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Edito : Hauts débits : La feuille de route

Jamais depuis l'origine de l'Humanité notre Monde n'a bougé aussi rapidement. Et pourtant, souvent, nous n'en avons pas conscience, un peu comme le passager d'un TGV qui ne réalise pas qu'il se déplace à plus de 300 Km/heure, alors que son aïeul utilisant les diligences était cassé dès que les chevaux le tiraient à plus de 10 Km/heure sur les fondrières des chaussées de l'époque. Avons-nous bien conscience que dans les 10 ans qui viennent, l'Humanité va globalement acquérir autant de connaissances nouvelles qu'elle n'en a acquis depuis l'origine de l'Homme ? Dix années vont suffire à l'Homme pour parcourir, dans les domaines de la connaissance, autant de chemin que la totalité de celui parcouru par tous ces aïeux depuis l'origine des temps. Cela semble inimaginable, et pourtant, c'est bien vrai. Toutes les bibliothèques qui, maintenant, sont devenues virtuelles, vont doubler de volume dans les 10 ans qui viennent. Cela est dû à un phénomène majeur. Notre planète est en train de se mettre en réseau. 500 millions d'êtres humains sont déjà, à ce jour, reliés les uns aux autres par Internet. Dans 5 ans, nous devrions être un milliard. Cette mutation profonde qui accompagne un développement extraordinaire de l'informatique, nous permet déjà de définir de façon générique, ce que sera le métier de demain : pour être dans l'économie du futur, chacun d'entre nous devra avoir la capacité d'ajouter du Savoir à un signal. Pour exercer ces métiers d'un futur maintenant très proche, il faudra non seulement acquérir des Savoirs, mais aussi, quelque soit notre lieu de résidence, disposer d'un signal de qualité accessible au meilleur coût. Dans moins de 10 ans, toute entreprise, qu'elle soit petite ou d'importance, devra obligatoirement être connectée à un réseau haut débit, pour être reliée au Monde entier. Cela lui sera aussi nécessaire que peut l'être, aujourd'hui, son raccordement au réseau électrique ou téléphonique. De plus, les habitudes de vie auront profondément changé pour des millions et des millions de Français dans les 10 ans qui viennent. Tous ceux que Claude Reich appelle « les enrichisseurs de signes » dans son économie mondialisée, vont constater qu'il n'est plus nécessaire de rejoindre, chaque matin, son bureau pour être efficace. Ils pourront l'être plus encore, puisqu'ils ne perdront plus de temps dans de stériles embouteillages, à partir de leur domicile, à condition que celui-ci soit, lui aussi, puissamment relié au réseau mondial. Or, quand nous abordons ce problème fondamental du haut débit qui est aussi important dans notre, encore jeune, vie d'internaute, que l'a été, pour nos grands-parents, l'arrivée de l'eau potable sur l'évier, après avoir dû la tirer du puits avec son seau, il faut bien avoir conscience qu'à l'encontre de ce que nous avons connu pour l'électricité ou le téléphone, notre définition du haut débit va évoluer très rapidement. Là où nous nous contentons, aujourd'hui, d'un simple filet continue de signaux, nous allons exiger bien rapidement, car les produits virtuels que nous transporteront seront de plus en plus lourds, un flux beaucoup plus puissant. Les observateurs les plus avertis affirment que la Loi de Moore qui, depuis 30 ans éclaire l'avenir de la Micro-informatique, en prévoyant que la capacité des ordinateurs doublent tous les 18 mois, tout en se maintenant au même prix, va dorénavant s'appliquer aux hauts débits. Ceci signifie que, si aujourd'hui nous nous satisfaisons de 512 K sur ADSL ou le câble, dans une dizaine d'années, chacun d'entre nous exigera de disposer de 100 Mégabits, soit près de 20 fois plus. Or, tous les scientifiques sont unanimes. A ce niveau là, il aura fallu quitter le domaine de l'électron pour entrer dans celui du photon. Ceci signifie qu'alors, le cuivre et donc l'ADSL, ne pourra plus suivre et que le vecteur naturel sera devenu le verre qui, seul, a la capacité de transporter les photons : les réseaux optiques prendront alors leurs réelles dimensions. Or, dix ans c'est court ! Même si nous commencions le travail dès demain matin, cela serait une vraie prouesse de voir toute la France équipée de réseaux optiques dans dix ans. Surtout, ne pensez pas que je sois original en proposant d'équiper ainsi l'ensemble de notre Pays, de réseaux optiques. La Corée l'a déjà fait, et la plupart des autres pays avancés du Monde en tête desquels les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, la Suède sont en train de le faire. De tous les principaux pays de l'OCDE, nous sommes celui qui est le plus en retard dans la mise en place d'un réseau alternatif face à celui mis en place, dans le temps par l'opérateur historique. Ainsi, pour ne parler que de nos voisins, il faut savoir que plus de 90% des Belges disposent du câble en plus de leur ligne téléphonique et que huit Allemands sur dix disposent du même avantage. A s'être égaré, depuis plus de 20 ans, dans des procédures et technologies alternatives liées au génie singulier de nos responsables politiques et de nos ingénieurs qui ont préféré la télévision payante par satellite, et bien d'autres originalités, le satellite de diffusion directe (TDF 1 et TDF 2), nous avons oublié l'importance de la construction systématique d'un réseau câblé alternatif. Cela nous amène logiquement à une autre erreur que nous nous apprêtons à commettre. Nous pensons que l'ADSL qui utilise notre ligne téléphonique pour nous apporter, sans génie civil supplémentaire, le haut débit à notre domicile, sera suffisant pour répondre à nos attentes du haut débit dans le futur. S'il est vrai que l'ADSL pourra semer l'illusion pendant les 5 à 7 ans qui viennent comme les superbes locomotives à vapeur avaient su le faire, en leur temps, face aux locomotives électriques, il faut bien avoir conscience, dès maintenant, que le cuivre ne pourra pas suivre et devra laisser la place au verre. Les ingénieurs de France Télécom, face à cet argument, rétorqueraient immédiatement qu'ils vont eux-mêmes construire un immense réseau optique puisqu'ils ont l'ambition, à terme, de relier la plupart de leur DSLAM (serveur distribuant l'ADSL), par la fibre. Mais cette réponse n'est pas la bonne car, dans l'établissement d'un réseau, les coûts essentiels ne sont pas induits par la construction des artères, mais bien par le chevelu optique ou coaxial qui devra desservir chaque utilisateur dans les dix ans qui viennent. Or, la construction de ce chevelu, même France Télécom n'aura pas les moyens de le réaliser dans cette prochaine décennie. Seule une synergie entre la volonté politique de l'Etat et des Collectivités Territoriales et l'initiative privée des principaux acteurs permettra de relever à temps ce défi. La seule obligation qui devra être apportée à une telle démarche, sera de permettre à la Collectivité de rester propriétaire des réseaux ainsi construits avec des financements croisés, publics privés, afin qu'une réelle concurrence puisse ainsi s'exercer sur ces réseaux du futur. Cette « feuille de route » nous permet de découvrir la seule voie que doit suivre la France si nous voulons qu'elle soit exacte au rendez-vous du futur.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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