estimée sinon purement et simplement oubliée par beaucoup : je veux parler de l'acquisition des usages par les utilisateurs potentiels. Il ne faut pas mésestimer l'importance fondamentale de cet effort de formation. Il ne sert à rien d'avoir des tuyaux performants ni même de disposer de contenus de qualité si les utilisateurs potentiels ne savent pas s'en servir. Si nous ne voulons pas que le fossé intergénérationnel se creuse entre les jeunes et les plus anciens, il est nécessaire que nous réalisions un effort sans précédent. Certains pensent encore qu'il ne sert à rien de se presser et que nous arriverons toujours à faire émerger cette nouvelle Société de l'Information. Quand nous prenons conscience que dans moins de dix ans le rang d'une nation ne se mesurera plus seulement dans ses capacités de produire ou de consommer mais bien plus dans ses facultés de valoriser des savoirs sur l'ensemble des réseaux mondiaux, nous sommes saisis de l'urgence et de l'importance avec laquelle il faut traiter l'ensemble de ces problèmes.

Beaucoup trop de nos concitoyens font encore une erreur fondamentale en comparant la vague Internet aux révolutions technologiques que nos grands-parents, parents et nous-mêmes avons connues avec la montée en puissance de l'électricité, du téléphone, de la voiture, de la télévision ou même de l'ordinateur. Cette comparaison est inexacte et trompeuse. Si nous tenons vraiment à comparer les potentialités d'Internet avec un autre processus qui a changé le destin de l'Homme, nous ne pouvons comparer Internet qu'à l'alphabet. L'alphabet, après des millénaires de maturation, aura permis à tous les hommes de communiquer. Internet, après seulement quelques décennies, est capable de faire communiquer les unes avec les autres toutes les machines du Monde. Le sort de l'Homme dépend de sa capacité d'apprendre à lire les usages issus de la large utilisation par les machines de ce nouvel alphabet. S'il sait le faire, il pourra dominer son avenir. S'il ne le fait pas, il le subira. Certes, on ne prend pas conscience immédiatement du handicap profond d'une personne qui ne sait ni lire ni écrire. Mais très rapidement, nous mesurons son désarroi quand il lui faut relever les défis de la vie. Quand nous rencontrons des nord-américains ou des européens du Nord, nous n'avons pas encore conscience qu'ils sont déjà deux à trois fois plus nombreux que nous à savoir « lire et écrire » en Internet. Cela est normal car Internet n'est pas encore un médium dominant de communication. Le papier, le téléphone ou la télévision sont des médias encore dominateurs. Avant dix ans, la situation se sera inversée. Et si, très rapidement, les Français n'apprennent pas à « lire et écrire » en Internet, ils courent le grave risque de se trouver fort dépourvus quand la bise sera venue... Cela serait très dommageable car c'est de l'avenir de notre Pays, donc de chacun de nous, dont il est question.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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