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Le génome de la bactérie responsable de la peste noire a été déchiffré

Pourquoi la Peste Noire a-t-elle fait tant de ravages en Europe au 14e siècle ? Pour le savoir, deux chercheuses ont reconstruit le génome quasi-complet de la bactérie responsable de cette épidémie.

Au 14e siècle, la Peste Noire décima en cinq ans 30 à 50 % de la population européenne. Après des dizaines d’années de silence pendant lesquelles elle semblait avoir disparu, la peste est réapparue dans plusieurs pays (Algérie, Inde) et fait aujourd’hui environ 2 000 victimes par an. Les souches responsables de la maladie actuelle sont-elles liées à celle de la Peste Noire ? Et si oui, comment expliquer la forte baisse de mortalité ?

Pour le comprendre, Verena Schuenemann de l’Université de Tübingen, en Allemagne, et Kirsten Bos de l’Université McMaster, au Canada, ont reconstruit le génome de la bactérie Yersinia pestis, responsable de la Peste Noire médiévale. Les deux scientifiques ont utilisé un nouveau procédé de reconstruction de génome à partir d’échantillons provenant de squelettes de victimes de la Grande Peste à Londres, datés entre 1347 et 1351. Pour la première fois, elles ont obtenu le génome quasi-complet d’une souche bactérienne ancienne.

  • Un génome complet à 99 %

Les scientifiques ont prélevé la pulpe de 46 dents appartenant à quatre squelettes de victimes de la Peste Noire, exposés au musée de Londres puis elles en ont extrait tout l’ADN qu’elle contenait (ADN humain, viral, bactérien…) L’ADN ainsi obtenu a été séquencé, indexé puis amplifié pour augmenter le nombre d’échantillons. « Pour identifier les segments appartenant à Y. pestis, nous avons comparé nos échantillons à un ADN artificiel similaire à celui d’une souche moderne de la bactérie de la peste », explique Verena Schuenemann. Ce qui a permis d’extraire les segments d’ADN de Y. pestis puis de les assembler dans le bon ordre selon son architecture originale. Les chercheuses ont ensuite obtenu le séquençage complet de son génome, c’est-à-dire l’ordre des différentes briques élémentaires de l’ADN : les nucléotides A, T, C ou G. Elles ont ainsi déchiffré 99 % du génome ancien de Y. pestis.

Les scientifiques ont développé ces techniques pour la reconstruction du génome humain dans le cadre du projet « Génome humain » puis de celui de l’homme de Néandertal. Pour obtenir le génome quasi-complet de Y. pestis, V. Schuenemann et K. Bos ont pour la première fois appliqué ces techniques à l’étude d’épidémies anciennes. Des travaux innovants dans le domaine de l’archéologie épidémiologique.

  • Peu d’évolution depuis le Moyen-Age

En comparant le génome obtenu à celui de plusieurs souches modernes, les chercheuses ont constaté seulement 97 modifications de nucléotides entre les génomes récent et ancien de Y. pestis. De plus, il semblerait qu’aucune de ces modifications n’implique de partie codante du génome, autrement dit l’ADN responsable de l’anatomie et du fonctionnement de la bactérie. Elles n’auraient donc pas eu d’effets sur l’activité de l’agent pathogène.

Alors comment expliquer que la peste médiévale ait été si sévère comparée à la souche actuelle ? D’après Elisabeth Carniel, directrice du groupe « Yersinia » de l’Institut Pasteur à Paris, « ces résultats suggèrent peu de modifications de Y. pestis au cours des 660 dernières années. La moindre sévérité de la peste actuelle est donc probablement liée à des changements au sein de notre immunité ainsi qu’aux améliorations de nos conditions de vie (moins de famines, climats plus cléments, meilleure hygiène, etc.) »

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