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Edito : Il faut mettre les nouvelles technologies numériques au service de la culture scientifique

Mardi 20 janvier, Emmanuel Hamelin a remis son rapport sur la diffusion de la culture scientifique au Premier ministre. Il y plaide pour un développement plus volontariste de la diffusion de la culture scientifique, qui mobilise les différents ministères concernés, et notamment celui de la Culture.

Dans cet excellent rapport, Emmanuel Hamelin formule des propositions concrètes d'actions. Il préconise notamment de donner à la Cité des Sciences un rôle de tête de réseau pour l'ensemble des lieux de diffusion de la culture scientifique. Il recommande par ailleurs de créer une fondation pour la culture scientifique et suggère enfin de créer un portail Internet de la culture scientifique accessible au plus large public.

Le Premier ministre a demandé à Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, et à Claudie Haigneré, ministre déléguée à la Recherche, de s'appuyer sur le rapport d'Emmanuel Hamelin, qui constitue une contribution importante au plan d'action du Gouvernement pour la diffusion de la culture scientifique, annoncé par le Président de la République lors de ses voeux aux forces vives de la Nation.

Mais on peut peut-être aller encore plus loin, en tirant l'enseignement de l'extraordinaire engouement qu'ont rencontré, auprès du grand public, les récents « docu-fiction » scientifiques diffusés à la télévision. Dans ce nouveau genre télévisuel, qui rencontre un vif succès dans les pays anglo-saxons, le documentaire utilise toutes les ressources de la fiction, ce qui permet d'aborder, de façon ludique, et très attractive pour le jeune public, des sujets et débats scientifiques les plus divers.

Nous avons eu dimanche dernier, un bel exemple de la puissance d'attraction de ces documentaires-fiction : après le public anglais qui a été captivé (10,5 millions de téléspectateurs), le public français s'est à son tour passionné pour la fin tragique de Polybius, de sa famille et de milliers de Pompéiens victimes de la colère du Vésuve, le 24 août 79. Le score d'audience est exceptionnel puisque « Le Dernier Jour de Pompéi » a attiré 8,8 millions de personnes sur France 2, soit près d'un téléspectateur sur trois. Même le documentaire qui a suivi a été suivi par 7,4 millions de téléspectateurs. Fait exceptionnel, ce "docu-fiction, fort bien réalisé, a rassemblé plus de téléspectateurs que le film dominical sur une chaîne concurrente.

Les téléspectateurs avaient découvert, et déjà apprécié, le « docu-fiction » sur France 3 en février 2000, grâce à « Sur la terre des dinosaures », avant de le plébisciter fortement en janvier 2003 lors de la diffusion de « l'Odyssée de l'espèce ». Ce programme avait captivé, lui aussi, quelque 8,8 millions de téléspectateurs, soit un record d'audience historique pour FR3. On peut également souligner, dans le domaine historique cette fois, le succès, à une heure de grande écoute, de l'excellente fiction consacrée à la marche vers le pouvoir d'Hitler, "Hitler ou la naissance du mal".

Cette audience exceptionnelle montre qu'il existe bien un grand appétit de culture et de connaissance dans notre pays, pour peu que l'on sache proposer à nos concitoyens des fictions de qualité, utilisant avec intelligence toutes les ressources des nouvelles technologies numériques. Cette soif de culture scientifique est ailleurs confirmée par une récente enquête qui montre que plus de 35 % des Français se déclaraient très intéressés par la perspective de développer leurs connaissances en médecine, en zoologie et en botanique.

En s'appuyant sur cette demande, l'Etat, en fédérant les différents acteurs concernés, Education Nationale, CNDP, Cité des Sciences, Chaînes de télévision publiques notamment, pourrait impulser une politique ambitieuse de production multimédia de "documentaires-fiction" à vocation scientifique, technologique, artistique ou historique. Ces "docu-fictions" qui disposeraient des moyens techniques et financiers suffisants pour séduire, par la qualité, un large public, seraient libres de droits et pourraient donc, après leur diffusion à la télévision, être consultables ou téléchargeables librement sur le Net, ou proposés aux familles à prix réduit à la vente, en DVD ou CD-ROM. Ils constitueraient de puissants outils pédagogiques pour les enseignants et les parents et pourraient contribuer à développer sensiblement la culture scientifique dans notre pays, ce qui constitue un enjeu de société capital pour ces prochaines années, compte tenu de l'importance du facteur technologique comme moteur de la nouvelle économie numérique. A cet égard, il faut en effet rappeler que nos jeunes ne s'orientent pas assez vers les filières scientifiques : environ 300 000 postes ne sont pas pourvus dans l'industrie car les jeunes n'ont pas la formation requise.

Il serait également souhaitable d'inscrire au cahier des charges des chaînes publiques l'obligation de diffuser au moins une fois par semaine, à une heure de grande écoute, une émission à vocation scientifique artistique ou historique, ce qui familiariserait les téléspectateurs avec la culture, sous ses aspects les plus riches, et relèverait le niveau souvent affligeant, il fait bien l'avouer, des émissions de télévision proposées en première partie de soirée à la télévision.

Il est temps de comprendre que nous ne pouvons plus transmettre la culture, notamment scientifique, auprès du jeune public, avec les mêmes méthodes et contenus arides et rébarbatifs qu'il y a trente ans, à l'époque de la télévision scolaire. Nous devons savoir utiliser, sans sacrifier à la rigueur scientifique et au sérieux du contenu, toutes les extraordinaires ressources que nous offrent à présent, pour un prix de plus en plus abordable, les nouvelles technologies numériques en matière d'images. Nous devons également tenir compte du fait que, d'ici la fin 2005, plus de la moitié des foyers français disposeront d'un lecteur de DVD et d'un accès à l'Internet.

Grâce à cette nouvelle forme de documentaire, qui met en scène le savoir et combine toute la puissance dramatique de la fiction et les ressources de l'image numérique, nous pouvons montrer au jeune public qu'il existe des objets de connaissances, d'enrichissement et d'émerveillement, dans la nature, l'art, ou l'histoire, bien plus forts et plus exaltants que les films, programmes ou jeux vidéo au contenu souvent violent, pauvre et stéréotypé qu'ils ont, faute de mieux, l'habitude de consommer.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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