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Edito : halte là ! Nous ne pouvons plus continuer ainsi

L'accélération stupéfiante de la Nouvelle Economie provoque un tel élargissement du fossé entre les plus riches et les plus pauvres que tout être sensé doit se sentir aujourd'hui dans l'obligation de pousser un cri d'alarme. Comme le révèle un récent rapport des Nations Unies, les trois personnes les plus riches au monde possèdent, ensemble, une fortune plus importante que la production annuelle (P.I.B.) des 48 pays les plus pauvres de la planète. Il n'y a pas de raison objective pour que ce mouvement se ralentisse, du moins à court terme, puisque les plus riches n'ont même plus besoin de personnel de production et de matière pour s'enrichir alors que les plus pauvres n'ont souvent que leurs mains pour piocher leur incertaine sordide ration de survie, dans les poubelles. Aussi, il devient très urgent, pour les nations les plus développées, de prendre conscience, sans retard, après le coup de semonce de Seattle, qu'il leur faut définir les valeurs sur lesquelles va s'appuyer la nouvelle société de l'information et prendre l'engagement solennel de mettre en place les outils qui permettront de mieux répartir ces nouvelles richesses sur l'ensemble de notre planète. Le minerai de cette société nouvelle qui émerge est l'information. Faisons en sorte qu'elle soit gratuite et accessible à tous. Ne recommençons pas l'erreur qui a coûté si cher en révolutions, en guerres, en tueries et souffrances si inutiles, depuis trois siècles, à la société industrielle, en ne donnant la possibilité qu'aux plus riches de valoriser ce minerai. Si tous les peuples, même les plus pauvres, peuvent enrichir l'information avec des savoirs, ils créeront de la connaissance qui va être dorénavant la marchandise à valeur ajoutée la plus répandue. Les pays les plus avancés n'ont pas de crainte à éprouver devant cette diffusion massive de la connaissance car ils ont, eux, la chance de pouvoir ajouter l'expérience à leurs propres connaissances, ce qui leur permet de disposer de la plus haute valeur marchande de cette nouvelle économie : l'expertise. Mais que faut-il donc à tous les infopauvres du monde pour qu'enfin un avenir plus serein s'annonce ? Il leur faut pouvoir accéder au "signal " et pouvoir acquérir du savoir. Or, quand on prend conscience, comme nous y incite Michael Destouzos dans son dernier ouvrage (1) que plus des deux tiers de l'humanité n'ont même pas encore accès au téléphone, nous réalisons tout le chemin qu'il faut parcourir. Aussi, et il en va certainement de l'avenir de notre Terre, dépassant tous les égoïsmes et les conservatismes, il faut que les Nations les plus riches s'associent pour faire sortir tous ces peuples du Moyen Âge sinon de la Préhistoire. Les outils qui leur permettraient de réaliser ce bond extraordinaire dans le temps et l'espace sont disponibles. Seule la volonté manque. Ainsi, pourquoi ne prendrions-nous pas la décision, alors que des centaines de satellites permettant non seulement l'échange de la voix mais aussi de l'image et de données vont être lancés dans ces prochaines années, de faire en sorte que tous les pays les plus pauvres puissent y accéder gratuitement. Les nouveaux téléphones portables, dont nous avons vu les prototypes il y a quelques semaines à Télécoms 99, qui permettront aussi l'accès à Internet, pourraient voir leur prix décroître de façon spectaculaire s'ils étaient fabriqués en centaines de millions d'exemplaires et remis, sans contrepartie, à tous ceux qui voudraient entrer dans l'avenir. Ce n'est qu'ainsi que les pays nantis dont nous faisons partie retrouveraient leur fierté dans une certaine gaieté qu'ils semblent avoir peu à peu perdue... Il est très urgent que toutes les Nations les plus riches prennent sans retard ces résolutions qui changeront la face du Monde car il n'est pas dans la mission des entreprises de le faire à leur place. Or, quand nous constatons que, déjà aujourd'hui, sur les cent premières économies mondiales, 51 ne sont déjà plus des Etats mais des entreprises et que nous voyons enfler jour après jour la vague de concentrations entre les grands groupes, qui propulsent la Nouvelle Economie vers des terres inconnues, il est impératif que nous prenions conscience que demain il sera trop tard.

René TREGOUET

Sénateur du Rhône

Demain, comment les Nouvelles Technologies vont changer notre vie - Michael Destouzos - Calmann-Levy 1999

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